Par un jugement n° 2101102, 2101103 du 16 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans prises à l'encontre de M. E... et Mme C... épouse E... et rejeté le surplus de leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête n° 21BX03837, enregistrée le 1er octobre 2021, M. E..., représenté par Me Astié, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 juin 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de refus de titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi prises à son encontre ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 29 décembre 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- l'auteur de cette décision ne justifie pas d'une délégation de signature et il n'est pas justifié de l'absence des personnes précédant le signataire de la décision dans la chaîne des délégations de signature ;
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- le délai de deux ans qui s'est écoulé entre l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et la décision de refus de titre de séjour s'apparente à une absence de consultation de cet organisme ;
- son état de santé n'a pas évolué depuis 2009 et nécessite un traitement continu, dont l'absence pourrait entraîner pour lui des conséquences graves ; il présente par ailleurs un taux d'incapacité entre 50 et 80 % ; il présente également des problèmes psychiatriques directement liés aux événements traumatiques qu'il a vécus en Arménie ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a fixé le centre de ses intérêts personnels et familiaux en France et n'a plus aucune attache dans son pays d'origine ; en effet, sa fille réside en France, et il est intégré sur le territoire national ;
- la préfète a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle se fonde sur une décision de refus de titre de séjour illégale ;
- cette décision méconnaît le 4° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la préfète de la Gironde a commis une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne le pays de renvoi :
- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il encourt des risques pour sa vie en cas de retour en Arménie ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- il n'est pas justifié de l'absence des personnes précédant le signataire de l'acte dans la chaîne des délégations de signature ;
- cette décision n'est pas suffisamment motivée au regard des critères du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision se fonde sur une décision portant obligation de quitter le territoire français illégale ;
- la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il réside en France depuis près de douze ans et que cette mesure le priverait de la possibilité de rendre visite à sa fille et ses petits-enfants.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens de M. E... ne sont pas fondés.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 2 septembre 2021.
II. Par une requête n° 21BX03838, enregistrée le 1er octobre 2021, Mme C... épouse E..., représentée par Me Astié, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 juin 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de refus de titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi prises à son encontre ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 29 décembre 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- l'auteur de cette décision ne justifie pas d'une délégation de signature et il n'est pas justifié de l'absence des personnes précédant le signataire de la décision dans la chaîne des délégations de signature ;
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- le délai de deux ans qui s'est écoulé entre l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et la décision de refus de titre de séjour s'apparente à une absence de consultation de cet organisme ;
- son état de santé s'est aggravé, ce qui aurait justifié à minima un réexamen de sa situation médicale ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle a fixé le centre de ses intérêts personnels et familiaux en France et n'a plus aucune attache dans son pays d'origine ; en effet, sa fille réside en France, et elle est intégrée sur le territoire national ;
- la préfète a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle se fonde sur une décision de refus de titre de séjour illégale ;
- cette décision méconnaît le 4° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la préfète de la Gironde a commis une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne le pays de renvoi :
- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle encourt des risques pour sa vie en cas de retour en Arménie ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- il n'est pas justifié de l'absence des personnes précédant le signataire de l'acte dans la chaîne des délégations de signature ;
- cette décision n'est pas suffisamment motivée au regard des critères du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision se fonde sur une décision portant obligation de quitter le territoire français illégale ;
- la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle réside en France depuis près de douze ans et que cette mesure le priverait de la possibilité de rendre visite à sa fille et ses petits-enfants.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens de Mme B... épouse E... ne sont pas fondés.
Mme C... épouse E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 2 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Charlotte Isoard,
- et les observations de Me Debril, représentant M. et Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E... et Mme B... épouse E..., ressortissants arméniens nés respectivement le 25 juin 1958 et le 10 juin 1966, entrés sur le territoire français en 2009 selon leurs déclarations, ont tous deux sollicité un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code. Par deux arrêtés du 29 décembre 2020, la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer les titres de séjour demandés, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par les requêtes enregistrées sous les numéros 21BX03837 et 21BX03838, M. E... et Mme B... épouse E... relèvent appel du jugement du 16 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des décisions de refus de titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi prises à leur encontre. Ces deux requêtes, qui concernent les membres d'une même famille, présentent à juger des questions identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur les décisions de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, les appelants se bornent à reprendre en appel le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions de refus de titre de séjour, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux et sans critiquer les motifs retenus par les premiers juges pour les écarter. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par ces premiers juges, d'écarter ce moyen.
