Procédure devant la cour :
Par une requête et trois mémoires, enregistrés le 2 juillet, 19 septembre, 17 octobre et 12 novembre 2019, la communauté d'agglomération Cap Excellence, représentée par Me C..., demande au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 19 juin 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Guadeloupe ;
2°) de mettre à la charge du SIAEAG une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la demande de première instance du SIAEAG était irrecevable en raison de ce que ce dernier avait renoncé à tout recours en vertu de l'article 8 du protocole d'accord conclu en février 2015, lequel fixait par ailleurs, à son article 4 les conditions de tarification de vente d'eau en gros au titre de l'année 2015 ;
- à titre subsidiaire, le montant de la créance dont se prévaut le SIAEAG est incertain ;
- en effet, la livraison d'eau à destination des Grands Fonds Gosier se situe hors du champ d'application du contrat et il est impossible de connaître précisément le volume ainsi représenté dans le total de la facturation du SIAEAG, outre le fait qu'il n'existe pas d'accord sur le prix entre les parties pour ce secteur ;
- en outre, de nombreux relevés comportent des erreurs ou des omissions et n'ont pas été établis de manière contradictoire ;
Par trois mémoires, enregistrés le 3 septembre et les 2 et 31 octobre 2019, le SIAEAG, représenté par Me B... et Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante le paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande première instance ne peut être regardée comme irrecevable en raison de l'existence d'un accord transactionnel, cette circonstance n'ayant éventuellement pour effet que de rendre l'obligation dont il se prévaut sérieusement contestable ;
- en outre, en l'espèce cet accord, soit le protocole du 2 février 2015, a seulement pour objet, au titre de l'année 2015, de fixer le tarif de l'eau vendue ainsi que les modalités de paiement de cette vente et ne peut donc être regardé comme ayant pour objet de mettre fin à des litiges ou empêcher de tels litiges de se nouer au titre de l'année 2015 ;
- par ailleurs, la créance du SIAEAG n'est pas sérieusement contestable ;
- ainsi, l'eau vendue en l'occurrence, livrée au compteur de Caraque, correspond au volume demandé par Cap Excellence, tel que convenu par les articles 3 et 4 de la convention conclue le 8 septembre 2015 avec cette dernière ; de plus, il n'est pas établi que le compteur de Caraque permette d'alimenter les secteurs de Grands Fonds Abymes et de Grands Fonds Gosier pour un volume bien déterminé ;
- à supposer avérée cette circonstance, il incombe à Cap Excellence de régler les volumes d'eau contractuellement prévus pour être livrés au compteur de Caraque et de se retourner vers le client qui a demandé de l'eau et, le cas échéant, vers l'autorité compétente pour obtenir un remboursement ;
- enfin, les relevés des compteurs ont été établis conformément aux modalités prévues par l'article 5 de la convention précitée, pour ceux correspondant à la période postérieure à la signature de celle-ci, et ne comportent pas d'erreur ; du reste, la créance relative au compteur du Pérou est désormais définitive, en l'absence de contestation dans le délai de 30 jours francs prévus par l'article 12 de la convention ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné, par décision du 2 septembre 2019, M. D... en qualité de juge des référés en application du livre V du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG) a adressé, le 16 mars 2016, à la communauté d'agglomération Cap Excellence trois factures relatives à des livraisons d'eau en gros au titre du 4ème trimestre de l'année 2015 pour un montant total de 2 999 609,99 euros. La communauté d'agglomération précitée a ensuite, le 9 mars 2016, réglé la somme de 1 600 000 euros tandis que le SIAEAG a émis, en outre, deux factures d'un montant total de 46 566,69 euros, relatives également à l'année 2015. En l'absence de paiement par Cap Excellence de la somme qu'il estimait devoir lui être encore due au titre des factures précitées, soit 1 446 176,68 euros, le SIAEAG a saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe d'une demande de condamnation de Cap Excellence à lui verser cette somme à titre de provision.
2. La communauté d'agglomération Cap Excellence, qui n'a pas produit en première instance, relève appel de l'ordonnance du 19 juin 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe l'a condamnée à verser au SIAEAG une provision de 1 446 176,68 euros, majorée des intérêts au taux légal.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
3. La communauté d'agglomération appelante soutient que le premier juge aurait dû relever d'office l'irrecevabilité de la demande du SIAEAG, en raison de ce qu'elle méconnaissait les stipulations du protocole transactionnel conclu le 2 février 2015 entre elle et le SIAEAG en vertu desquelles ce dernier avait renoncé à tout recours.
4. Cependant, aux termes de l'article 1 du protocole précité : " Le présent protocole a pour objet : /1. d'éteindre les contentieux et actions judiciaires relatives au règlement des consommations d'eau en gros de 2008 à 2013 de Cap Excellence vis-à-vis du SIAEAG ; /2. de déterminer les conditions de règlement des consommations d'eau en gros et de traitement des eaux usées entre Cap Excellence et le SIAEAG pour 2014 ; /3. de fixer conventionnellement le prix applicable aux consommations d'eau en gros pour 2015 ". Et l'article 8 de ce protocole prévoit que : " En conséquence les différends pouvant exister entre les parties au titre de ce litige sont définitivement réglés, sans exception, ni réserve et le présent protocole d'accord rend irrecevable tout litige contentieux et procédure à venir, à raison des mêmes faits et différends conformément aux dispositions des articles 2044 et suivants du code civil. /Chaque partie garantit l'autre de tout recours au titre des conflits objets du présent contrat, ou à raison des mêmes faits ou différends ".
