Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés respectivement le 10 avril 2018, le 11 juin 2018 et le bordereau de communication de pièces le 20 juin 2018, le 2 juillet 2018 et le 17 septembre 2018, M. M. A...E...C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers du 12 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2017 du préfet des Deux-Sèvres susmentionné portant remise aux autorités néerlandaises ;
3°) d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 600 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat allouée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision de transfert contestée est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article 17.1 du règlement n°604/2013, et des articles L. 742-1 et L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ressort de la motivation de cette décision que le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle et n'a pas fait usage du pouvoir discrétionnaire qu'il tient de l'article 17, s'estimant en situation de compétence liée pour lui refuser son admission au séjour au titre de l'asile ;
- la décision de transfert contestée, insuffisamment motivée sur ce point, ne lui permet pas de contester utilement le critère de détermination retenu pour déterminer les Pays-Bas comme étant l'Etat responsable de sa demande d'asile ;
- la décision de transfert contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17.1 du règlement n°604/2013 ;
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Agnès Bourjol a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant afghan, né le 28 novembre 1993 à Kandahar (Afghanistan), est entré irrégulièrement sur le territoire français, en juillet 2017 selon ses dires. Il s'est présenté à la préfecture de la Vienne pour formuler une demande d'asile le 5 octobre 2017. Le relevé de ses empreintes digitales a fait apparaître qu'il avait déjà été identifié en Allemagne le 28 décembre 2015 et aux Pays-Bas le 4 janvier 2016. Les autorités françaises ont obtenu, le 30 octobre 2017, l'accord explicite des autorités néerlandaises aux fins de reprise en charge de l'intéressé sur le fondement du d) de l'article 18.1 du règlement communautaire du 26 juin 2013, après que ces dernières ont été saisies d'une demande de prise en charge le 25 octobre 2017. Par l'arrêté attaqué du 14 novembre 2017, le préfet des Deux-Sèvres a décidé sa remise aux autorités néerlandaises. M. C...relève appel du jugement du 12 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2017 décidant son transfert aux autorités néerlandaises.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".
3. Il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté contesté, ni des pièces du dossier que le préfet des Deux-Sèvres se serait estimé en situation de compétence liée. La demande de M. C... ne relevant pas, ainsi qu'il a été dit précédemment, de la responsabilité de la France, le préfet, qui a procédé à l'examen de la situation de l'intéressé au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013, n'était toutefois pas tenu d'expliciter les motifs pour lesquels il a décidé, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, de ne pas conserver l'examen de la demande d'asile de M. C... sur le fondement de l'article 17 du règlement n° 604/2013.
4. M. C...soutient que la décision est illégale en ce que ne sont pas mentionnés les critères de détermination de l'Etat responsable au sens du chapitre III du règlement n° 604/2013 susvisé et serait ainsi dépourvue de base légale. Cependant, l'arrêté contesté indique que c'est sur le fondement de l'article 18.1 d) dudit règlement que les autorités néerlandaises ont accepté la réadmission de M. C...et ce dernier ne conteste pas qu'il entrait bien dans cette hypothèse de reprise en charge dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29 du même règlement. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
5. Aux termes des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. / Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. ". La mise en oeuvre par les autorités françaises de l'article 17 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, aux termes duquel : " Les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ".
6. M. C...soutient craindre pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine en raison de la situation de conflit armé généralisé existant actuellement en Afghanistan et en particulier dans la région de Kandahar, où il est né. Il produit deux communiqués de presse d'Amnesty International, publiés respectivement le 31 mai 2017 et le 5 octobre 2017, faisant état de ce que la province de Kandagar connaît, avec Kaboul et la région du Nangarhar, le nombre de victimes civiles le plus élevé, et que les Pays-Bas renvoient de force des afghans dans leur pays d'origine. Toutefois, en se bornant à produire la traduction non officielle, difficilement compréhensible et au demeurant non datée, qu'il présente comme étant une décision d'éloignement prise à son encontre par les autorités néerlandaises à destination de l'Afghanistan, il n'établit pas que les autorités néerlandaises l'éloigneront nécessairement à destination de ce pays. Dans ces conditions, le préfet a pu, sans méconnaître les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européenne et du Conseil du 26 juin 2013, s'abstenir de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de conserver l'examen de la demande d'asile déposée par M.C.... Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit liée à la méconnaissance de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
7. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet des Deux-Sèvres aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas, au cas d'espèce, application de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions rappelées du point 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur les autres conclusions :
9. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. C...à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...E...C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
Mme Agnès Bourjol, conseiller.
Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.
Le président,
Marianne Pouget
La greffière,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX01471