Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 août 2016 et des mémoires enregistrés le 14 novembre 2017 et le 17 avril 2018, la société Foncierimmo, représenté par la SCP Cornille - Pouyanne - Fouchet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 juin 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2014 par lequel le maire de la commune de Saint-Morillon a sursis à statuer sur sa demande, ainsi que la décision implicite née le 3 novembre 2014 et la décision expresse du 2 décembre 2014 rejetant son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Saint-Morillon de lui délivrer un certificat de permis d'aménager tacite sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Morillon une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement méconnaît les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- la décision du 3 juillet 2014 a retiré le permis d'aménager tacite né le 14 avril 2014 sans procédure contradictoire préalable, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; le délai d'instruction n'avait pu être valablement prolongé dès lors que le projet n'est pas dans le champ de visibilité de l'église de Saint-Morillon, comme l'a confirmé l'avis du chef du STAP du 29 janvier 2014 ;
- à la date de la décision attaquée, l'état d'avancement du projet de plan local d'urbanisme ne permettait pas de lui opposer un sursis à statuer ;
- la commune ne démontre pas en quoi son projet compromettrait ou rendrait plus onéreux le projet de plan local d'urbanisme ;
- son projet est compatible avec les orientations d'aménagement et de programmation applicables à la zone, qui ne présentent pas de caractère impératif.
Par des mémoires en défense enregistrés le 22 décembre 2016 et le 9 février 2018, la commune de Saint-Morillon conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 13 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 17 avril 2018 à 12h.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du patrimoine ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. David Terme,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la SARL Foncierimmo et les observations de MeA..., représentant la commune de Saint-Morillon.
Considérant ce qui suit :
1. Le 14 janvier 2014, la société Foncierimmo a déposé une demande de permis d'aménager pour la réalisation d'un lotissement de 11 lots d'habitation sur un terrain d'une superficie de 13 284 mètres carrés situé sur le territoire de la commune de Saint-Morillon. Par arrêté du 3 juillet 2014, le maire a opposé à cette demande un sursis à statuer d'une durée de deux ans. Le 3 septembre 2014, la société Foncierimmo a formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été implicitement rejeté, avant que par courrier du 2 décembre 2014, le maire ne transmette à la société les délibérations du 9 février 2011 et du 29 septembre 2014 du conseil municipal et ne l'invite à déposer une nouvelle demande de permis d'aménager compatible avec le plan local d'urbanisme en cours d'élaboration. La société Foncierimmo relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 30 juin 2016 par lequel celui-ci a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2014, de la décision implicite de rejet de son recours gracieux et du courrier en date du 2 décembre 2014.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme manquant en fait.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'existence d'un permis de construire tacite :
3. Aux termes de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction de droit commun est de : (...) / c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager. " Aux termes de l'article R. 423-28 du même code, dans sa rédaction applicable : " Le délai d'instruction prévu par le b et le c de l'article R*423-23 est également porté à six mois : (...) / b) Lorsqu'un permis de construire ou d'aménager porte sur un projet situé dans le périmètre de protection des immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques (...) ". L'article L. 621-30 du code du patrimoine alors en vigueur fixait le périmètre de protection à une distance de 500 mètres.
4. Il ressort des pièces du dossier, ce que la société requérante ne conteste d'ailleurs pas, que le projet litigieux se situe dans le périmètre de protection de l'église Saint-Maurille, laquelle est inscrite en totalité au titre des monuments historiques par arrêté du 16 décembre 2008. Par suite, à supposer même que le projet ne se trouverait pas en situation de co-visibilité avec cette église, ce qu'il n'appartenait qu'à l'architecte des bâtiments de France d'apprécier, le maire de Saint-Morillon était tenu de porter à six mois le délai d'instruction du permis de construire, ce qu'il a fait le 6 février 2014, dans le délai d'un mois suivant le dépôt de la demande.
