Par une décision n° 442849 du 13 octobre 2021, enregistrée au greffe de la cour sous le n° 21BX03977, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'ordonnance n° 20BX01820 du 17 juin 2020, et a renvoyé l'affaire devant la cour.
Procédures devant la cour :
I. - Par une requête enregistrée le 4 juin 2020 sous le n° 21BX03977, la société anonyme Auchan Supermarché, représentée par Me Dutoit, demande à la cour :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 janvier 2020 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la société Le Pian Distribution à étendre de 400 m² la surface de vente d'un hypermarché situé sur la commune du Pian-Médoc.
2°) de mettre à la charge de la Commission nationale d'aménagement commercial la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête a été formée dans le délai de recours contentieux de droit commun prorogé par les dispositions de l'ordonnance du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures ;
- son intérêt à agir n'est pas contestable en raison de sa qualité d'exploitante d'un supermarché à dominante alimentaire situé dans la zone de chalandise du projet dont l'activité sera nécessairement impactée par ce dernier qu'il convient de prendre en compte dans son ensemble ;
- la demande était irrecevable en application de l'article L. 752-15 du code du commerce en raison d'un dossier incomplet dès lors que la demande de modification substantielle constitue une nouvelle demande qui se substitue à la demande antérieure ; ainsi le dossier aurait dû porter sur l'ensemble du projet initial pour permettre à la commission de se prononcer au regard de l'ensemble des effets du projet ;
- cette demande était également irrecevable car elle aurait dû faire l'objet d'une demande unique avec la demande d'autorisation d'exploitation commerciale déposée concomitamment sur l'assiette du même ensemble commercial par la société L'Aygue Longue qui partage le même dirigeant que la société Le Pian Distribution ;
- ce double fractionnement du projet n'a pas permis à la Commission nationale d'aménagement commercial de se prononcer sur l'intégralité du projet, ce qui apparaît contraire à la jurisprudence du Conseil d'Etat en la matière ;
- il n'est pas établi que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été convoqués conformément aux exigences de l'article R. 752-35 du code de commerce et que la convocation aurait été signée par le président de cette commission ;
- concernant le respect des objectifs d'aménagement du territoire et de développement durable, la Commission nationale d'aménagement commercial ne pouvait limiter son analyse à l'extension de 400 m² de surface commerciale dès lors qu'elle était saisie d'une nouvelle demande de réalisation d'un ensemble commercial de près de 18 000 m² ayant vocation à se substituer à la précédente autorisation, qu'elle devait apprécier dans sa globalité ;
- au vu de l'avis défavorable du ministre chargé de l'urbanisme, cette décision est entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'objectif d'aménagement du territoire ;
- le projet, par son ampleur et son éloignement des lieux de vie, n'apparait pas compatible avec le schéma de cohérence territoriale opposable donnant la priorité au développement de l'offre commerciale de proximité ;
- la Commission nationale d'aménagement commercial a considéré à tort que le projet n'entraînait pas d'imperméabilisation supplémentaire alors que l'ensemble commercial en cause s'étend progressivement au détriment de l'espace boisé où il est situé et qu'aucune mesure destinée à économiser l'espace n'a été prise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2022, la société Le Pian Distribution, représentée par Me Bouyssou, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société Auchan Supermarché en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable ; l'intérêt à agir de la société Auchan Supermarché n'est pas établi dès lors qu'il doit s'apprécier au regard de la seule extension demandée par le projet qui n'est pas de nature à affecter ses intérêts ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
II. - Par une requête enregistrée le 24 juin 2020 sous le n° 20BX01970 et deux mémoires enregistrés les 14 août 2020 et 29 mars 2021, la société Auchan Supermarché, représentée par Me Dutoit, demande à la cour :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 janvier 2020 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la société Le Pian Distribution à étendre de 400 m² la surface de vente d'un hypermarché situé sur la commune du Pian-Médoc.
