Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 janvier 2015, l'EURL Tesa, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 14 octobre 2014 ;
2°) de condamner la commune d'Hendaye à lui verser la somme de 211 999,47 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices consécutifs au refus illégal de permis de construire qui lui a été opposé le 7 juillet 2008;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Hendaye la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en raison du refus de permis de construire illégal, la vente de la parcelle n°155 est intervenue en septembre 2011 au lieu de 2008 ; le prix du mètre carré a chuté à Hendaye entre 2008 et 2011 et le prix de vente aurait été de 351 000 euros en 2008 au lieu de 220 000 euros en 2011 ;
- elle a également subi un préjudice du fait du manque à gagner sur les deux appartements de l'immeuble situé sur la parcelle AC n° 154 qui devaient être réalisés avec le produit de la vente de la parcelle AC n° 155 ; pour les deux appartements le préjudice s'élève à 31 680 euros ;
- la société a dû également payer des intérêts sur l'emprunt entre 2008 et 2011 pour un montant de 45 317 euros ;
- le terrain n'ayant pu être vendu dans le délai de quatre ans, elle a dû payer les droits d'enregistrement à hauteur de 3 431,47 euros ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2017, la commune d'Hendaye conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de l'EURL Tesa la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les pièces produites au dossier par la requérante montrent que le prix de vente de la parcelle n'a pas varié entre l'acte sous seing privé du 16 juin 2010, date à laquelle l'EURL Tesa n'était pas titulaire du permis de construire délivré le 8 juillet 2010, et la vente finalement réalisée le 9 septembre 2011 ;
- le prix d'un terrain nu avec droits à construire de 390 m² de SHON n'est pas établi que ce soit en 2008 ou en 2011 ; en cédant en 2011 la parcelle AC 155, l'EURL Tesa a réalisé une importante plus-value ;
- la perte de valeur vénale du terrain d'assiette n'est pas établie ;
- le manque à gagner résultant de la vente tardive des appartements de la parcelle 154 résulte du comportement de l'EURL Tesa, qui s'est privée de trésorerie en remboursant sans nécessité un emprunt, et non pas du refus de permis de construire ;
- le refus de permis de construire opposé à l'EURL en juillet 2008 est sans lien direct et certain avec la renégociation du prêt contracté auprès de la banque KUTXA, qui est uniquement imputable à des choix de gestion faits par l'EURL Tesa ;
- en conservant la propriété de la parcelle AC 155 après le refus de permis de construire, et en laissant dépasser la date butoir pour le paiement des droits d'enregistrement, l'EURL a fait un choix de gestion dont la commune ne saurait être tenue responsable ; elle ne justifie d'ailleurs pas du versement de la somme de 3431,47 euros réclamée à ce titre ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL Tesa a acquis en 2005 une parcelle cadastrée à Hendaye section AC n° 90 d'une superficie de 1 140 m². Cette parcelle a fait l'objet d'une division pour constituer la parcelle cadastrée AC n° 154 sur laquelle se trouve un immeuble, et la parcelle cadastrée AC n° 155 d'une superficie de 650 m². Le 2 août 2007, l'EURL Tesa a obtenu un permis de construire pour procéder à la rénovation de la construction existante sur la parcelle AC 154 en six appartements. Le 14 mars 2008, l'EURL Tesa a sollicité un permis de construire pour édifier un bâtiment comprenant huit logements sur la parcelle AC 155. Par arrêté du 7 juillet 2008, le maire de la commune d'Hendaye a refusé de délivrer à l'EURL Tesa le permis de construire sollicité. Par un jugement n° 0801944 en date du 15 juin 2010, le tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté au motif que le maire avait commis une erreur d'appréciation en considérant que le projet de la société portait atteinte au caractère des lieux avoisinants, et a enjoint au maire de procéder au réexamen de la demande de permis de construire. Par arrêté du 8 juillet 2010, le maire a délivré le permis de construire. L'EURL Tesa a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune d'Hendaye à lui verser la somme de 1 150 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices consécutifs au refus illégal de permis de construire en date du 7 juillet 2008. Par un jugement n° 1200818 du 14 octobre 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. L'EURL Tesa relève appel de ce jugement.
