Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête, enregistrée le 13 mai 2015, M.E..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 9 avril 2015 ;
2°) d'annuler les décisions précitées du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Poitou-Charentes en date des 21 mai et 31 mai 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il conteste les conclusions du rapport d'enquête et des entretiens des 24 et 30 mai 2012 en ce qui concerne les propos qui lui sont prêtés ; le rapport d'enquête contient des incohérences et des inexactitudes ;
- le direccte a commis une erreur de fait, en ayant relevée que l'apprentie effectuait elle-même des épilations de " maillot " masculin et pratiquait des massages sur des hommes nus ; son apprentie ne s'est jamais trouvée seule pour réaliser ces tâches et elle était surtout là pour l'assister ;
- il n'a jamais demandé non plus à son apprentie de s'habiller en jupe courte et talons aiguille, il l'a seulement invitée à venir travailler en tenue élégante et maquillée ; une telle sollicitation n'a rien de déplacé et est même prévue dans le livret d'apprentissage ;
- à aucun moment Mme C...n'a été placée en situation de fragilité ou d'avilissement ; de toutes façons, les hommes n'étaient pas totalement nus lors des massages ;
- la jeune apprentie et ses parents ont accepté de signer le contrat d'apprentissage, alors qu'il les avait prévenus de ce qu'elle pourrait être amenés à pratiquer des massages sur des hommes nus ; les techniques apprises à l'institut étaient inscrites sur le livret d'apprentissage ; les parents étaient donc mal fondés à porter plainte ;
- jamais l'apprentie ne s'est plainte de propositions malhonnêtes ; rien n'établit que son arrêt maladie soit en lien avec ses conditions de travail ; aucune autre apprentie ne s'est jamais plainte ; il produit des attestations en ce sens ; il a été entendu par les services de police à la suite de la plainte déposée par les parents de l'apprentie, mais aucune poursuite n'a été engagée contre lui ;
- le référentiel définissant le certificat d'aptitude professionnelle esthétique, cosmétique et parfumerie prévoit que l'apprenti(e) doit apprendre à réaliser des épilations " maillot ", ce qui n'exclut donc pas les épilations masculines ; le salon est mixte et les activités esthétiques amènent à intervenir aussi bien sur des femmes que sur des hommes ;
- la décision d'interdiction de reprise du contrat repose sur une erreur manifeste d'appréciation ; aucun élément objectif ne permet de la justifier ; les faits reprochés sont inexacts ; par suite, il n'a jamais mis en danger son apprentie ;
- la décision portant interdiction de recrutement de nouveaux apprentis mineurs pendant cinq ans est également illégale ; cette mesure laisse peser sur son institut une suspicion malsaine et porte atteinte à sa réputation ; elle n'est pas justifiée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'arrêté du 22 avril 2008 définissant le certificat d'aptitude professionnelle esthétique, cosmétique, parfumerie et fixant les conditions de délivrance ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. La jeune A...C..., alors âgée de seize ans, préparant le CAP esthétique au sein du CFA de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Charente-Maritime a signé, le 19 août 2011, avec M.E..., responsable de l'institut de beauté " Atout Corps " à La Rochelle, un contrat d'apprentissage d'une durée de vingt-quatre mois. Cependant, le 21 mai 2012, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Poitou-Charentes, considérant que la jeune fille était mise en danger, a suspendu ce contrat d'apprentissage. Le 31 mai 2012, cette même autorité a, par une première décision, refusé la reprise de l'exécution de ce contrat et, par une seconde décision, interdit à M. E...tout recrutement de nouveaux apprentis et jeunes sous contrat d'insertion en alternance pendant une durée de cinq ans. M. E...fait appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 9 avril 2015, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue de l'article 3 du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 : " (...) Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter (...), après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement. (...) ".
