Procédure devant la cour :
I - Par une requête, enregistrée le 16 février 2016 sous le n° 16BX00640, la communauté d'agglomération du sud Basse-Terre, représentée par MeA..., demande au juge d'appel des référés :
1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de la Guadeloupe du 1er février 2016 ;
2°) de rejeter les demandes du syndicat intercommunal d'alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe ;
3°) de condamner le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens.
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II - Par une requête, enregistrée le 18 février 2016 sous le n° 16BX00677, la communauté d'agglomération du sud Basse-Terre (CASBT), représentée par MeA..., demande au juge d'appel des référés :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-16 du code de justice administrative, le sursis à exécution de l'ordonnance du 1er février 2016 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe l'a condamnée à verser au syndicat intercommunal d'alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe une provision de 3 464 368,72 euros ;
2°) de condamner le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe à lui verser la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens.
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Vu :
- l'ordonnance attaquée ;
- les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné M. Philippe Pouzoulet, président de chambre, comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes enregistrées sous les numéros 16BX00640 et 16BX00677 ont trait à la même ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
2. Le SIAEAG est un syndicat intercommunal chargé de la distribution de l'eau dans les communes adhérentes. A partir du 1er janvier 2014, les communes de Capesterre-Belle-Eau, Terre-de-Haut et Terre-de-Bas ont cessé d'être adhérentes au syndicat et sont devenues membres de la communauté d'agglomération du sud Basse-Terre (CASBT) elle-même compétente en ce qui concerne la distribution de l'eau à ses membres. Le syndicat et la communauté d'agglomération se sont trouvés en conflit sur les modalités du transfert des biens meubles et immeubles consécutif au retrait des trois communes du syndicat. Le syndicat a toutefois assuré la continuité de l'approvisionnement en eau de ces dernières en dépit du défaut de conclusion d'une convention provisoire avec la CASBT. La CASBT a néanmoins refusé de régler les factures présentées par le syndicat correspondant à cette fourniture. La communauté d'agglomération relève appel de l'ordonnance du 1er février 2016 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe l'a condamnée à verser au SIAEAG une provision de 3 464 368,72 euros. Par requête distincte, elle demande également le sursis à exécution de cette ordonnance.
Sur la demande de provision :
3. Aux termes des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ".
4. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.
En ce qui concerne le fondement de la demande de provision et la responsabilité quasi-contractuelle de la CASBT :
5. En cas de nullité d'un contrat ou en l'absence de contrat, un fournisseur peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé. Les fautes éventuellement commises par l'intéressé sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si elles ont été de nature à vicier le consentement de l'administration, ce qui fait obstacle à l'exercice d'une telle action.
6. Ainsi qu'il vient d'être rappelé, il est constant que le SIAEAG et la CASBT n'ont pu conclure aucun contrat, même à titre provisoire, fixant les conditions de la fourniture d'eau en gros aux communes de Capesterre-Belle-Eau, Terre-de-Haut et Terre-de-Bas à partir du 1er janvier 2014. Il est encore constant que le syndicat a néanmoins assuré la continuité de la fourniture en eau des trois communes depuis leur retrait du syndicat.
7. De plus, il résulte de l'instruction qu'une procédure engagée à l'initiative du SIAEAG et tendant à faire inscrire sa créance en dépense obligatoire de la CASBT n'a pas pu aboutir en l'absence de détermination du prix de l'eau fournie et par conséquent de l'impossibilité de liquider le montant définitif de la créance du syndicat. La CASBT n'est donc pas fondée à soutenir que le SIAEAG ne pourrait pas invoquer l'enrichissement sans cause que lui a procuré la livraison de l'eau en vue pour ce dernier d'obtenir le versement d'une provision dans l'attente de la fixation définitive du montant de sa créance et que le syndicat aurait retiré un intérêt personnel en continuant d'assurer l'approvisionnement susmentionné pourtant nécessaire à quelque 20 000 habitants.