Sur la responsabilité :
2. Si le refus irrégulier de permis de construire constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune, il n'ouvre cependant droit à indemnité que dans la mesure où le requérant justifie d'un dommage actuel, direct et certain. La perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation. Il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, telles que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain. Il est fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette opération.
3. L'EURL Tesa fait valoir en premier lieu qu'elle a subi un préjudice lié à la perte de valeur vénale de la parcelle AC 155, qu'elle aurait pu céder pour un montant de 351 000 euros en 2008 alors qu'elle ne l'a vendue qu'au prix de 220 000 euros en 2011. Toutefois et d'une part, la requérante ne produit aucun élément probant permettant de justifier du prix du terrain nu avec droits à construire qu'elle avance pour l'année 2008. D'autre part, elle ne démontre pas qu'en cédant le bien en 2008 ou 2009, elle aurait pu dégager une plus-value plus importante que celle finalement réalisée après la vente de la parcelle en 2011.
4. Si l'EURL Tesa soutient en deuxième lieu qu'elle a également subi un préjudice du fait d'un manque à gagner sur la vente de deux des appartements de l'immeuble situé sur la parcelle voisine AC n° 154, dont la rénovation devait être réalisée avec le produit de la vente du terrain d'assiette du projet ayant fait l'objet du refus de permis de construire de la parcelle AC n° 155, elle n'établit pas, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, que les plus-values qui auraient résulté de ces cessions auraient été plus élevées que celles qu'elle a effectivement dégagées les 18 août et 26 septembre 2011.
5. L'EURL Tesa demande en troisième lieu le remboursement d'une somme de 571 euros correspondant aux frais de renégociation de l'emprunt souscrit le 19 juillet 2007, ainsi que d'une somme de 45 317 euros représentant les intérêts de cet emprunt souscrit auprès de la banque Kutxa. Il résulte de l'instruction que l'EURL Tesa a souscrit l'emprunt en question d'un montant de 420 000 euros auprès la Banque Kutxa le 19 juillet 2007, avant même le dépôt de la demande de permis de construire litigieux, le 14 mars 2008. Ce prêt était destiné, selon les écritures de la requérante, à liquider un précédent prêt utilisé pour l'achat de la parcelle AC 90 pour un montant de 235 400 euros et à financer les travaux de rénovation de l'immeuble situé sur la parcelle AC 154 pour un montant de 165 000 euros. La commune d'Hendaye relève dans ses écritures en défense, sans être contestée sur ce point, qu'aucune clause du contrat de prêt avec la banque Kutxa ne prévoyait le remboursement anticipé d'une somme de 200 000 euros tel que consenti par l'EURL Tesa. En outre, il résulte de l'instruction que l'EURL Tesa a pu vendre, au cours des années 2008 et 2009, trois appartements de l'immeuble situé sur la parcelle AC 154 pour un montant de 361 500 euros, et il n'est pas démontré que cette somme n'aurait pas pu être utilisée pour financer les travaux de rénovation des trois derniers appartements de cet immeuble. Compte tenu de ces éléments, l'EURL Tesa ne démontre pas que les frais de renégociation du prêt et le paiement des intérêts de cet emprunt seraient liés au refus de permis de construire illégal du 7 juillet 2008.
6. L'EURL Tesa soutient enfin que le terrain n'ayant pu être revendu dans le délai de quatre ans, elle a dû payer les droits d'enregistrement à hauteur de 3 431,47 euros. Toutefois, et d'une part, l'EURL Tesa ne démontre pas avoir acquitté cette somme et d'autre part, elle n'établit pas que la vente de la parcelle AC 155 ne pouvait être réalisée qu'après l'obtention d'un permis de construire. Par suite, le préjudice invoqué, qui résulte de décisions de gestion, n'est pas en lien direct avec le refus de permis de construire annulé.
7. Il résulte de ce qui précède que l'EURL Tesa n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Hendaye, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'EURL Tesa demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'EURL Tesa une somme de 1 500 euros au profit de la commune d'Hendaye au titre de ces mêmes frais.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'EURL Tesa est rejetée.
Article 2 : L'EURL Tesa versera à la commune d'Hendaye une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Tesa et à la commune d'Hendaye.
Délibéré après l'audience du 23 février 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 mars 2017.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne à la ministre du logement et de l'habitat durable, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 15BX00295