Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 juillet 2013, MmeD..., représentée par MeF..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1300016 du 23 mai 2013 du tribunal administratif de la Martinique ;
2°) de déclarer la commune entièrement responsable de cet accident sur les fondements du défaut d'entretien de l'ouvrage public en cause et de l'absence de signalisation ;
3°) de désigner un expert médical afin d'évaluer les préjudices corporels subis et, dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, de surseoir à statuer sur la réparation de ces préjudices ;
4°) de condamner la commune à lui verser, à titre de provision, la somme de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de ses séquelles, outre les intérêts de droit à compter du 6 juillet 2010 ;
5°) de mettre à la charge de la commune, outre les entiers dépens de l'instance, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la responsabilité pour faute de la commune est incontestable dans la mesure où le maire, en tant qu'autorité de police générale, doit s'assurer de l'existence et de la suffisance des moyens mis en oeuvre pour prévenir les accidents qui pourraient être causés par des biens communaux. Le maire s'est abstenu de signaler le danger constitué par une plaque d'égout insuffisamment fixée qui s'est dérobée à son passage, en violation de l'article L. 2212-2 et du 5°) de l'article L. 2216-2 du code général des collectivités territoriales ;
- l'absence de vérification que cette plaque d'égout était correctement fixée constitue un défaut d'entretien de l'ouvrage dont la commune est propriétaire et qui engage sa responsabilité ;
- le défaut d'entretien normal est présumé. Le fait que la mairie a fait procéder à la fixation de cette plaque postérieurement à l'accident démontre que le défaut d'entretien est patent ;
- le tribunal a retenu à tort la circonstance que le maire ignorait le danger dès lors qu'un tiers non identifié aurait descellé la plaque incriminée dans les jours précédant l'accident, ce qui démontre de plus fort que la plaque était mal fixée. La commune ne peut s'exonérer de sa responsabilité alors qu'elle lui a elle-même indiqué que des travaux avaient été effectués à cet endroit par le service des eaux ;
- les blessures subies à la suite de cet accident sont multiples et graves. Elle a été reconnue travailleur handicapé par la MDPH le 17 novembre 2011 et conserve d'importantes séquelles. Elle n'a pas repris son travail depuis l'accident ;
- l'expertise médicale qu'elle sollicite doit permettre d'évaluer précisément les préjudices corporels qu'elle a subis à la suite de sa chute ;
- le versement d'une somme provisionnelle de 10 000 euros se justifie par les préjudices présentés, la durée de l'arrêt de travail et par les frais de consignation et d'assistance à l'expertise ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2014, la commune du Carbet, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme D...de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune fait valoir que :
- Mme D...ne démontre pas que la plaque d'égout incriminée, qui était supposée être bien fixée, aurait dû faire l'objet d'une mesure de signalisation d'un danger alors qu'aucune négligence imputable au maire ne ressort de l'instruction ;
- les premiers juges ont relevé à bon droit que l'entretien du réseau d'assainissement a été confié à la Société martiniquaise des eaux, et que le dysfonctionnement constaté révèle un défaut d'entretien de l'ouvrage public de nature à engager la responsabilité de cette seule société. Les services communaux ne sont pas intervenus sur le site ;
- dès lors que ce danger lui était inconnu avant l'accident, on ne peut lui reprocher de ne pas avoir pris des dispositions préventives de signalisation. Les jurisprudences citées par la requérante ne sont pas applicables au cas d'espèce.
Par un arrêt du 8 janvier 2015, la présente cour a annulé le jugement attaqué du tribunal administratif de la Martinique, mis à la charge de la commune une indemnité provisionnelle de 1 000 euros et, réservant jusqu'en fin d'instance tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'a pas été expressément statué par cet arrêt, prescrit la désignation d'un expert aux fins de prendre connaissance de l'entier dossier médical de MmeD..., de décrire les blessures, les lésions, les affections résultant de la chute dont elle a été victime le 6 juillet 2010 et d'en indiquer la nature, le siège et l'importance, d'indiquer les soins, traitements et interventions dont elle a été l'objet à la suite de cette chute ainsi que les soins, traitements et interventions éventuellement prévisibles, d'apprécier, en tous ses éléments, son préjudice corporel, de donner toute précision quant à la durée des éventuelles incapacités temporaires (totale et/ou partielle), de déterminer la date de consolidation de son état, de dire s'il subsiste une invalidité permanente, d'en fixer le taux et de déterminer la répercussion de cette invalidité sur son éventuelle activité professionnelle et sur ses conditions d'existence, de préciser dans quelle proportion l'état antérieur de Mme D...a pu contribuer à l'ampleur de ses préjudices, d'évaluer l'importance des souffrances subies et éventuellement du préjudice personnel, y compris le préjudice esthétique et d'agrément de la victime et de donner, plus généralement, toute indication utile à la détermination des différents éléments des préjudices subis.
L'expert a rendu son rapport, enregistré au greffe de la cour le 2 juin 2016.
Par une ordonnance du 16 juin 2016, le président de la cour a taxé et liquidé les frais et honoraires de l'expertise réalisée par le Dr A...B...à la somme de 1 500 euros.
Par une ordonnance du 17 juin 2016, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 31 août 2016 à 12 heures.