3. En deuxième lieu, les deux décisions de refus de titre de séjour font état, après avoir visé les textes applicables à la situation de M. E... et de Mme B... épouse E..., de la situation administrative et familiale des époux, dont notamment la présence de leur fille en France sous couvert d'une carte de résident longue durée et la délivrance en 2014 pour chacun d'un titre de séjour en tant qu'étranger malade, des deux avis rendus par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur leurs situations respectives ainsi que de la saisine de la commission du titre de séjour. Ces décisions énoncent ainsi les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions de refus de titre de séjour doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que la préfète de la Gironde a consulté, en ce qui concerne M. E..., le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à deux reprises et que celui-ci s'est prononcé sur son état de santé dans un avis du 14 mai 2018, puis dans un avis du 4 juin 2020, soit environ six mois avant que la décision de refus de titre de séjour en litige ne soit prise. Elle a procédé de la même manière en ce qui concerne Mme B... épouse E..., le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant émis un avis le 20 mai 2018, puis le 4 juin 2020 sur l'état de santé de la requérante. Au demeurant, aucune disposition législative ou règlementaire n'impose à l'autorité administrative de respecter un délai déterminé entre la date à laquelle le collège de médecins rend son avis et celle à laquelle elle se prononce sur le droit au séjour d'un étranger. Ainsi, M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que les délais séparant les avis du collège de médecins et les décisions de refus de titre de séjour prises à leur encontre seraient excessifs. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
6. En quatrième lieu, d'une part, il ressort des termes des deux avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 14 mai 2018 et du 4 juin 2020 que si l'état de santé de M. E... nécessite une prise en charge médicale, un défaut de traitement ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Ni les différents certificats médicaux de 2016 versés au dossier, ni le certificat médical du 9 mars 2021, postérieur à la décision de refus de titre de séjour litigieuse, établi par un médecin généraliste faisant état de la pathologie pancréatique que présente M. E..., ainsi que du diabète de type 2 dont il souffre, et selon lequel un traitement continu est nécessaire, ne permettent de remettre en cause ces avis, alors que les traitements préconisés dans ces documents consistent seulement en une surveillance régulière par la réalisation d'examens médicaux. A cet égard, ni la circonstance qu'il a bénéficié d'un titre de séjour en tant qu'étranger malade en 2014, ni celle qu'un taux d'incapacité lui a été reconnu par une décision de la maison départementale des personnes handicapées de la Gironde en 2013 et en 2015, ne permettent de conclure que son état n'a pas présenté d'amélioration depuis l'année 2009 et qu'un défaut de traitement entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par ailleurs, le rapport psychiatrique de synthèse en date du 1er juillet 2016 produit par M. E..., qui a été établi près de quatre ans avant la décision de refus de titre en litige, s'il fait état de troubles de stress post-traumatiques et des conséquences d'une précédente obligation de quitter le territoire français sur l'état de santé de l'intéressé, ne permet pas de davantage de contredire les avis du 14 mai 2018 et 4 juin 2020 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur doit être écarté.
7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme B... épouse E... souffre de pathologies du membre supérieur droit et du rachis. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans ses avis du 20 mai 2018 et du 4 juin 2020, que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale, mais qu'un défaut de traitement ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le certificat médical du 9 mars 2021 établi par un médecin généraliste, au demeurant postérieur à la décision de refus de titre de séjour litigieuse, faisant état de son état de santé et indiquant qu'il nécessite un suivi médical régulier avec des spécialistes en orthopédie et des séances de kinésithérapie, ne permet pas de remettre en cause ces avis. Par ailleurs, si la requérante fait valoir qu'elle doit être opérée afin de remédier à une claudication radiculaire, il ressort des termes du courrier du 5 janvier 2021 qu'elle produit, établi par des médecins du service de chirurgie orthopédique et traumatologique du centre hospitalier de Bordeaux, que cette chirurgie ne présente pas de caractère urgent et a d'ailleurs été reportée à la demande de l'intéressée. Ainsi, aucun des éléments médicaux au dossier ne permet de conclure que l'état de santé de Mme B... épouse E... nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur doit être écarté.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d'autrui ". Et aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".
