Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 juillet 2019 et des mémoires enregistrés les 3 et 19 septembre 2019 et le 10 juin 2021, Mme A..., représentée par Me Sadek, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner le CHU de Toulouse à lui verser une indemnité de 10 000 euros pour manquement à son devoir d'information ;
3°) d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale au contradictoire de l'ONIAM ;
4°) à titre principal, de condamner le CHU de Toulouse à lui verser une provision de 100 000 euros et de mettre à la charge de cet établissement une somme de 3 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, et à titre subsidiaire de condamner l'ONIAM à lui verser une provision de 100 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices et de mettre à sa charge les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement n'a pas statué sur sa demande d'expertise ;
- alors qu'il est recommandé d'éviter toute décision thérapeutique susceptible de déclencher une aggravation clinique et que trois options étaient possibles, dont l'abstention thérapeutique, le médecin s'est montré très optimiste lors d'une unique consultation le 3 novembre 2011 et a fixé l'intervention pourtant non urgente au 29 novembre ; elle n'a été informée ni des risques fréquents ou graves normalement prévisibles de l'embolisation, ni des alternatives thérapeutiques, ni du risque de majoration de son déficit hémicorporel, ni de la difficulté de l'intervention du fait de la malformation, mais seulement de l'intérêt de l'intervention au regard des risques de récidives hémorragiques ; si elle avait été mieux informée, elle aurait soit choisi une alternative thérapeutique moins risquée, soit renoncé à toute intervention ; le courrier du 3 novembre 2011 qui lui a été adressé en copie est rédigé en termes scientifiques qu'elle ne pouvait comprendre ; le CHU ne démontre pas la teneur exacte de l'information délivrée lors de l'entretien ; les premiers juges ont renversé la charge de la preuve en se fondant sur la parole du médecin pour estimer qu'il avait satisfait à son obligation d'information ; elle sollicite une somme de 10 000 euros au titre du préjudice subi du fait du manquement du CHU à son obligation d'information ;
- l'expert a précisé qu'en cas de reflux, le micro-cathéter doit être retiré immédiatement, et qu'à défaut il doit être laissé en place, mais n'a expliqué ni les causes du reflux, ni pourquoi le médecin n'a pas retiré immédiatement le micro-cathéter ; l'absence de retrait immédiat du micro-cathéter est ainsi constitutive d'une faute à l'origine d'une aggravation significative, et non modérée, de son déficit hémicorporel ;
- une nouvelle expertise est nécessaire afin de préciser la part de l'aggravation de son état de santé en lien avec la complication fautive ; elle s'interroge sur l'impartialité et l'objectivité de l'expert qui n'a retenu aucun défaut d'information ni aucune faute du médecin et n'a pas apprécié à leur juste mesure les différents postes de préjudice ; de plus, l'expertise n'a pas été réalisée au contradictoire de l'ONIAM alors que l'expert retient un accident médical non fautif pouvant relever de la solidarité nationale ;
- dès lors que l'aggravation de l'hémiparésie est attribuable à la complication de l'embolisation, elle est fondée à demander la condamnation du CHU de Toulouse à lui verser une provision de 100 000 euros sur le fondement de la responsabilité pour faute ; les conclusions du bilan vasculaire des membres inférieurs réalisé le 28 octobre 2014 démontrent que, contrairement à ce qu'a retenu l'expert, l'occlusion de l'artère iliaque externe droite est en lien avec l'embolisation réalisée en 2011 ; le tribunal ne pouvait ainsi retenir l'avis de l'expert selon lequel cette occlusion serait sans lien avec ce geste, mais devait faire droit à sa demande d'expertise ;
- à titre subsidiaire, l'intervention du 29 novembre 2011 a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles elle était exposée de façon suffisamment probable en l'absence d'intervention ; la probabilité du dommage de 5 à 6 % était particulièrement faible ; au demeurant, l'intervention n'était ni urgente, ni vitale, de sorte qu'il n'y a pas lieu de tenir compte de la fréquence du risque de complication ; eu égard à l'amélioration de son état de santé au moment de l'intervention et à son aggravation ultérieure, les critères de gravité ouvrant droit à une indemnisation par l'ONIAM sont remplis.
