Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 août 2021, M. B..., représenté par Me Trebesses, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2020 ;
3°) d'enjoindre à a préfète de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 80 euros par jour de retard, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions et de lui délivrer dans cette attente un récépissé de demande de carte de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué ne s'est pas prononcé sur les moyens soulevés à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier ;
- elle a été prise en méconnaissance des droits de la défense et du droit d'être entendu et de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; il n'a pas été en mesure de présenter ses observations à la suite du jugement du 21 octobre 2020 annulant le refus implicite qui lui avait été opposé ;
- cette décision a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de la spécificité de sa situation personnelle et familiale ainsi que de ses efforts d'intégration ;
- pour les mêmes motifs elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant au regard du suivi éducatif de ses enfants et de leur intégration en France ;
- la décision d'interdiction de retour est manifestement excessive et disproportionnée.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 décembre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité chinoise, né le 22 septembre 1986, est entré en France le 26 octobre 2013, sous couvert d'un visa long séjour en qualité d'étudiant. Il a bénéficié de cartes de séjour temporaires portant la mention " étudiant ", dont la dernière était valable jusqu'au 15 décembre 2016. Sa demande de changement de statut sur le fondement de l'article L. 313-10-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été rejetée par un arrêté du 9 août 2017. Par un courrier du 28 juin 2019 il a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé pendant plus de quatre mois par l'administration, qui a été annulée pour défaut de motivation par un jugement n° 2000645 du 21 octobre 2020, du tribunal administratif de Bordeaux, qui enjoignait le réexamen de sa situation. Par un arrêté du 2 novembre 2020, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire pendant une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 14 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Bordeaux que M. B... a fait valoir, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour, un moyen tiré de ce qu'elle était manifestement excessive et disproportionnée. Le tribunal a rejeté la demande de M. B... sans répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Dès lors, il a insuffisamment motivé son jugement. Celui-ci doit donc être annulé, pour ce motif, en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour.
3. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Bordeaux.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et comporte les éléments propres à la situation personnelle notamment la durée de sa présence en France, la séparation de son couple depuis 2017, la condamnation de son épouse et le fait qu'il a obtenu la garde des enfants avec un droit de visite pour leur mère ainsi que la circonstance que celle-ci, de nationalité chinoise, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ce qui permet à l'ensemble des membres de la cellule familiale de résider en Chine, où l'intéressé dispose de liens familiaux et de la possibilité de scolariser ses enfants. C..., le préfet mentionne également les éléments relatifs à sa situation professionnelle. Dès lors qu'il ressort de cette décision que le préfet a bien examiné la situation des enfants de M. B..., la circonstance qu'il n'évoque pas la mesure d'assistance éducative et ne cite pas l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant n'est pas de nature à faire regarder cette décision comme insuffisamment motivée. En outre, il ressort de ces mentions que le préfet a procédé à un examen de l'ensemble de sa situation personnelle, familiale et professionnelle. Par suite les moyens tirés du défaut de motivation et de l'absence d'examen particulier de la situation de M. B... doivent être écartés.
5. En deuxième lieu, d'une part, les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui prévoient que, à l'exception des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable, ne peuvent pas être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de refus de séjour, qui est prise en réponse à une demande formulée par l'intéressé. Par suite, M. B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. Il en est de même du moyen tiré du non-respect des droits de la défense, les décisions en litige ne constituant pas des sanctions.
6. Il appartient, d'autre part, à l'étranger lors du dépôt de sa demande de titre de séjour, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Selon la jurisprudence de la Cour de Justice de 1'Union européenne, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.
7. Il résulte de ce qui vient d'être dit au point 6 qu'il appartenait à l'intéressé, lors du dépôt de sa demande de titre de séjour, d'apporter à l'administration toutes les précisions utiles, et il lui était loisible, au cours de l'instruction de cette demande, de faire valoir toute observation complémentaire, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. A cet égard, et contrairement à ce que soutient le requérant, la circonstance que le délai de naissance d'une décision implicite de rejet ait été dépassé et qu'il ait engagé un recours à l'encontre de cette décision, ne faisait nullement obstacle à ce que l'intéressé tienne informé l'administration de l'évolution de sa situation. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ait sollicité, sans réponse, un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de présenter des observations avant que ne soit prise la décision contestée. Si le requérant fait valoir que l'administration aurait dû le solliciter dans le cadre du réexamen de sa demande à la suite de l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande par un jugement du 21 octobre 2020 et que le délai de dix jours était insuffisant pour présenter des observations, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée soit intervenue en exécution de ce jugement. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière du fait de la méconnaissance du droit d'être entendu ne peut qu'être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Si M. B... se prévaut de la durée de son séjour et de son insertion professionnelle, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'entré en France en octobre 2013, il n'a été autorisé à séjourner sur le territoire national que le temps nécessaire à ses études et que les titres de séjour qui lui ont été délivrés en qualité d'étudiant jusqu'en 2017 ne lui donnaient pas vocation à rester durablement en France. Il ressort également des pièces du dossier qu'il n'a plus travaillé depuis 2017. En outre, contrairement à ce qu'il soutient, le droit de visite accordé à la mère des enfants et la mesure d'assistante éducative en milieu ouvert, décidée par le juge des enfants du tribunal de grande instance de Bordeaux en 2018, prise dans le but d'aider sa famille dans les difficultés qu'elle rencontre, ne font pas obstacle à ce que l'intéressé quitte le territoire français avec ses enfants. A... effet, la mère des enfants n'a pas vocation à rester en France et il n'est pas démontré que la famille, dont la situation a déjà connu une " évolution favorable ", ne pourrait poursuivre une telle évolution en Chine. Ainsi, rien ne s'oppose à ce que les jeunes enfants accompagnent leur père dans son pays d'origine, où ils pourront également bénéficier de la présence de leur mère. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Gironde aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'elle aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. B....
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
11. Alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les enfants de l'intéressé ne pourraient pas bénéficier d'une scolarité normale et d'un suivi adapté en Chine, il résulte de ce qui a déjà été dit aux point 9 du présent arrêt que l'arrêté en litige n'a pas méconnu leur intérêt supérieur, alors même qu'ils ne parleraient pas la langue chinoise.
12. C..., aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans rédaction alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
13. Compte tenu de ce qui précède, des circonstances que l'intéressé se maintient en France en situation irrégulière depuis 2017, n'a pas exécuté la précédente mesure d'éloignement et ne fait état d'aucun lien en France autre que ses enfants qui ont vocation à l'accompagner en Chine où il n'est pas dépourvu d'attaches, la préfète de la Gironde n'a pas commis d'erreur d'appréciation en décidant une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre les décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ni à demander l'annulation de la décision d'interdiction de retour. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées par son conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 14 avril 2021 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la préfète de la Gironde portant interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête et la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Bordeaux tendant à l'annulation de la décision de la préfète de la Gironde portant interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Gironde
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 février 2022.
La rapporteure,
Christelle Brouard-LucasLa présidente,
Marianne Hardy
La greffière,
Sophie LecarpentierLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX03465 2