3. D'autre part, l'article L. 6223-1 du code du travail prévoit que : " Toute entreprise peut engager un apprenti si l'employeur déclare à l'autorité administrative prendre les mesures nécessaires à l'organisation de l'apprentissage et s'il garantit que l'équipement de l'entreprise, les techniques utilisées, les conditions de travail, de santé et de sécurité, les compétences professionnelles et pédagogiques ainsi que la moralité des personnes qui sont responsables de la formation sont de nature à permettre une formation satisfaisante. / (...) ". L'article L. 6225-4 de ce même code dispose que : " En cas de risque sérieux d'atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou morale de l'apprenti, l'inspecteur du travail ou le fonctionnaire de contrôle assimilé propose au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi la suspension du contrat d'apprentissage. / Cette suspension s'accompagne du maintien par l'employeur de la rémunération de l'apprenti ". L'article L. 6225-5 de ce code prévoit que : " Dans le délai de quinze jours à compter du constat de l'agent de contrôle, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi se prononce sur la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage. / Le refus d'autoriser la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage entraîne la rupture de ce contrat à la date de notification du refus aux parties. Dans ce cas, l'employeur verse à l'apprenti les sommes dont il aurait été redevable si le contrat s'était poursuivi jusqu'à son terme ou jusqu'au terme de la période d'apprentissage ". Enfin, l'article L. 6225-6 prévoit que : " La décision de refus du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi peut s'accompagner de l'interdiction faite à l'employeur de recruter de nouveaux apprentis ainsi que des jeunes titulaires d'un contrat d'insertion en alternance, pour une durée qu'elle détermine. ".
En ce qui concerne les décisions de suspension et d'interruption du contrat de l'apprentie :
4. Il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre du suivi de l'apprentissage et à la suite également de la plainte déposée par les parents de la jeune apprentie le 3 mai 2012, le contrôleur du travail de la 3ème section de la Charente-Maritime a diligenté, au sein de l'entreprise, une enquête effectuée les 26 avril, 9 mai, 12 mai et 14 mai 2012, qui a donné lieu à l'établissement d'un rapport en date du 16 mai 2012. Le contrôleur du travail a notamment constaté que la jeune fille effectuait des massages sur des hommes nus, réalisait des épilations intégrales " maillot " sur des hommes, se plaignait de certaines propositions faites par des clients, mais également de la tenue vestimentaire, vêtements courts et chaussures à talons, qui lui était imposée. Après enquête auprès d'anciennes apprenties, le contrôleur a également constaté, dans cette entreprise, l'existence de pratiques peu conformes à la moralité. Le même rapport conclut que " Mademoiselle C...se trouve psychologiquement déstabilisée par cette situation (...), étant " depuis plusieurs mois en position de contrainte par intimidation de poursuivre des conditions de travail contraires à la moralité et aux bonnes moeurs alors qu'elle ne supporte plus d'effectuer son activité notamment en contact avec des hommes ".
5. En se bornant à faire valoir que ces constatations seraient inexactes et en produisant une attestation d'une ancienne élève et deux attestations de directrices d'écoles d'esthétique, M. E...ne conteste pas utilement la matérialité des faits ainsi décrits par le contrôleur du travail à l'issue d'une enquête à caractère contradictoire, faits qui doivent par suite être regardés comme établis. Dans ces conditions, et alors que la réalisation d'épilations du " maillot " masculin ne relève pas du référentiel de certification annexé à l'arrêté du 22 avril 2008 définissant le certificat d'aptitude professionnelle esthétique, cosmétique, parfumerie et en fixant les conditions de délivrance, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Poitou-Charentes a pu, sans entacher ses décisions d'erreur d'appréciation, estimer qu'un risque sérieux d'atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou morale de l'apprentie justifiait la suspension du contrat d'apprentissage en cause et le refus de reprise de ce contrat.
En ce qui concerne l'interdiction de recruter de nouveaux apprentis et des jeunes sous contrat d'insertion en alternance pour une durée de cinq ans :
6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, et alors, comme l'ont déjà relevé à juste titre les premiers juges, que la gravité des faits est corroborée par la circonstance que, selon le rapport d'enquête, M. E...avait déjà sollicité antérieurement des apprenties pour la réalisation de pratiques ne relevant pas du référentiel de certification du certificat d'aptitude professionnelle esthétique, la décision contestée n'est pas disproportionnée.
7. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. E...est manifestement dépourvue de fondement et peut dès lors être rejetée, en ce compris les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue par les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article R.222-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B...E...et au ministre du travail, de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social. Copie en sera transmise au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Poitou-Charentes et à Mme A...C....
Fait à Bordeaux, le 13 avril 2017.
Le président de chambre,
Pierre Larroumec,
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 15BX01654