2°) de mettre à la charge de la Commission nationale d'aménagement commercial la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle reprend les moyens invoqués dans la requête n° 21BX03977 et soutient en outre que :
- sa demande est recevable en application du II de l'article L. 752-17 du code de commerce qui vise la situation où, comme en l'espèce, la réalisation du projet ne nécessite pas de permis de construire et prévoit que dans ce cas la Commission nationale d'aménagement commerciale rend une décision susceptible de recours ;
- la cour ne peut considérer avoir épuisé sa compétence après avoir rejeté par ordonnance comme irrecevable une première demande en ce sens, cette ordonnance faisant l'objet d'un pourvoi en cassation toujours pendant devant le Conseil d'Etat.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 4 septembre 2020 et 15 avril 2021, la société Le Pian Distribution, représentée par Me Bouyssou, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société Auchan Supermarché en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que l'intérêt à agir de la société Auchan Supermarché n'est pas établi ; cet intérêt doit s'apprécier au regard de la seule extension demandée par le projet qui n'est pas de nature à affecter ses intérêts ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
III. - Par une requête enregistrée le 24 juin 2020 sous n° 20BX01971 et des mémoires enregistrés les 6 juillet 2020 et 29 mars 2021, la société Auchan Supermarché, représentée par Me Dutoit, demande à la cour :
1°) d'annuler le permis de construire n° PC 33322 15 Z0075 délivré à la société Le Pian Distribution le 7 novembre 2016 en tant qu'il vaudrait autorisation d'exploitation commerciale sur le fondement de la décision n° 4034T01 de la Commission nationale d'aménagement commercial en date du 23 janvier 2020 ainsi que les permis de construire modificatifs du 8 décembre 2017 et 11 mars 2019 ;
2°) de mettre à la charge de la commune du Pian-Médoc la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle reprend dans les mêmes termes, les moyens invoqués contre la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 23 janvier 2020 dans la requête n° 21BX03977 et soutient en outre que :
- si la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 23 janvier 2020 ne devait être regardée que comme un avis, sa requête dirigée contre le permis de construire est recevable conformément à l'avis du Conseil d'Etat n° 398077 du 23 décembre 2016.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 4 septembre 2020 et 15 avril 2021, la société par actions simplifiée Le Pian Distribution, représentée par Me Bouyssou, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société Auchan Supermarché en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est tardive dès lors que les permis de construire en litige sont devenus définitifs ; la demande de modification substantielle n'impliquait pas de demande de permis de construire, la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial ne pouvait donc pas réouvrir le délai de recours contentieux à l'encontre de ce permis ;
- l'intérêt à agir de la société Auchan Supermarché n'est pas établi dès lors qu'il doit s'apprécier au regard de la seule extension demandée par le projet qui n'est pas de nature à affecter ses intérêts ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 4 octobre 2020 rectifié le 26 octobre 2020 et un mémoire enregistré le 27 avril 2021, la commune du Pian-Médoc, représentée par Me Borderie, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société Auchan Supermarché en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête de la société Auchan Supermarché est irrecevable, dès lors que les permis de construire contestés ne valent pas autorisation d'exploitation commerciale, et qu'elle n'a donc pas d'intérêt pour les contester ;
- les permis de construire en litige sont devenus définitifs ;
- la cour administrative d'appel n'est pas compétente pour connaître du recours dirigé contre un permis de construire de droit commun ;
- les moyens invoqués, qui ne concernent pas les dispositions d'urbanisme, sont inopérants.
Par ordonnance du 19 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 mai 2021 à 12h00.
Un mémoire présenté pour la société Le Pian Distribution, représentée par Me Bouyssou, a été enregistré le 14 janvier 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,
- et les observations de Me Encinas, représentant la société Auchan Supermarché et de Me Borderie, représentant la commune du Pian-Médoc.
Des notes en délibéré présentées pour la société Auchan Supermarché, représentée par Me Encinas, ont été enregistrées le 23 février 2022 dans les dossiers nos 20BX01970 et 21BX03977.
