Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 janvier 2017, M.B..., représenté par Me Kukuryka, avocat, demande à la cour :
A titre principal :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1600751 du 27 octobre 2016 ;
2°) d'annuler la décision accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle à Mme C... ainsi que la décision rejetant implicitement sa demande de retrait de cette aide ;
3°) d'annuler le titre de perception d'un montant de 734 euros ;
A titre subsidiaire :
1°) si l'incompétence de la juridiction administrative devait être maintenue pour le tout, dire au profit de quelle juridiction ;
2°) si la compétence de la juridiction administrative devait être retenue seulement sur la demande d'annulation du titre de perception, de surseoir à statuer jusqu'à ce que le bureau d'aide juridictionnelle statue sur la demande de retrait de l'aide juridictionnelle accordée à Mme C... ;
3°) si la compétence de la juridiction administrative devait être retenue également sur la demande de retrait de l'aide juridictionnelle, prononcer le retrait de la décision d'aide juridictionnelle sur la base de laquelle a été rendu le titre exécutoire.
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Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, notamment ses articles 117, 118 et 119 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...a assigné devant le tribunal de grande instance de Bordeaux Mme C..., à qui l'aide juridictionnelle totale a été accordée le 3 janvier 2012 pour se défendre. Le tribunal de grande instance a débouté M. B...par un jugement du 25 février 2014 qui a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel du 5 janvier 2015. Le service ordonnateur de la cour d'appel de Bordeaux a constitué M. B...débiteur des frais d'aide juridictionnelle avancés par l'Etat au profit de l'avocat de MmeC..., ce qui a conduit à l'émission d'un titre de perception du 2 avril 2015 visant au paiement par M. B...de la somme de 734 euros. Ce dernier a formé opposition à ce titre de perception en demandant, sur le fondement des articles 50 et 51 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, le retrait de l'aide juridictionnelle accordée à MmeC.... Il a été accusé réception le 30 juin 2015 de cette opposition. Le M.B..., qui a saisi le tribunal administratif de Bordeaux le 22 février 2016, fait appel de l'ordonnance du 27 octobre 2016 par laquelle le président du tribunal administratif a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
2. Le dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative dispose que les présidents de formation de jugement des cours administratives d'appel peuvent rejeter par ordonnance les appels contre les ordonnances prises en application des 1° à 6° dudit article. L'ordonnance attaquée a été prise en application du 2° du même article qui permet de rejeter par ordonnance les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
3. En estimant, au vu des conclusions telles que formulées page 4 de la requête introductive d'instance, qu'il n'était saisi que de conclusions à fin d'annulation du titre de perception, le président du tribunal administratif ne s'est pas mépris sur la portée des conclusions dont il était saisi.
4. En indiquant que le litige ne relevait pas de la compétence des juridictions de l'ordre administratif, le président du tribunal administratif a implicitement mais nécessairement précisé l'ordre juridictionnel compétent.
5. Le président du tribunal administratif n'était aucunement tenu, avant de rejeter la demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, de surseoir à statuer sur cette demande.
Sur la compétence juridictionnelle :
6. Aux termes de l'article 43 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsque la partie condamnée aux dépens ou la partie perdante ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle, elle est tenue de rembourser au Trésor public les sommes exposées par l'Etat, à l'exclusion des frais de justice criminelle, correctionnelle ou de police. Toutefois, pour des considérations tirées de l'équité ou de la situation économique de cette partie, le juge peut la dispenser totalement ou partiellement de ce remboursement ". Conformément à l'article 44 de cette même loi, dans sa rédaction issue de l'article 74 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 : " Le recouvrement des sommes dues à l'Etat a lieu comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine, sous réserve de dispositions particulières définies par décret ". Selon l'article 123 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991, précitée : " La partie condamnée aux dépens qui ne bénéficie pas elle-même de l'aide juridictionnelle est tenue, sauf dispense totale ou partielle accordée par le juge, de rembourser au Trésor, dans la proportion des dépens mis à sa charge, les sommes avancées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ". Aux termes de l'article 124 dudit décret : " Le recouvrement des sommes avancées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle est effectué par le comptable de la direction générale des finances publiques au vu d'un titre de perception établi et rendu exécutoire par l'ordonnateur compétent ". Enfin, l'article 128 du même texte, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-1247 du 7 novembre 2012 portant adaptation de divers textes aux nouvelles règles de la gestion budgétaire et comptable publique, dispose que : " Le titre de perception peut faire l'objet de la part du redevable d'une opposition. / L'opposition est formée et instruite selon les règles prévues aux articles 117 à 119 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, et produit les mêmes effets ".
7. La créance que l'Etat détient, en l'espèce, contre la partie condamnée aux dépens trouve son fondement dans une décision de la juridiction judiciaire, qui a tranché le litige opposant les parties à l'instance et statué sur les dépens y afférents, et n'en est pas détachable. Il s'ensuit que les mesures prises par les chefs de cour d'appel, en leur qualité d'ordonnateurs, en vue du recouvrement des sommes avancées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle se rattachent au fonctionnement du service public de la justice. Dès lors, la contestation du titre de perception litigieux relève de la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire (cf. Tribunal des conflits, décision n° 4062 du 4 juillet 2016).
8. La circonstance que le courrier du service administratif interrégional aurait indiqué -ce qui, au demeurant, n'est pas le cas - que le tribunal administratif est compétent est, en tout état de cause, sans aucune espèce d'incidence sur l'application des règles de compétence juridictionnelle, qui sont d'ordre public.
9. Les conclusions tendant à l'annulation du rejet implicite de l'opposition formé par M. B... à l'encontre du titre de perception et de la demande de retrait de l'aide juridictionnelle accordée à Mme C...sont nouvelles en appel et sont donc irrecevables. Au demeurant, quand bien même elles ne seraient pas irrecevables, les règles de compétence rappelées ci-dessus trouveraient à s'appliquer.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
11. Enfin, il n'appartient pas au juge administratif, lorsqu'il décline la compétence de la juridiction administrative, de désigner la juridiction de l'ordre judiciaire qui est compétente pour connaître du litige. Il n'y a donc pas lieu de faire droit aux conclusions subsidiaires du requérant.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
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N° 17BX00018