Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 18 février 2021 sous le n° 21BX00669, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 janvier 2021.
Il soutient que la relation dont se prévaut M. C... est très récente et ne justifiait pas l'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2020.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 avril 2021, M. C..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) de rejeter de la requête du préfet de la Haute-Garonne ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui accorder sans délai une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 à verser à son conseil sous réserve qu'il renonce à percevoir l'aide juridictionnelle, sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, ou, à défaut, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens du préfet de la Haute-Garonne ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 18 février 2021 sous le n° 21BX00672, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 janvier 2021.
Il soutient que les moyens invoqués dans sa requête au fond sont sérieux et de nature à justifier l'annulation de ce jugement.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 29 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et notamment son article 5 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme G... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 29 octobre 2020, le préfet de la Haute-Garonne a obligé M. C..., ressortissant nigérian né le 28 décembre 1999 et entré sur le territoire français le 27 mars 2019, à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la requête n° 21BX00669, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 12 janvier 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 29 octobre 2020, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. C... et a mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au bénéfice du conseil de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par la requête n° 21BX00672, le préfet demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement. Ces requêtes concernent un même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur le motif retenu par le premier juge :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré sur le territoire français en mars 2019, soit depuis moins de deux ans à la date de l'arrêté en litige, et qu'il est en couple avec une compatriote titulaire d'une carte de résident, qui est enceinte depuis le mois d'août 2020 et dont il a reconnu l'enfant à naître le 11 décembre 2020. Toutefois, M. C... ne justifie de leur communauté de vie que depuis le mois de décembre 2020, soit postérieurement à la date à laquelle le préfet l'a obligé à quitter le territoire français. Par ailleurs, il ne soutient pas qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt ans. Dans ces conditions, eu égard au caractère très récent de la relation de M. C... avec sa compagne et de la date de son entrée en France, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. C... au regard des buts qu'elle poursuit. Par suite, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté litigieux, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales citées ci-dessus.
4. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur les autres moyens :
5. Par un arrêté du 7 octobre 2020 publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Garonne, le préfet de ce département a régulièrement donné délégation à Mme F... D..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer les décisions prises en application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de M. C... en l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, ce moyen doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.
8. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté du 29 octobre 2020 que le préfet a examiné les risques encourus par M. C... en cas de retour dans son pays d'origine au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation doit être écarté.
9. Enfin, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
10. M. C..., dont la demande d'asile a été rejetée de manière définitive par la Cour nationale du droit d'asile le 18 septembre 2020, ne fait valoir aucun élément qui permettrait de considérer qu'il encourrait des risques pour sa vie ou serait soumis à des traitement inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité ci-dessus et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 29 octobre 2020, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. C... et a mis à la charge de l'État, au bénéfice du conseil de M. C..., une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
12. La présente décision, qui rejette la demande de première instance présentée par M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2020, n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions présentées par ce dernier aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. C... demande au bénéfice de son conseil au titre des frais liés au litige.
Sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement :
14. Par le présent arrêt, la cour statuant sur les conclusions de la requête du préfet de la Haute-Garonne tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement deviennent sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20BX00672.
Article 2 : Le jugement n° 2006139 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Toulouse, ainsi que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... C..., au ministre de l'intérieur et à Me B... E....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme G... A..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2021.
La présidente,
Marianne Hardy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX00669, 21BX00672 5