Résumé de la décision
La commune du Prêcheur a contesté en appel une ordonnance du tribunal administratif de la Martinique qui avait suspendu un arrêté municipal interdisant l'utilisation de pesticides dans certaines zones. La commune soutenait que la demande de suspension présentée par le préfet était irrecevable et que le maire avait agi conformément à ses compétences en raison de la carence de l'État dans la protection de la population. Toutefois, la cour a confirmé la décision du tribunal administratif, jugeant que la demande de suspension était recevable et que les arguments de la commune ne justifiaient pas la légalité de l'arrêté.
Arguments pertinents
1. Irrecevabilité de la demande de suspension : La commune argue que la demande de suspension du préfet était irrecevable, car elle n'était pas accompagnée d'une requête en annulation selon l'article R. 522-1 du code de justice administrative. Cependant, la cour note que le juge des référés a mentionné l'existence de la requête au fond dans son ordonnance, invalidant ainsi l'argument.
> "ledit juge des référés ne pouvait plus [...] rejeter comme irrecevable la demande de suspension présentée par le préfet."
2. Compétence du maire : La commune soutient que la situation de péril imminent justifiait l'interdiction des pesticides. La cour, cependant, relègue que cette présomption de péril imminent n'est pas justifiée par des éléments concrets fournis par la commune.
> "la commune du Prêcheur ne fournit aucun élément précis tendant à démontrer une situation évidente de péril imminent."
3. Doute sur la légalité de l'arrêté : La cour a considéré que le préfet avait soulevé des doutes sérieux quant à la légalité de l'arrêté du maire, s'appuyant sur l'empiétement sur les compétences des autorités de police spéciale attribuées aux produits phytopharmaceutiques.
> "le moyen du préfet relatif à l'empiètement du maire sur les compétences des autorités chargées de la police spéciale propre aux produits phytopharmaceutiques paraissait, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de cet arrêté."
Interprétations et citations légales
1. Article R. 522-1 du code de justice administrative : Cet article stipule que les demandes de suspension doivent être accompagnées d'une requête distincte à peine d'irrecevabilité. La cour a interprété que, bien que la commune ait contesté la forme, la mention de la requête au fond dans les visas de l'ordonnance du juge des référés a indiqué que cette exigence avait été satisfaite.
2. Article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : Cet article autorise le préfet à déferrer au tribunal administratif les actes considérés comme contraires à la légalité. En l'occurrence, la cour a affirmé que la demande de suspension était fondée car le préfet avait agi dans le cadre de cette compétence.
> "Le représentant de l'État peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué." (Code général des collectivités territoriales - Article L. 2131-6)
3. Articles L. 253-7 et suivants, R. 253-45 du code rural et de la pêche maritime : Ces articles régissent la police spéciale des produits phytopharmaceutiques, attribuant cette compétence primordiale aux ministres et préfets. La cour a statué que le maire n'avait pas constaté de péril imminent justifiant son intervention dans ce cadre.
> "S'il appartient au maire [...] de prendre les mesures de police générale nécessaires [...] ce dernier ne saurait intervenir dans le domaine régi par cette police spéciale qu'en cas de péril imminent." (Code rural et de la pêche maritime - Articles L. 253-7 et suivants)
En conclusion, les décisions et interprétations juridiques mises en avant par la cour montrent l'importance de respecter les prérogatives et procédures établies en matière de réglementation des substances phytopharmaceutiques, tout en soulignant que l'urgence ou le besoin d'intervention doit être clairement justifié.