5. Il s'ensuit que le 3 juillet 2014, la société requérante n'était pas titulaire d'un permis tacite, et n'est donc pas fondée à soutenir que la décision attaquée l'aurait irrégulièrement retiré.
En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté du 3 juillet 2014 :
6. Aux termes de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable : " (...) A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan ".
7. Le maire de Saint-Morillon a sursis à statuer sur la demande de permis d'aménager de la SARL Foncierimmo au motif que " le projet contrevient fortement à l'esprit et aux orientations du plan local d'urbanisme en cours d'élaboration qui prévoit, en application de l'article L. 123-2 b) du code de l'urbanisme, un aménagement dans une vision cohérente de l'ensemble de la future zone 1 AU notamment en matière de circulation interne, de réalisation d'habitats collectifs et individuels de manière à répondre à une question de densité, tout en préservant de vastes espaces végétalisés, afin de maintenir le caractère paysager du quartier, sur des emprises unitaires au plan environnemental ".
8. En premier lieu, la société requérante soutient que le projet de plan local d'urbanisme dont l'élaboration avait été prescrite le 9 décembre 2004 n'était pas suffisamment avancé pour pouvoir légalement fonder le 3 juillet 2014 le sursis à statuer qui lui a été opposé. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'à cette date, un premier débat avait eu lieu dès la séance du conseil municipal du 9 février 2011 sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables issues des travaux d'un comité de pilotage constitué d'élus municipaux et de techniciens représentants les partenaires publics associés à la procédure, en association avec un cabinet d'études, et que ce projet d'aménagement prévoyait déjà de " densifier le centre bourg au niveau du logement en favorisant le R+l ", de " favoriser le développement du locatif de petite taille " et de " créer des espaces communs notamment dans les secteurs de densification urbaine du fait de la plus petite dimension des parcelles ". D'autre part, il ressort également des pièces du dossier que si le projet d'aménagement et de développement durables a été de nouveau débattu par le conseil municipal lors de sa séance du 9 septembre 2014, il était alors noté que " (...) ce dossier (...) n'a plus fait l'objet de réunion depuis environ une année alors que le zonage, le règlement et les orientations d'aménagement étaient bien avancés ", et que parmi les pièces jointes, figuraient des documents élaborés au mois de janvier 2013 et fixant le classement prévisionnel notamment de la zone comprenant la parcelle d'assiette du projet de la société requérante, ainsi qu'un projet d'aménagement détaillé de cette zone. Par suite, le moyen tiré de ce que le projet de plan local d'urbanisme aurait été insuffisamment précis pour fonder la décision du 3 juillet 2014 doit être écarté.
9. En second lieu, si les éléments mentionnés au point précédent prévoyaient que la parcelle d'assiette du projet à urbaniser serait classée en zone 1 AU, ils fixaient également des orientations prévoyant l'implantation de bâtiments à usage de logements collectifs et d'habitat accolé, la réalisation de grands espaces verts ainsi qu'un aménagement des voies de circulation permettant de relier la zone aux espaces adjacents. Le projet de la société requérante ne peut être considéré comme compatible avec ces orientations dès lors qu'il prévoit la création de onze lots supportant chacun une maison individuelle située en milieu de parcelle, et aurait nécessairement pour effet, compte tenu de son importance, d'empêcher la réalisation des immeubles à usage d'habitat collectif et des espaces verts.
10. Par suite, sans qu'importe la circonstance, au demeurant contredite par les pièces du dossier, que son projet serait compatible avec les orientations d'aménagement et de programmation finalement retenues par le plan local d'urbanisme pour la zone, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation du sursis à statuer.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions en injonction de la société requérante ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Morillon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Foncierimmo demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société Foncierimmo une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Saint-Morillon.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Foncierimmo est rejetée.
Article 2 : La société Foncierimmo versera à la commune de Saint-Morillon une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Foncierimmo et à la commune de Saint-Morillon.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. David Terme, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.
Le rapporteur,
David TERMELe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16BX02839