Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 juillet 2020, Mme F..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous la même astreinte, dans l'attente que l'autorité administrative réexamine sa situation dans un délai d'un mois sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente dès lors que la délégation de signature accordée est extrêmement large ;
- le refus de séjour est insuffisamment motivé ;
- cette insuffisance de motivation révèle un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- le préfet s'est cru lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnait les stipulations des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 novembre 2020, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.
Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme G... C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... F..., ressortissante arménienne née en 1960, est entrée en France de manière irrégulière, le 21 novembre 2014 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 21 octobre 2015. Le préfet de la Vienne a alors pris à son encontre un arrêté portant refus de séjour, le recours contre cet arrêté ayant été définitivement rejeté par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 4 décembre 2015. Mme F... a alors déposé une demande de réexamen de sa demande d'asile qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité de la part de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile. Le 6 janvier 2015, Mme F... a sollicité son admission au séjour. Par un arrêté du 17 mai 2016 le préfet de la vienne a refusé de faire droit à sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français, le recours contre cet arrêté ayant été définitivement rejeté par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 13 février 2017. Le 4 septembre 2019, l'intéressée a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé ainsi que son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 31 janvier 2020, le préfet de la Vienne a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite à l'issue de ce délai. Mme F... relève appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. L'arrêté du 31 janvier 2020 a été signé par M. B... E..., secrétaire général de la préfecture de la Vienne. Par un arrêté du 6 septembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, M. B... E... a reçu une délégation de signature de la préfète de la Vienne pour ce qui concerne l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette délégation, bien que portant sur un grand nombre de matières, n'est ni générale ni absolue. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.
Sur la décision portant refus de séjour :
3. L'arrêté attaqué vise les textes dont il est fait application, mentionne les faits relatifs à la situation personnelle et administrative de Mme F..., notamment les précédentes obligations de quitter le territoire français auxquelles elle n'a pas déféré, et indique avec précision les raisons pour lesquelles le préfet a pris l'arrêté attaqué. L'arrêté mentionne ainsi notamment l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon lequel son état de santé nécessite une prise en charge médical dont le défaut ne devrait pas entrainer de conséquences d'une exceptionnelle gravité. De plus, contrairement à ce que soutient l'intéressée, le préfet a pris en compte sa présence en France depuis 2014 tout en précisant que Mme F... s'est maintenue en situation irrégulière durant la quasi-totalité de son séjour sur le territoire national. Ces indications, qui ont permis à Mme F... de comprendre et de contester les mesures prises à son encontre, sont suffisantes alors même que l'arrêté ne comporte aucune indication relative à la possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant refus de séjour doit être écarté.
4. Ni la motivation de la décision attaquée ni aucune autre pièce du dossier ne permettent de considérer que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme F.... Par suite, le moyen ainsi soulevé doit être écarté.
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, qui, après avoir examiné l'ensemble de la situation de Mme F..., s'est approprié l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration se serait cru lié par cet avis pour rejeter la demande de l'intéressée.
6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".
7. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
8. Pour rejeter la demande de Mme F... tendant à la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de la Vienne s'est fondé, notamment, sur un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet de voyage sans risque à destination de son pays d'origine, l'Arménie. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... souffre de troubles psychiatriques. Pour remettre en cause l'avis du collège de médecins, l'intéressée verse au dossier divers certificats d'un psychiatre, d'un psychologue et d'un infirmier qui attestent d'une prise en charge mais se bornent à décrire sa pathologie et son traitement et ne comportent aucun élément permettant de tenir pour établi qu'une absence de prise en charge médicale pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. De plus, si Mme F... se prévaut également de deux certificats médicaux de son médecin généraliste soulignant la nécessité de poursuivre les soins, les termes généraux dans lesquels ils sont rédigés et l'absence de précisions sur les conséquences en cas d'interruption du traitement ne permettent pas de remettre en cause l'avis du collège de médecins. Au surplus, si Mme F... soutient qu'elle ne pourra pas avoir effectivement accès à son traitement en Arménie dès lors que l'Oxazepam n'y est pas disponible et que l'Olanzapine n'est plus commercialisé depuis 2019, il ressort cependant de la fiche MedCOI produite en appel par le préfet de la Vienne que l'Olanzapine est toujours disponible en Arménie. Si en revanche l'Oxazepam n'est pas disponible en Arménie, il ressort de ce même document qu'y sont commercialisés d'autres benzodiazepines à usage anxiolytique équivalent, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles ne permettraient pas de traiter l'affection dont souffre l'intéressée. Dans ces conditions, les éléments fournis par l'appelante ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Ainsi le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 31311 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Mme F... se borne à reprendre en appel le moyen, qu'elle avait invoqué devant le tribunal, tiré de ce que la décision de refus de séjour méconnait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer les motifs retenus par les premiers juges pour les écarter. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Poitiers.
10. Enfin, si Mme F... se prévaut de sa présence en France depuis 2014, il ressort des pièces du dossier qu'elle a déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement auxquelles elle n'a pas déféré et s'est donc maintenue en situation irrégulière durant la quasi-totalité de son séjour sur le territoire national. En outre, la seule circonstance que l'intéressée suive des cours de français et exerce une activité bénévole n'est pas de nature à caractériser une intégration particulière en France. Enfin, Mme F... ne se prévaut d'aucune attache en France. Dans ces conditions, le refus de séjour contesté ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus qui lui a été opposé. Le préfet de la Vienne n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 8 et 10, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
12. La décision en litige comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. L'arrêté vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 3, précise que Mme F... n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine et mentionne que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, la décision fixant le pays de renvoi est suffisamment motivée.
13. Aux termes de l'article de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants. ". Mme F..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, ne démontre pas l'existence de risques de traitements contraires aux stipulations précitées en cas de retour dans son pays d'origine. La seule circonstance, à la supposer établie, que l'intéressée serait isolée en Arménie, ne caractérise pas un traitement inhumain. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme G... C..., président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Charlotte Isoard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2021.
Le président-rapporteur,
Marianne C...Le président-assesseur,
Didier Salvi
Le greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX02257 2