Considérant ce qui suit :
1. La société Le Pian Distribution exploite un supermarché à l'enseigne E. Leclerc d'une surface de 5 800 m² situé sur la commune du Pian-Médoc (Gironde). Elle a obtenu, par une décision de la commission départementale d'aménagement commercial du 4 février 2015, l'autorisation de transférer ce magasin sur des terrains voisins, la réaffectation des surfaces existantes de l'ancien magasin et la création de nouvelles surfaces de vente à hauteur de 7 250 m², portant l'ensemble commercial à 25 947 m² sur les parcelles cadastrées section AX no 14 et nos 30 à 33, route de Pauillac. Au vu de cette autorisation, le maire du Pian-Médoc lui a délivré le 7 novembre 2016 un permis de construire pour la construction de cet hypermarché, qui a fait l'objet de deux permis modificatifs les 8 décembre 2017 et 11 mars 2019. La société Le Pian Distribution, qui a engagé les travaux correspondants, a déposé le 18 juin 2019 un dossier de demande de modification substantielle de l'autorisation commerciale, non soumise à permis de construire, consistant en une extension de 400 m² de la surface de vente de l'hypermarché par réaffectation de surfaces initialement affectées au stockage et valant également diminution de la surface de vente de l'ensemble commercial d'une surface de 4 400 m² concernant l'ancien bâtiment de l'hypermarché, dont le réaménagement faisait l'objet d'une demande parallèle déposée par la société de l'Aygue Longue, propriétaire des locaux. Le 19 septembre 2019, la commission départementale d'aménagement commercial de la Gironde a donné un avis favorable au projet de la société Pian Distribution. La société Auchan Supermarché a formé un recours contre cet avis devant la Commission nationale d'aménagement commercial, qui l'a rejeté par une décision du 23 janvier 2020 autorisant l'extension demandée. La société Auchan Supermarché a demandé l'annulation de cette décision par une première requête du 4 juin 2020. Par une ordonnance n° 20BX01820 du 17 juin 2020, la présidente de la première chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté cette requête comme irrecevable. Par une décision n° 442849 du 13 octobre 2021, le Conseil d'Etat a annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire devant la cour où elle a été enregistrée sous le n° 21BX03977. Par une deuxième requête enregistrée sous le n° 20BX01970, la société Auchan Supermarché demande de nouveau à la cour d'annuler la décision du 23 janvier 2020 de la Commission nationale d'aménagement commercial. Par une troisième requête enregistrée sous le n° 20BX01971, elle demande l'annulation du permis de construire délivré en 2016 et des permis de construire modificatifs accordés en 2017 et 2019 par le maire du Pian-Médoc pour la construction de l'hypermarché.
2. Les requêtes enregistrées sous les nos 20BX01970, 20BX01971 et 21BX03977 concernent le même projet et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
Sur les conclusions dirigées contre le permis de construire du 7 novembre 2016 et les permis modificatifs du 8 décembre 2017 et du 11 mars 2019 :
3. D'une part, et en premier lieu, aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 39 de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial (...) ". En vertu des termes mêmes de l'article 6 du décret du 12 février 2015 relatif à l'aménagement commercial, ces dispositions sont entrées en vigueur le 15 février 2015. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale en vertu des dispositions de l'article L. 752-1 du code de commerce doit également faire l'objet d'un permis de construire, ce permis tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale dès lors que la demande de permis a donné lieu à un avis de la commission départementale d'aménagement commercial et que le permis de construire a été délivré après le 14 février 2015 et sous réserve qu'il n'ait pas fait l'objet d'une décision de la Commission nationale d'aménagement commercial avant le 15 février 2015 . Ce permis peut ainsi, faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif, en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Il résulte des dispositions de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme que ce recours est ouvert aux personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du code de commerce et que seuls sont recevables à l'appui de ce recours les moyens relatifs à la légalité du permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.
4. D'autre part, l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme dispose que : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Les professionnels mentionnés au I de l'article L. 752-17 du code de commerce sont des tiers au sens de ces dispositions. Ils bénéficient d'une information sur l'existence de la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en raison, notamment, de la publicité donnée à la décision de la commission départementale d'aménagement commercial en application des dispositions de l'article R. 752-30 du code de commerce. Ainsi, bien qu'ils ne soient pas nécessairement voisins du projet, le délai de recours contentieux à l'encontre du permis court à leur égard, comme pour tout permis de construire, à compter de la date prévue par les dispositions citées ci-dessus de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme.
5. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire accordé le 7 novembre 2016 à la société Le Pian Distribution pour la construction de locaux commerciaux a été pris au vu de l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial du 4 février 2015. Dès lors en application des dispositions citées au point 3, et en l'absence de recours contre l'avis de la commission départementale devant la Commission nationale d'aménagement commercial, il tenait lieu d'autorisation d'exploitation commerciale et pouvait à ce titre faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir de la part des professionnels mentionnés au I de l'article L. 752-17 du code du commerce. Il ressort également des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, que ce permis a fait l'objet d'un affichage régulier sur le terrain d'assiette du 10 novembre 2016 au 12 janvier 2017. Par suite, la requête de la société Auchan Supermarché à l'encontre de ce permis de construire, enregistrée au greffe de la cour le 24 juin 2020, est tardive. A cet égard, dès lors que la décision d'autorisation commerciale accordée par ce permis de construire est définitive, la décision de la commission d'aménagement commercial statuant sur la demande de modification substantielle constituée par l'extension de la surface commerciale de l'hypermarché Leclerc n'a pas eu pour effet d'ouvrir un nouveau délai de recours à l'encontre de l'arrêté du 7 novembre 2016 en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploration commerciale. Par suite, la fin de non-recevoir soulevée par la commune du Pian-Médoc et la société Le Pian Distribution doit être accueillie.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 600-1-4, introduit au code de l'urbanisme par la loi du 18 juin 2014 : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article
L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que les permis modificatifs du 8 décembre 2017 et du 11 mars 2019 ne portaient que sur des dispositions du permis du 7 novembre 2016 en tant qu'il vaut autorisation de construire. Par suite, en application des dispositions de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme, et ainsi que le fait valoir la commune du Pian-Médoc, les conclusions de la société Auchan Supermarché dirigées contre ces permis modificatifs sont irrecevables.
Sur les conclusions dirigées contre la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 23 janvier 2020 :
En ce qui concerne la régularité de la procédure :
8. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 752-35 du code du commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ".
9. Il ressort des pièces du dossier que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été convoqués le 8 janvier 2020 à la séance du 23 janvier suivant devant examiner la demande en cause. D'une part, la circonstance que ce courrier de convocation ait été signé par le secrétaire, conformément à l'article 13 du règlement intérieur de la commission, n'est pas de nature à établir que le président n'aurait pas décidé de la convocation. D'autre part, il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et il n'est d'ailleurs pas soutenu, que l'irrégularité alléguée à ce titre aurait eu une influence sur le sens de l'avis émis par la Commission nationale d'aménagement commercial ou aurait privé l'intéressée d'une garantie. En outre cette convocation précisait que les documents prévus par l'article R. 752-35 serait mis à la disposition des membres de la commission sur la plateforme de téléchargement cinq jours au moins avant la tenue de la séance. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 752-35 du code du commerce doit être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code du commerce dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : (...) 2° L'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet. (...) ; 5° L'extension de la surface de vente d'un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet ;(...) ". Aux termes de l'article L. 752-3 de ce code : " I.- Sont regardés comme faisant partie d'un même ensemble commercial, qu'ils soient ou non situés dans des bâtiments distincts et qu'une même personne en soit ou non le propriétaire ou l'exploitant, les magasins qui sont réunis sur un même site et qui : 1° Soit ont été conçus dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier, que celle-ci soit réalisée en une ou en plusieurs tranches ; 2° Soit bénéficient d'aménagements conçus pour permettre à une même clientèle l'accès des divers établissements ; (..) ". Enfin, aux termes de l'article L. 752-15 du même code : " L'autorisation d'exploitation commerciale est délivrée préalablement à la réalisation du projet si le permis de construire n'est pas exigé. (...) Une nouvelle demande est nécessaire lorsque le projet, en cours d'instruction ou lors de sa réalisation, subit, du fait du pétitionnaire, des modifications substantielles au regard des critères énoncés à l'article L. 752-6. Lorsqu'elle devient définitive, l'autorisation de modifier substantiellement le projet se substitue à la précédente autorisation d'exploitation commerciale accordée pour le projet. ".
11. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la demande de modification substantielle de l'autorisation précédemment accordée dont les commissions d'aménagement commercial ont été saisies consiste en une extension de 400 m² la surface de vente de l'hypermarché Leclerc pour atteindre 6 200 m² par la réutilisation d'une surface initialement consacrée à une aire de stockage et la diminution de la surface de vente de l'ensemble commercial d'une surface de 4 400 m² correspondant aux anciens locaux de l'hypermarché. Au regard de l'objet de cette nouvelle demande, et alors qu'il ressort des pièces du dossier, que la demande présentée devant la commission comportait l'ensemble des informations relatives à son insertion dans l'ensemble commercial précédemment autorisé, la circonstance qu'elle ne comportait pas l'intégralité des pièces présentées dans le cadre de la demande initiale n'est pas de nature à faire regarder le dossier comme incomplet dès lors que la Commission nationale d'aménagement commercial a été mise à même de se prononcer au vu des impacts de cette extension au regard des caractéristiques de l'ensemble commercial dans lequel elle s'insère.
12. D'autre part, il est constant que la demande de modification déposée par la société Le Pian Distribution et la demande d'autorisation déposée par la société de l'Aygue Longue concernant la réutilisation et l'extension de la surface commerciale des locaux laissés vacants par le transfert de l'hypermarché Leclerc concernaient un même ensemble commercial, au sens des dispositions citées au point 10. Il ressort des pièces du dossier que la demande présentée par la société Le Pian Distribution faisait état de la demande déposée par la société de l'Aygue Longue et l'intégrait dans sa présentation s'agissant notamment des surfaces et activités concernées ainsi que de l'impact en terme de trafic et que cette question a été spécifiquement évoquée lors de l'examen du dossier devant la commission nationale, dont il ressort du procès-verbal de la séance qu'elle a pu porter une appréciation globale sur ces projets.
13. Par suite la requérante n'est pas fondée à soutenir que le fractionnement des demandes aurait été de nature à vicier la procédure ou l'appréciation des faits par la commission nationale, ni que le dossier serait incomplet et la demande irrecevable faute de porter sur l'ensemble du projet d'équipement commercial.
En ce qui concerne l'objet de la demande :
14. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 752-15, issues de l'article 170 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique et éclairées par les débats parlementaires que, lorsque le pétitionnaire sollicite l'autorisation de modifier substantiellement son projet, il ne renonce pas pour autant, tant qu'il n'a pas obtenu cette autorisation de modifier son projet, au bénéfice de l'autorisation en cours de validité qui lui a été délivrée antérieurement et que ce n'est que lorsque l'autorisation de modifier substantiellement le projet devient définitive que cette autorisation se substitue à la précédente autorisation. Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, la demande de modification substantielle n'a pas pour objet de remettre en cause le projet objet de l'autorisation initiale mais de permettre, au vu des critères prévus par les textes en vigueur à la date de la demande de modification, d'apprécier la portée de celle-ci. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la société Pian Distribution devait de nouveau solliciter une autorisation d'exploitation pour la partie de l'ensemble commercial autorisée en 2015 qui n'était pas affectée par la demande de modification.
En ce qui concerne le respect par le projet des critères fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce :
15. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale (...). La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; / 2° En matière de développement durable :a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. ". Il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
16. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit, dans le cadre de l'examen de la demande de modification présentée par la société Le Pian Distribution, il appartenait à la Commission nationale d'aménagement commercial d'apprécier la conformité du projet au regard de la modification demandée en prenant en compte son insertion dans l'ensemble commercial auquel elle appartient. Par suite, alors qu'il ressort des pièces du dossier que la commission a porté son appréciation au regard des caractéristiques de l'ensemble commercial dans son entier, elle n'a pas commis d'erreur de droit en examinant l'impact supplémentaire de cette seule extension sans se prononcer de nouveau sur l'ensemble du projet tel qu'autorisé en 2016.