5. Il résulte de la combinaison de ces stipulations que l'objet du présent litige, qui concerne le paiement par Cap Excellence de la livraison d'eau effectuée par le SIAEAG au titre de l'année 2015, sans contestation du prix au m3 de cette livraison, est extérieur au champ d'application du protocole auquel se réfère l'appelante. Par conséquent et en tout état de cause, le premier juge n'avait pas à relever d'office l'impossibilité pour le SIAEAG, en vertu de ce protocole, de solliciter la condamnation de Cap Excellence à lui verser une provision correspondant au montant des factures de livraison d'eau en gros au titre de l'année 2015.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
6. Aux termes de l'article R. 541-1 du même code : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure qu'elles instituent, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.
7. En premier lieu et aux termes de l'article 3 de la convention conclue le 8 septembre 2015 entre Cap Excellence et le SIAEAG, pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 2015, ce dernier " s'engage à livrer les volumes d'eau demandés par Cap Excellence, dans la limite par an : /D'un volume de 4 500 000 m3 pour le territoire Pointe-à-Pitre - Abymes ; /d'un volume de 2 500 000 m3 pour le territoire des Grands Fonds Abymes ; /d'un volume de 5 800 000 m3 pour le territoire de Baie-Mahault. /Toutefois, les livraisons du SIAEAG ne pourront pas dépasser les volumes mensuels suivants : / 400 000 m3 pour le territoire Pointe-à-Pitre - Abymes /250 000 m3 pour le territoire des Grands Fonds Abymes /490 000 m3 pour le territoire de Baie-Mahault. /Les volumes d'eau effectivement livrés seront mesurés au moyen de compteurs placés aux points de livraisons indiqués à l'article 4. ". Et en vertu de l'article 4 le point de livraison du territoire des " Grands Fonds Abymes " est situé au lieu-dit Caraque.
8. Si Cap Excellence soutient qu'une partie, non déterminée, de l'eau livrée par le SIAEAG au point de livraison Caraque alimente des clients du territoire des " Grands Fonds Gosier ", situé hors du champ d'application du contrat et hors du périmètre relevant de sa gestion, cette circonstance, à la supposer avérée, est sans influence sur l'existence de l'obligation dont se prévaut l'intimé, dans la mesure où ce dernier a livré à ce point de livraison 736 606 m3 d'eau, soit un volume inférieur au maximum prévu par les stipulations de la convention du 8 septembre 2015 et où la provision au paiement de laquelle Cap Excellence a été condamnée par l'ordonnance attaquée correspond au montant des factures non acquittées de livraison d'eau à ce point de livraison au titre de l'année 2015. Au demeurant, Cap Excellence n'a pas formé réclamation dans le délai de 30 jours à compter de la réception de ces factures, prévu par l'article 12 de cette convention.
9. En deuxième lieu et aux termes de l'article 5 de la convention précitée du 8 septembre 2015 : " (...) Le SIAEAG réalise un relevé mensuel de l'index des compteurs. Les représentants du service des eaux de Cap Excellence sont convoqués à cette relève dans un délai de 5 jours francs. /Le SIAEAG adresse le relevé de l'index des compteurs à Cap Excellence dans un délai de 5 jours francs suivant la relève. /La facturation se fera selon une fréquence trimestrielle ".
10. Il résulte de l'instruction et notamment des différents relevés, effectués au mois de décembre 2015, ayant permis d'émettre les factures concernées, afférentes aux livraisons d'eau au 4ème trimestre de 2015, que ces derniers sont signés par le représentant du SIAEAG et par le représentant de la Générale des Eaux, soit le délégataire de Cap Excellence sur le territoire des Grands Fonds Abymes. Par conséquent, et alors même que n'ont pas été produits les relevés des mois antérieurs, Cap Excellence n'est pas fondée, en tout état de cause, à soutenir que les volumes facturés ne reposeraient pas sur des relevés établis de manière contradictoire et en application des stipulations de l'article 5 de la convention du 8 septembre 2015.
11. En troisième lieu et contrairement à ce que soutient l'appelante, il ne résulte pas de l'instruction, en tout état de cause, qu'une erreur aurait été commise s'agissant du relevé du compteur " Réservoir Pérou ". En effet, l'écart entre le volume indiqué sur ce relevé et celui mentionné par la facture s'explique par l'application pour chaque compteur d'un coefficient multiplicateur pour donner une valeur exprimée en m3, ce coefficient étant de 100 en l'occurrence.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SIAEAG, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande la communauté d'agglomération Cap Excellence au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Cap Excellence le paiement au SIAEAG de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : La requête n° 19BX02511 de la communauté d'agglomération Cap Excellence est rejetée.
Article 2 : La communauté d'agglomération Cap Excellence versera la somme de 1 500 euros au SIAEAG.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la communauté d'agglomération Cap Excellence et au syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe. Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.
Fait à Bordeaux, le 14 novembre 2019.
Le juge d'appel des référés,
D...
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition certifiée conforme.
La greffière,
Camille Péan
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No 19BX02511