Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2019, Mme B..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Limoges du 13 juin 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Corrèze du 9 avril 2019.
Elle soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 311-6 et D. 311-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet ne l'a pas invitée à présenter une demande de titre de séjour à un autre titre que celui de l'asile ;
- elle méconnaît également l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour n'est pas motivée ;
- en outre cette mesure est disproportionnée dès lors qu'elle n'a jamais fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement ni présenté une menace pour l'ordre public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2019, le préfet de la Corrèze conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante guinéenne née en 1989, est entrée en France en mai 2017, selon ses déclarations. Elle a déposé une demande d'asile en septembre 2017 qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 18 mai 2018 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 7 mars 2019. Par un arrêté du 9 avril 2019, le préfet de la Corrèze l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Mme B... relève appel du jugement du 13 juin 2019 par lequel le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants: (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° ;(...) ".
3. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la demande d'asile de Mme B... a été rejetée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile des 18 mai 2018 et 7 mars 2019. Mme B... n'a pas formé de demande de réexamen au titre de l'asile. Ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, Mme B... relevait bien du cas prévu par les dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans lequel le préfet peut obliger un étranger à quitter le territoire.
4. Mme B... ne peut utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué, ni les dispositions de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, selon lesquelles l'autorité administrative doit inviter l'étranger qui a présenté une demande d'asile à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et à déposer sa demande dans un délai fixé par décret, ni les dispositions de l'article D. 311-3-2 du même code, créé par le décret du 23 février 2019 pris pour l'application de la loi du 10 septembre 2018, dès lors que ces dispositions ne s'appliquent qu'aux demandes d'asile présentées postérieurement au 28 février 2019, date de publication de ce décret, ce qui n'est pas le cas de la requérante.
5. Si Mme B... fait valoir qu'elle ne peut exercer sa vie privée et familiale dans des conditions normales en Guinée dès lors que son père cherche à lui imposer une relation maritale dont elle ne veut pas, toutefois, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'implique pas, par elle-même, le retour de Mme B... dans son pays d'origine. Par ailleurs Mme B... est entrée récemment en France où elle n'allègue pas avoir d'attaches particulières et elle n'est pas isolée dans son pays d'origine où elle a vécu la majeure partie de sa vie et où résident son époux et leurs deux enfants. Par suite, la mesure d'éloignement contestée ne peut être regardée comme portant au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cette mesure. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. A supposer même que Mme B... ait entendu invoquer les risques qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine, les documents qu'elle produit, à savoir un article de presse qui relate ses propres dires, un courrier qui serait rédigé par une de ses amies ainsi qu'un document daté du 15 mai 2019 intitulé " avis de recherche ", dont la valeur probante est insuffisante, ne sont pas de nature à caractériser l'existence de tels risques.
7. En vertu des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. En l'espèce, l'arrêté contesté vise ces dispositions et indique les raisons pour lesquelles le préfet a considéré que Mme B... devait être interdite de retour en France. Ces indications étaient suffisantes pour permettre à l'intéressée de comprendre et de contester la mesure ainsi prise à son encontre. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être écarté.
8. Enfin, si Mme B... soutient qu'elle n'a jamais fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et qu'elle ne constitue pas une menace pour l'ordre public, ces circonstances ne sont pas, à elles seules, de nature à permettre de considérer que la décision portant interdiction de retour d'une durée d'un an serait disproportionnée. Par suite, ce moyen doit également être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Corrèze du 9 avril 2018.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Corrèze.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme C... A..., président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. David Terme, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 décembre 2019.
Le président-rapporteur,
Marianne A...Le président-assesseur,
Didier SalviLe greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 19BX02713