Un mémoire présenté pour Mme D...a été enregistré le 7 novembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 17 novembre 2016 :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès, président assesseur ;
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
- les observations de MeE..., représentant Mme D...;
1. MmeD..., alors âgée de soixante-trois ans, en rentrant à pied de son travail le 6 juillet 2010 vers 17 h30, a fait une chute sur une plaque d'égout non scellée au sol située rue des Allamandas sur la commune du Carbet, laquelle plaque s'est dérobée sous son poids. Elle a recherché devant le tribunal administratif de la Martinique la responsabilité de la commune du Carbet au titre des conséquences dommageables de cet accident survenu sur la voie publique et a relevé appel du jugement du 23 mai 2013 par lequel le tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt du 8 janvier 2015, la cour a annulé le jugement attaqué du tribunal administratif de la Martinique, déclaré la commune responsable de cet accident, mis à la charge de la commune une indemnité provisionnelle de 1 000 euros et, réservant jusqu'en fin d'instance tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'a pas été expressément statué par cet arrêt, prescrit la désignation d'un expert aux fins notamment de donner toute indication utile à la détermination des différents préjudices.
Sur l'évaluation des préjudices :
2. MmeD..., tant dans sa demande de première instance qu'en appel, a demandé la réparation du préjudice subi et sollicité une expertise médicale en concluant, dans l'attente des résultats de cette expertise, à l'attribution d'une indemnité provisionnelle de 10 000 euros en indiquant que l'évaluation définitive des préjudices serait produite une fois le rapport d'expertise déposé. Toutefois, elle n'a ultérieurement, ni avant, ni après le dépôt de ce rapport le 2 juin 2016, indiqué dans un nouveau mémoire, produit avant la clôture de l'instruction fixée au 31 août 2016, le montant de sa demande. Dans ces conditions, la demande chiffrée dont la cour est régulièrement saisie doit se limiter à la somme de 10 000 euros sollicitée à titre de provision.
3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que la chute dont a été victime Mme D...est à l'origine de contusions multiples au niveau de l'hémithorax gauche avec hématome du genou gauche, de l'épaule droite et du rachis cervical et dorsal. L'expert ajoute que ces contusions sont survenues sur un état antérieur avéré dégénératif, évolutif multi-sites, lui-même facilité par un état constitutionnel de scoliose dorso-lombaire, et de dysplasie des deux trochlées fémorales. L'expert estime également que l'état de santé doit être considéré comme consolidé le 16 mars 2012, date à laquelle Mme D...a été déclarée inapte à la reprise de son activité professionnelle.
4. Au titre du déficit fonctionnel temporaire, l'expert distingue trois périodes, la première du 6 juillet au 6 août 2010, pour laquelle il retient un taux de 50 %, la deuxième du 7 août 2010 au 31 décembre 2011 avec un taux de 25 % et la dernière du 1er janvier au 16 mars 2012 avec un taux de 10 %. L'expert précise également que l'état antérieur de Mme D...n'a pas joué de rôle déterminant sur ce point et ajoute qu'au cours des périodes où le déficit fonctionnel temporaire a été le plus élevé, une assistance par une tierce personne était nécessaire à raison de 2 heures puis 1 heure par jour. Le préjudice subi peut dans ces conditions être évalué à la somme de 3 200 euros.
5. Les douleurs éprouvées par Mme D...jusqu'à la date de consolidation ont été estimées par l'expert à 3,5 sur une échelle de 7. Le préjudice subi à ce titre peut être évalué à la somme de 4 300 euros.
6. Mme D...souffre après consolidation d'un déficit fonctionnel permanent de 3 %. Selon l'expert, l'accident du 6 juillet 2010 ne peut être tenu pour responsable de la pathologie antérieure, n'ayant joué qu'un rôle aggravant temporaire, et il évalue la part de l'état antérieur dans l'ampleur de ce préjudice à 50 %. Dans ces conditions, la somme de 1 500 euros pourra être accordée à Mme D...en réparation de ce chef de préjudice.
7. Il résulte de ce qui précède que le préjudice total s'élève, en l'absence de conclusions de la caisse générale de sécurité sociale de la Martinique et du département de la Martinique, employeur de MmeD..., régulièrement mis en cause, à la somme de 9 000 euros. La commune du Carbet doit donc être condamnée, après déduction de la provision de 1 000 euros qu'elle a réglée, à verser à Mme D...la somme de 8 000 euros.
Sur les intérêts :
8. Mme D...a droit aux intérêts légaux sur la somme de 8 000 euros à compter, non de la date de l'accident comme elle le demande, mais de la réception par la commune de sa demande préalable du 10 octobre 2012. La somme de 1 000 euros accordée à titre de provision portera intérêt de la date de réception par la commune de sa demande préalable du 10 octobre 2012 jusqu'à la date de paiement de ladite provision.
Sur les frais d'expertise :
9. Dans les circonstances de l'espèce, les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 500 euros par l'ordonnance du président de la cour en date du 16 juin 2016, doivent être mis à la charge de la commune du Carbet.
Sur les frais irrépétibles :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune du Carbet, partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la commune du Carbet tendant à l'application de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La commune du Carbet est condamnée à verser à Mme D...la somme de 8 000 euros, majorée des intérêts à compter de la réception par la commune de sa demande préalable du 10 octobre 2012, déduction faite de la provision de 1 000 euros déjà versée. La somme de 1 000 euros accordée à titre de provision portera intérêt de la date de réception par la commune de sa demande préalable du 10 octobre 2012 jusqu'à la date de paiement de ladite provision.
Article 2 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 500 euros, sont mis à la charge de la commune du Carbet.
Article 3 : La commune du Carbet versera à Mme D...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme D...et les conclusions de la commune du Carbet tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...D..., à la commune du Carbet, à la caisse générale de sécurité sociale de la Martinique, et au département de la Martinique.
Copie en sera adressée à Mme A...B..., expert.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 décembre 2016.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Delphine CERON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 13BX01896