2°) d'annuler la décision du 9 août 2018 par laquelle le préfet de la Gironde a ordonné son assignation à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail en vertu du 6° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'un vice de procédure et d'une erreur de droit en ce qu'il vise dans le considérant 5 les dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative relatif à la procédure de référé-liberté alors que la demande d'annulation de l'obligation de quitter le territoire et de l'assignation à résidence relève des procédures visées par l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le jugement est irrégulier en ce que le premier juge a omis de statuer sur le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- la décision ordonnant son assignation à résidence est insuffisamment motivée et ne répond pas aux exigences de l'article L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation en ce que la décision ne mentionne pas la naissance de sa fille B... Keng née le 4 octobre 2017 à Bordeaux ;
- la décision est entachée d'erreur de droit en ce que le premier juge a cité une version du 6° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'était plus en vigueur à la date de la décision attaquée ;
- c'est à tort que le magistrat désigné a jugé que le moyen tiré de ce que M. F... a déposé une nouvelle demande de titre de séjour en sa qualité de père d'un enfant français est inopérant à l'encontre de la décision d'assignation à résidence alors que ces éléments sont de nature à lui permettre de bénéficier d'un titre de séjour en application du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il établit être le père de l'enfant B... âgée de 1 an et qu'il justifie s'occuper de l'enfant depuis sa naissance ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnait les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en prononçant une mesure d'assignation à résidence pour la mise à exécution de la décision d'obligation de quitter le territoire prise le 8 janvier 2018 sans tenir compte de sa situation de parent d'enfant français, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision d'assignation à résidence est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il n'est pas établi que l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure " une perspective raisonnable " comme condition d'application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de mise à exécution de l'obligation de quitter le territoire prise le 8 janvier 2018 et l'assignation à résidence prise le 9 août 2018 constituent une atteinte disproportionnée au droit de mener une vie privée et familiale normale, de même qu'elle est contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- et les observations de Me A... représentant M. F....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... F..., né le 3 août 1984, de nationalité camerounaise, déclare être entré en France le 13 août 2014 et a sollicité l'asile. A la suite de la décision de refus de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 31 août 2017 et en l'absence de recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile, le préfet de la Gironde a, par un arrêté du 8 janvier 2018, obligé M. F... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A la suite d'un contrôle d'identité le 9 août 2018, le préfet de la Gironde a, par un arrêté du même jour, assigné M. F... à résidence pendant quarante-cinq jours. M. F... relève appel du jugement du 13 août 2018 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision l'assignant à résidence.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort du mémoire enregistré le 11 août 2018 que M. F... avait invoqué les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il ressort des mentions du jugement attaqué que le premier juge n'a pas répondu à ces moyens qui n'étaient pas inopérants. Par suite, le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer sur ce point et doit être annulé pour irrégularité en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 9 août 2018 par laquelle le préfet de la Gironde a assigné à résidence M. F....
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Bordeaux aux fins d'annulation de la décision ordonnant son assignation à résidence.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 août 2018 :
4. L'arrêté du 9 août 2018 a été signé par Mme E... C..., directrice des migrations et de l'intégration. Par un arrêté du 29 mai 2018, régulièrement publié le 30 mai 2018 au recueil des actes administratifs de la préfecture, Mme E... C... a reçu, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Thierry Suquet, secrétaire général de la préfecture de la Gironde, délégation du préfet pour signer notamment les décisions d'assignation à résidence. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte contesté doit être écarté.
5. La décision attaquée précise, en visant notamment les articles L. 561-2, R. 561-2 et R. 561-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. F... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire le 8 janvier 2018 et que, sous réserve d'engager toutes démarches nécessaires auprès des autorités consulaires du pays dont il se réclame afin que lui soit délivré un laissez-passer permettant son rapatriement, l'exécution de la mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable. Dans ces conditions, le préfet, qui n'était pas tenu de préciser de manière exhaustive l'ensemble des éléments de fait caractérisant la situation personnelle du requérant, a suffisamment motivé sa décision. Eu égard notamment à cette motivation, la décision contestée ne peut être regardée comme ayant été prise sans examen de la situation de l'intéressé.
6. M. F... soutient qu'en ne le mettant pas en mesure de présenter ses observations avant de prendre les décisions ordonnant son assignation à résidence, le préfet de la Gironde n'a mis en oeuvre aucune procédure contradictoire assurant le respect du principe général du droit consacré par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, imposant à l'administration d'entendre une personne avant de prendre à son encontre une décision lui faisant grief. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. F... a été auditionné par les services de police le 9 août 2018, avant l'édiction de la mesure en litige, dans le cadre d'une procédure de vérification du droit au séjour. Au cours de cette audition, il a été interrogé sur ses conditions d'entrée et de séjour en France, sa situation personnelle et familiale, ses attaches dans son pays d'origine, ses conditions d'hébergement et ses moyens de subsistance. Ainsi, M. F... a été mis en mesure, avant l'édiction de la mesure d'éloignement prise à son encontre, de faire valoir les éléments qui auraient pu faire obstacle à son retour dans son pays d'origine et a présenté des observations relatives à la situation de conflit dans son pays d'origine et à sa qualité de père d'une fille née le 4 octobre 2017 à Bordeaux. Dans ces conditions, il ne peut sérieusement soutenir que le préfet aurait méconnu le principe du contradictoire ou son droit d'être entendu.
7. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ".
8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 8 janvier 2018 par lequel le préfet de la Gironde a obligé M. F... à quitter le territoire français est définitif. D'autre part, si M. F... soutient que le préfet n'indique pas en quoi son éloignement constituerait une perspective raisonnable, il résulte de ce qui a été indiqué au point 5 que le préfet justifie l'existence d'une perspective raisonnable sous réserve d'engager toutes démarches nécessaires auprès des autorités consulaires du pays dont il se réclame afin que lui soit délivré un laissez-passer permettant son rapatriement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, en tout état de cause, être écarté.
9. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".
10. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui s'appliquent aux obligations de quitter le territoire français est inopérant à l'encontre de la décision du 9 août 2018 par laquelle le préfet de la Gironde a assigné M. F... à résidence. En outre, si M. F... a reconnu par anticipation le 13 avril 2017 l'enfant B..., née le 4 octobre 2017 à Bordeaux, d'une mère française, M. F... ne saurait se prévaloir du moyen tiré par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui est devenue définitive.
11. La circonstance, à la supposer établie, que M. F... aurait déposé une nouvelle demande de titre de séjour, en sa qualité de père d'un enfant français, ne fait pas obstacle au prononcé de la décision d'assignation à résidence.
12. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
13. Le requérant fait valoir que l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme compte tenu de sa qualité de père d'un enfant français. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée assigne M. F... à résider dans le département de la Gironde, pour une durée de quarante-cinq jours, tout en lui imposant de se présenter tous les cinq jours ouvrables au commissariat de police de Bordeaux et en lui interdisant de sortir du département sans autorisation. Dans ces conditions, le requérant ne démontre pas que la décision litigieuse l'assignant à résidence porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, il n'est pas davantage fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
14. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
15. La décision d'assignation à résidence n'a pas pour effet de séparer l'enfant de M. F... de l'un de ses parents. Par suite, cette décision n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant et le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 9 août 2018 par lequel le préfet de la Gironde l'a assigné à résidence. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1803523 du 13 août 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 9 août 2018 par laquelle le préfet de la Gironde a assigné M. F... à résidence.
Article 2 : La demande tendant à l'annulation de la décision d'assignation à résidence du 9 août 2018, présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme G..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 octobre 2019
Le rapporteur,
G...Le président,
Marianne HARDY
Le greffier,
Cindy VIRIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00122