Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mai 2018, MD..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 mars 2018 et l'arrêté du préfet de la Gironde du 15 novembre 2017 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
-le signataire de l'acte était incompétent ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- le refus de titre de séjour est dépourvu de base légale en raison de l'illégalité du refus d'autorisation de travail ; ce refus d'autorisation de travail est entaché d'une erreur de droit puisque le préfet a ajouté une condition inexistante à la loi ; en outre, le préfet a commis une erreur de droit dans l'application de l'article R. 5221-20 du code de travail en ne tenant pas compte des spécificités du poste concerné ;
- la décision en litige porte une atteinte disproportionnée à son droit à sa vie privée et familiale ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, il soutient que :
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2018, le préfet de Gironde conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par M. D...ne sont pas fondés.
Par une ordonnance en date du 21 juin 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 août 2018 à 12 heures.
Un mémoire en production de pièces présenté pour M. D...a été enregistré le 12 octobre 2018.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 1er juillet 1994 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. B...pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...;
- et les observations de Me Deverneuil, avocat, représentant M. D...;
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., ressortissant marocain, né le 5 juillet 1993, titulaire d'un titre de séjour en qualité de " travailleur-saisonnier " valable du 19 mars 2012 au 18 mars 2015, a saisi le préfet de la Gironde, le 23 avril 2015, d'une demande de changement de statut en vue d'obtenir la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain. Par un arrêté du 28 décembre 2015, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français. Par un jugement n° l600630 du 21 avril 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de M. D...afin de prendre en compte la demande d'autorisation de travail effectuée par la société Bassereau auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Par une décision du 14 décembre 2016, le préfet de la Gironde a refusé cette autorisation. Une nouvelle demande d'autorisation de travail a été présentée par la société EK Services. Par une décision du 2 octobre 2017, le préfet de la Gironde a opposé un refus à cette nouvelle demande. Par un arrêté du 15 novembre 2017, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié ", l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D...relève appel du jugement du 22 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
2. A l'appui du moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément nouveau par rapport à son argumentation développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas de l'article 1er du présent accord, reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. (...)/ Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans (...) ". Enfin, l'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ".
4. L'accord franco-marocain renvoie ainsi, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en oeuvre. Il en va notamment ainsi, pour le titre de séjour " salarié " mentionné à l'article 3 cité ci-dessus délivré sur présentation d'un contrat de travail " visé par les autorités compétentes ", des dispositions des articles R. 5221-17 et suivants du code du travail, qui précisent les modalités selon lesquelles et les éléments d'appréciation en vertu desquels le préfet se prononce, au vu notamment du contrat de travail, pour accorder ou refuser une autorisation de travail.
5. Il ressort des pièces du dossier que les demandes d'autorisation de travail déposées par la société Bassareau puis par la société EK Services ont été rejetées par le préfet de la Gironde respectivement le 14 décembre 2016 et le 2 octobre 2017. Dans ces conditions, M. D... ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987. Dès lors, le préfet de la Gironde a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, rejeter la demande de titre de séjour de M.D....
6. L'appelant excipe de l'illégalité du refus d'autorisation de travail qui été opposé le 2 octobre 2017. Cependant, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale. En l'espèce, le refus de titre de séjour contesté n'a pas été pris pour l'application du refus d'autorisation de travail opposé le 2 octobre 2017 à l'employeur de M. D...et n'en constitue pas la base légale. Par suite, l'exception tirée de l'illégalité de ce refus d'autorisation de travail ne peut être accueillie.
7. A l'appui des moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit à sa vie privée et familiale et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément nouveau par rapport à son argumentation développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. A l'appui des moyens tirés de ce que la mesure d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément nouveau par rapport à son argumentation développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 novembre 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 26 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier-conseiller
Mme Sabrina Ladoire, premier-conseiller
Lu en audience publique, le 22 novembre 2018.
Le premier-conseiller
M. Paul-André Braud,Le président-rapporteur,
Marianne C...
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX02093