8. La CASBT ne saurait pas davantage utilement invoquer l'absence d'accord avec le syndicat sur le transfert des biens et meubles consécutif au retrait des communes susmentionnées du syndicat pour s'opposer au paiement des sommes dues au syndicat en contrepartie de l'eau que ce dernier a continué de fournir à ces dernières, ni se prévaloir d'une créance distincte qu'elle détiendrait sur le syndicat, au demeurant non établie dans son existence et son montant.
9. Par suite, le SIAEAG est fondé à demander à la CASBT, qui a bénéficié de cet approvisionnement sans le payer, le remboursement de ses livraisons non seulement utiles mais indispensables à la population résidant sur une partie du territoire où la communauté d'agglomération a la responsabilité de l'approvisionnement en eau.
En ce qui concerne le caractère non contestable de l'obligation :
10. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les factures et relevés produits par le SIAEAG apportent la preuve de fournitures d'eau en gros aux communes de Capesterre-Belle-Eau et Trois-Rivières sans faire mention des communes de Terre-de-Haut et Terre-de-Bas. Dès lors, il convient de ne retenir que les seules livraisons d'eau réalisées pour la commune de Capesterre-Belle-Eau. Pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2014, le syndicat a fourni 1 026 626 m3, pour la période de janvier à mars 2014, 1 009 650 m3, pour la période de mars à juin 2014 et 1 031 471 m3 pour la période de juillet à septembre 2014, soit au total 3 067 747 m3 d'eau de janvier à septembre 2014. Pour la période du 1er octobre 2014 au 31 octobre 2015, et compte tenu des relevés de compteurs produits par le syndicat, ce dernier justifie d'une livraison d'eau à la commune de Capesterre-Belle-Eau de 5 345 253 m3. Par suite, il n'est pas sérieusement contestable que le SIAEAG a livré à la CASBT, pour l'alimentation de la commune de Capesterre-Belle-Eau, 8 413 000 m3 d'eau en gros.
11. La CASBT ne peut pas opposer au syndicat le fait que seulement 40 % de l'eau fournie par ce dernier est réellement distribuée au consommateur du fait d'un défaut d'entretien du réseau dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il soit imputable au syndicat.
12. En second lieu, c'est par une juste appréciation que le premier juge, en l'absence de certitude sur le prix exact de l'eau ainsi fournie, a fixé le montant des dépenses utiles à la CASBT exposées par le syndicat sur la base de 0,35 euros par m3, ce qui correspond à un coût proche du tarif établi pour la vente d'eau en gros par l'avenant au contrat d'affermage conclu par le SIAEAG le 5 février 2003 avec son fermier et par conséquent à un prix minimum non contestable. Par suite, compte tenu d'un volume d'eau livré de 8 413 000 m3, le montant des dépenses du SIAEAG utiles à la CASBT s'élève au moins à un montant non sérieusement contestable de 2 944 550 euros.
13. Enfin, il n'est pas contesté que le SIAEAG peut facturer à la CASBT des taxes et redevances collectées auprès des personnes bénéficiaires des livraisons d'eau en gros : la redevance pour la préservation des ressources en eau, de 0,042 euros par m3 et qui se monte à 353 346 euros, l'octroi de mer au taux de 1 %, d'un montant de 32 979 euros et les droits de taxe sur la valeur ajoutée, au taux de 2,1 %, d'un montant de 69 256 euros.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la CASBT est seulement fondée à demander que le montant de la provision allouée au SIAEAG soit ramené à la somme de 3 400 131 euros.
Sur les conclusions à fin de sursis :
15. La présente ordonnance, qui statue sur la requête de la CASBT à fin d'annulation de l'ordonnance du 1er février 2016, rend sans objet les conclusions de la communauté d'agglomération à fin de sursis à exécution de cette ordonnance.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE
Article 1er : Le montant de la provision que la communauté d'agglomération du sud Basse-Terre versera au syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe est ramené de 3 464 368,72 euros à 3 400 131 euros.
Article 2 : L'ordonnance n° 1500874 du 1er février 2016 du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 16BX00677 de la communauté d'agglomération du sud Basse-Terre.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la communauté d'agglomération du sud Basse-Terre et les conclusions du syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
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N° 16BX00640,16BX00677