9. M. et Mme E... font valoir qu'ils sont entrés sur le territoire français au mois de mai 2009, soit depuis près de douze ans. Toutefois, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, ils n'ont été autorisés à séjourner en France, au cours de cette période, que pour une année en vertu de titres de séjour en tant qu'étrangers malades, et s'y sont depuis maintenus irrégulièrement en dépit de mesures d'éloignement prises à leur encontre par le préfet de la Gironde le 13 juin 2016. S'il ressort des pièces du dossier que leur fille réside en France avec ses deux enfants sous couvert d'un titre de séjour, cette seule circonstance ne leur confère aucun droit particulier au séjour, alors qu'aucun élément au dossier ne permet de tenir pour établi qu'ils seraient dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine, où ils ont vécu respectivement au moins jusqu'à l'âge de 51 ans et de 43 ans. Par ailleurs, si M. et Mme E... ont travaillé sur le territoire national entre 2010 et 2015, ces éléments, qui sont anciens, ne permettent pas d'attester de leur insertion professionnelle en France. En outre, si les requérants font état de leur engagement associatif et de ce qu'ils suivraient régulièrement des cours des français, ces éléments ne permettent pas à eux seuls de témoigner d'une insertion particulière dans la société française. Ils ne peuvent ainsi être regardés comme ayant fixé le centre de leurs intérêts personnels et familiaux sur le territoire national, alors même que M. E... souffrirait de troubles liés à un stress post-traumatique en rapport avec des événements traumatisants qu'il aurait vécus dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en refusant, par les décisions contestées, de leur délivrer un titre de séjour, la préfète de la Gironde n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. et Mme E... au regard des motifs de ces décisions. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
10. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
11. Au regard des éléments mentionnés au point 9, et alors que le risque d'aggravation de l'état de santé de M. E... et de Mme B... épouse E... ne peut être tenu pour établi, la préfète de la Gironde n'a pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que leur situation ne répondait pas à des considérations humanitaires ou ne relevait pas de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A cet égard, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des orientations fixées par la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, qui se bornent à énoncer des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité ci-dessus doit être écarté.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. E... et Mme B... épouse D... ne sont pas fondés à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français.
13. En deuxième lieu, aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; ".
14. Pour les mêmes motifs que ceux rappelés aux points 6 et 7, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
15. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 9, la préfète ne peut être regardée comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences des décisions portant obligation de quitter le territoire français prises à l'encontre de intéressés sur leur situation personnelle. Par suite, ce moyen doit être écarté.
Sur les décisions fixant le pays de renvoi :
16. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
17. Si M. E... se prévaut du rapport psychiatrique de synthèse du 1er juillet 2016, lequel évoque, sans apporter de précisions, un risque de passage à l'acte suicidaire en cas de retour dans son pays d'origine comme la conséquence potentielle d'une précédente mesure d'éloignement prise le 13 juin 2016 à l'encontre de l'intéressé, aucun élément au dossier ne permet de tenir pour établi que ce risque, s'il était avéré, existerait encore. Dans ces conditions, M. E... ne peut être regardé comme encourant des risques réels et actuels pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
18. Il résulte de ce qui précède que M. E... et Mme B... épouse E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions de refus de titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi prises à leur encontre. Leurs requêtes doivent ainsi être rejetée, y compris leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. E... et Mme B... épouse E... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E..., à Mme A... B... épouse E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mars 2022.
La rapporteure,
Charlotte IsoardLa présidente,
Marianne Hardy
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX03837, 21BX03838 2