Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 septembre 2017 et le 22 juin 2018, le préfet de la Charente-Maritime demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 juillet 2017 ;
2°) d'annuler le certificat d'urbanisme n° 01707916N0068 accordé le 19 décembre 2016 à M. B...D...par le maire de Chaillevette déclarant réalisable la division d'un terrain situé rue de la Sablière, cadastré section B n° 667, 669, 777 et 884, en vue de construire une maison d'habitation.
Il soutient que le certificat d'urbanisme méconnaît les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme en ce que le secteur auquel appartient la parcelle en cause ne peut être regardé comme constitutif d'un village ou d'une agglomération.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 31 janvier et le 14 septembre 2018, la commune de Chaillevette, représentée par la SCP Pielberg - Kolenc, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le terrain appartenant à M. B...D...est implanté dans un secteur constituant la continuité du village du " Marvoux " ainsi que du village-rue qui s'est développé le long de la rue de la Sablière, étant précisé que ce secteur comprend dans un rayon de moins de 200 m autour du terrain du pétitionnaire, une trentaine de maisons d'habitation, l'ensemble présentant un aspect pavillonnaire ; ce terrain est bordé sur l'ensemble de ses côtés n'accédant pas à la voie publique par un terrain entièrement construit et desservi par l'ensemble des réseaux publics ; cela correspond à une zone déjà urbanisée au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, caractérisée par un nombre et une densité significative de constructions.
Un courrier du 31 janvier 2019, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a précisé la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
L'instruction a été close au 20 février 2019, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 23 mai 2019 :
- le rapport de Mme Nathalie Gay-Sabourdy,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la commune de Chaillevette et les observations de MmeA..., représentant la préfecture de la Charente-Maritime.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...D...a demandé, le 20 octobre 2016 un certificat d'urbanisme afin de savoir si le terrain situé rue de la Sablière, cadastré section B n° 667, 884, 777 et 669, pouvait être utilisé pour la réalisation de la construction d'une maison d'habitation de 120 m² avec garage. Par un certificat d'urbanisme du 19 décembre 2016, le maire de Chaillevette a déclaré cette opération réalisable. Le préfet de la Charente-Maritime relève appel du jugement du 13 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté son déféré tendant à l'annulation de ce certificat d'urbanisme.
2. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ". Les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les zones déjà urbanisées, caractérisées par une densité significative des constructions, mais qu'aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres constructions, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées des agglomérations. L'exigence de continuité étant directement applicable aux autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol, l'autorité administrative qui se prononce sur une demande d'autorisation d'urbanisme dans une commune littorale doit vérifier, à moins que le terrain d'assiette du projet soit situé dans une zone destinée à l'accueil d'un hameau nouveau intégré à l'environnement, si, à la date à laquelle elle statue, l'opération envisagée est réalisée " en continuité avec les agglomérations et villages existants ", et ce alors même que le plan local d'urbanisme aurait ouvert à l'urbanisation la zone dans laquelle se situe le terrain d'assiette.
3. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Chaillevette, qui a une façade sur l'estuaire de la Seudre et relève par suite des dispositions applicables au littoral, est constituée de deux bourgs en lien avec l'activité ostréicole, Chaillevette et Chatressac. Il résulte des documents graphiques et photographiques produits que le secteur dans lequel se situe le terrain d'assiette de la maison d'habitation projetée se compose d'une vingtaine de constructions implantées de manière linéaire le long de la rue de la Sablière et de parcelles demeurées à l'état naturel. En outre, si le terrain d'assiette de la construction projetée jouxte sur deux de ses côtés des parcelles construites, il est boisé et se situe en continuité avec un espace naturel boisé identifié par le schéma de cohérence territoriale comme " espaces boisés significatifs " et répertorié espace boisé classé par le plan local d'urbanisme. Par ailleurs, ce secteur est distant du centre bourg de Chaillevette de plus d'un kilomètre et contrairement aux allégations de la commune, les parcelles en cause ne constituent pas la continuité du " village du Marvoux ", secteur composé d'une vingtaine de constructions et dépourvu de services ou équipements collectifs, lequel ne peut être qualifié de village au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. La circonstance que le secteur est desservi par les réseaux et un service de bus n'a pas d'incidence sur la qualification qui peut être retenue au regard de la notion de village au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Par suite, en délivrant le certificat d'urbanisme positif en litige, alors que le projet de construction d'une maison d'habitation constituait une extension de l'urbanisation, laquelle, à défaut d'être réalisée en continuité d'un village ou d'une agglomération existants, ne pouvait être autorisée sans méconnaître l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, le maire de Chaillevette a entaché sa décision d'illégalité. Ainsi, le préfet de la Charente-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Chaillevette au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : L'arrêté n° 01707916N0068 du 19 décembre 2016 par lequel le maire de Chaillevette a délivré à M. D... le certificat d'urbanisme positif est annulé.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Chaillevette tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D..., à la commune de Chaillevette, au préfet de la Charente-Maritime et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 juin 2019.
Le rapporteur,
Nathalie GAY-SABOURDY Le président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 17BX03165