17. En deuxième lieu, le document d'aménagement commercial figurant dans le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale de l'aire métropolitaine bordelaise, accessible au public sur le site du SYSDAU, distingue, s'agissant de l'aménagement commercial, d'une part les " pôles commerciaux de secteur ", incluant les pôles de proximité et les pôles d'équilibre métropolitains et d'autre part les " grand pôles commerciaux métropolitains ", qui regroupent les huit pôles commerciaux d'agglomération et les trois pôles commerciaux régionaux. Ce document indique que la ZACom du Pian-Médoc constitue l'un des huit pôles commerciaux d'agglomérations structurants recensés sur ce territoire et précise les conditions de développement de ces pôles. Ainsi, d'une part, contrairement à ce que soutient la requérante, ce schéma n'autorise pas uniquement le développement des pôles de proximité. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'extension projetée de 400 m² de la surface de vente de l'hypermarché Leclerc et l'augmentation de la surface autorisée dans les anciens locaux de 4 350 m² à 8 349 m² ne sont pas de nature à faire entrer la zone du Pian-Médoc dans la catégorie des pôles commerciaux régionaux qui sont définis par le document d'aménagement commercial comme " la combinaison d'un hypermarché attractif, d'une grande galerie marchande et de grandes surfaces spécialisées à forte notoriété ". Par suite, le moyen tiré de ce que la demande litigieuse serait pour ces motifs, incompatible avec le schéma de cohérence territoriale doit être écarté.
18. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'extension de 400 m² de la surface commerciale a pour objet de permettre l'agrandissement du rayon boissons de l'hypermarché et principalement de celui des bières et alcools. Alors qu'il n'est pas contesté qu'il n'existe pas de commerce de ce type dans la commune d'implantation, la seule référence à l'avis défavorable du ministre chargé de l'urbanisme n'est pas de nature à établir l'existence d'une remise en cause de l'équilibre commercial entre les différents commerces de la commune d'implantation, alors au demeurant que le projet a fait l'objet d'un avis favorable de la part de la direction départementale des territoires et de la mer et du ministre chargé du commerce.
19. En quatrième lieu, alors que le critère de l'imperméabilisation des sols a été pris en compte lors de la délivrance des autorisations antérieures, il ressort des pièces du dossier que la modification demandée par la société Le Pian Distribution, qui consiste en la réutilisation de surfaces de stockage déjà prévues et autorisées, n'implique pas de modification du bâti, ni la création de places de stationnement supplémentaires par rapport à celles déjà autorisées et en cours de réalisation. Il en est de même du projet porté par la société de l'Aygue Longue de réutilisation des anciens locaux de l'hypermarché qui porte sur des zones déjà imperméabilisées. Par suite, les moyens tirés de ce que le projet induirait une augmentation de l'imperméabilisation de parcelles situées dans un secteur boisé et ne respecterait pas l'objectif de consommation économe d'espace ne peuvent qu'être écartés. En outre, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de ce que l'ensemble commercial comporterait des zones de réserve foncière susceptibles de faire l'objet d'un développement ultérieur.
20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la société Le Pian Distribution, que la société Auchan Supermarché n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée.
Sur les frais exposés liés au litige :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Commission nationale d'aménagement comercial et la commune du Pian-Médoc qui ne sont pas les parties perdantes dans les présentes instances, versent les sommes réclamées par la société Auchan Supermarché en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société requérante la somme de 1 500 euros à verser respectivement à la société Le Pian Distribution et à la commune du Pian-Médoc au titre de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de la société Auchan Supermarché sont rejetées.
Article 2 : La société Auchan Supermarché versera la somme de 1 500 euros chacune à la commune du Pian-Médoc et à la société Le Pian Distribution au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Auchan Supermarché, à la société Le Pian Distribution, à la commune du Pian-Médoc et à la Commission nationale d'aménagement commercial.
Délibéré après l'audience du 17 février 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Brigitte Phémolant, présidente,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 mars 2022.
La rapporteure,
Christelle Brouard-LucasLa présidente,
Brigitte Phémolant
La greffière,
Sophie LecarpentierLa République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20BX01970, 20BX01971, 21BX03977 2