Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 mars 2019, et des pièces enregistrées le 28 mars 2019, la Selarl Laurent Mayon, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n°1803767 du 5 mars 2019 du président du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'ordonner une expertise au contradictoire de Bordeaux Métropole aux fins d'évaluer le préjudice lié à la perte de valeur du fonds de commerce et à la perte de chiffre d'affaires de l'année 2013.
Elle soutient que :
- le restaurant " La Table de Ken " était un restaurant gastronomique. Les travaux du tramway ont conduit à la suppression des 10 places de stationnement dont il bénéficiait, et à une désaffection de la clientèle qui a nécessité un changement de formule, avec transformation en bar brasserie en janvier 2013. Si une indemnité a été obtenue pour la perte d'exploitation de 2012, celle proposée pour 2013 était insuffisante. La société Bordeaux Cafet a été mise en liquidation judiciaire le 10 juin 2015 ;
- un conflit avec ses experts comptables n'a pas permis à la société de réunir les pièces comptables des années 2011, 2012 et 2013 avant 2017 et 2018 ; la tardiveté de la demande en référé est due à des circonstances exceptionnelles et indépendantes de la volonté de la société ;
- elle a fait estimer la perte de son fonds de commerce par un expert en estimations foncières et sollicité en vain de Bordeaux Métropole une indemnité de 470 000 euros ; c'est à tort que Bordeaux Métropole a estimé que la société avait le choix de ne pas changer de formule commerciale, et seul un expert pourra déterminer la réalité de son préjudice ;
- l'expert devra également se prononcer sur la perte de chiffre d'affaires de l'année 2013.
Le président de la cour a désigné, par une décision du 2 janvier 2018, Mme Catherine Girault, président de chambre, comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. La société Bordeaux Cafet, qui bénéficiait depuis 2009 d'une procédure de redressement judiciaire, exploitait en 2012 un restaurant gastronomique avenue de Magudas à Mérignac. Les travaux de réalisation du tramway et d'une piste cyclable ont conduit à supprimer les places de stationnement dont elle bénéficiait dans le cadre de son bail, et les désagréments du chantier ont amené une perte de clientèle. En janvier 2013, la société a transformé le restaurant en bar-brasserie, et continué d'enregistrer une baisse de chiffre d'affaires. Par une transaction signée avec Bordeaux Métropole le 8 juillet 2014, une indemnité de 159 016 euros a été allouée à la société, incluant la perte de chiffre d'affaires jusqu'en septembre 2013. La société a ensuite décliné la proposition d'indemnisation d'un montant de 70 917 euros faite par Bordeaux Métropole pour la période de septembre 2013 à septembre 2014. Le tribunal de commerce de Bordeaux a décidé sa liquidation judiciaire le 10 juin 2015 et désigné la Selarl Laurent Mayon comme liquidateur. Celle-ci relève appel de l'ordonnance par laquelle le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'expertise pour évaluer le préjudice résultant de la perte de valeur du fonds de commerce et de la perte de chiffre d'affaires pour la période postérieure à septembre 2013.
Sur l'utilité de l'expertise :
2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'octroi d'une telle mesure est subordonné à son utilité pour le règlement d'un litige principal. Celle-ci doit être appréciée en tenant compte, notamment, de l'existence d'une perspective contentieuse recevable, des possibilités ouvertes au demandeur pour arriver au même résultat par d'autres moyens ou de l'intérêt de la mesure pour le contentieux né ou à venir.
3. Pour rejeter comme dépourvue du caractère d'utilité requis la demande d'expertise de la SELARL Mayon, le premier juge a relevé qu'une demande au fond serait tardive, en rappelant que les deux décisions des 14 avril 2015 et 22 juillet 2015 de Bordeaux Métropole avaient fait l'objet d'une notification avec indication des voies et délais de recours. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la première écartait par principe toute indemnisation de perte de valeur du fonds de commerce comme relevant d'un préjudice éventuel, et proposait une indemnité pour la perte de chiffre d'affaires de 70 917 euros sous réserve de production de pièces ou éléments nouveaux. La seconde confirmait ce montant faute de trouver dans les liasses transmises des justifications permettant de majorer l'indemnité. Le premier juge a en outre relevé que s'agissant de la première décision, la requérante, qui n'établissait ni même allèguait l'avoir réceptionnée depuis moins d'un an à la date d'enregistrement de sa requête, ne faisait état d'aucune circonstance particulière lui permettant d'exercer son recours indemnitaire au-delà du délai raisonnable d'un an durant lequel il pouvait être exercé.
4. La Selarl Laurent Mayon fait valoir qu'un conflit avec ses experts-comptables l'a empêchée de récupérer des pièces comptables indispensables à sa demande d'expertise, qui n'ont pu être obtenues qu'après une procédure judiciaire, ce qui doit faire regarder la tardiveté de sa demande comme résultant de circonstances indépendantes de sa volonté. Toutefois, les difficultés de production de pièces, à les supposer même réellement indépendantes de la volonté de la société alors qu'elles résultaient de son propre défaut de paiement des factures de son prestataire, ne faisaient pas obstacle à ce que la société exerce, si elle s'y croyait fondée, à l'encontre de Bordeaux Métropole les recours qui lui étaient indiqués, en faisant état le cas échéant des contraintes limitant la célérité de l'instruction et en sollicitant du juge du fond, s'il s'estimait insuffisamment éclairé par l'expertise non contradictoire qu'elle a demandée à un expert foncier, d'ordonner une expertise judiciaire. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le premier juge a estimé que l'expertise demandée ne présentait pas le caractère d'utilité requis par les dispositions précitées du code de justice administrative, et la Selarl Laurent Mayon n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge a refusé d'ordonner l'expertise sollicitée.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de la Selarl Laurent Mayon est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la Selarl Laurent Mayon. Copie en sera adressée à Bordeaux Métropole.
Fait à Bordeaux, le 12 avril 2019
Le juge d'appel des référés,
Catherine GIRAULT
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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N° 19BX01154