Par des mémoires en défense enregistrés le 21 août 2019 et le 20 mai 2021, le CHU de Toulouse, représenté par la SELARL Montazeau et Cara, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- comme l'a indiqué l'expert, les risques de l'intervention ont été expliqués à la patiente et à sa famille lors de la consultation du 3 novembre 2011 rapportée dans le courrier du même jour ; au demeurant, Mme A... n'avait aucune possibilité raisonnable de se soustraire au geste endo-vasculaire compte tenu des risques de récidive d'accident vasculaire cérébral auxquels sa pathologie l'exposait ;
- c'est à bon droit que le tribunal n'a retenu aucune faute dans la réalisation de l'acte médical ;
- l'expertise réalisée par un neurochirurgien, assortie d'une bibliographie, est suffisante pour permettre à la cour de se prononcer ; elle a pu être utilement discutée par l'ONIAM, et Mme A... a été assistée par son conseil et entendue par l'expert qui a analysé le dossier médical ; ainsi, une nouvelle expertise serait inutile.
Par un mémoire enregistré le 29 août 2019, l'ONIAM, représenté par la SELARL Birot, Ravaut et Associés, conclut à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire à l'organisation d'une expertise.
Il fait valoir que :
- en l'absence d'intervention, la malformation artérioveineuse profonde présentée par Mme A... l'exposait à un risque majeur de récidive hémorragique pouvant engager son pronostic vital ; la majoration modérée du déficit neurologique en lien avec la complication n'est pas notablement plus grave que les risques auxquels la patiente était exposée en l'absence d'intervention ; en outre, la fréquence de la complication, estimée entre 5 et 6 %, ne peut être regardée comme faible ;
- il n'est pas établi que l'occlusion de l'artère iliaque droite mise en évidence le 28 octobre 2014 serait imputable à l'intervention d'embolisation du 29 novembre 2011 dès lors que l'hypothèse évoquée par un médecin dans un courrier du 28 octobre 2014 a été contredite par un autre médecin le 17 novembre 2014, ainsi que par l'expert ;
- à titre subsidiaire, si la cour s'estimait insuffisamment informée, une nouvelle expertise devrait être réalisée à son contradictoire.
Par un mémoire enregistré le 2 septembre 2019, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne, représentée par la SCP Vinsonneau-Paliès, Noy, Gauer et Associés, demande à la cour de réserver ses droits dans l'attente de la réalisation de l'expertise sollicitée par Mme A....
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Montamat, représentant le centre hospitalier universitaire de Toulouse et de Me Poissonnet, représentant l'ONIAM.
Considérant ce qui suit :
1. Le 5 janvier 2011, Mme A..., alors âgée de 50 ans, a présenté un accident vasculaire cérébral (AVC) à l'origine d'un déficit hémicorporel droit avec diminution de l'élévation antérieure du bras, difficultés à la station debout et dysarthrie. Le 11 avril suivant, elle a été admise en état de coma au service des urgences de l'hôpital Purpan relevant du CHU de Toulouse après un malaise survenu dans la salle d'attente de son médecin qu'elle était venue consulter pour des céphalées. Des scanners ont montré un hématome thalamo-pédonculaire gauche et un début d'hydrocéphalie par augmentation de la taille des ventricules, sans qu'il soit possible d'identifier l'origine du saignement, et une sonde de dérivation ventriculaire a été mise en place dans la soirée du 11 avril. La patiente a été prise en charge dans le service de neurologie où l'évolution a été lentement favorable après un sevrage ventilatoire difficile. Le 2 mai 2011, Mme A..., qui était alors parfaitement vigile et présentait une discrète hémiparésie droite à prédominance brachio-faciale, une hypoesthésie polymodale de l'hémicorps gauche avec trouble proprioperceptif, quelques douleurs neurogènes de l'hémicorps droit et une paralysie complète de l'élévation du regard, a été transférée dans le service de neurologie vasculaire jusqu'au 25 mai 2011, date à laquelle elle a quitté l'hôpital pour une rééducation dans une clinique. Une artériographie à visée diagnostique réalisée le 31 août 2011 dans le service de neurologie vasculaire du CHU de Toulouse a permis d'identifier une micro-malformation artério-veineuse profonde rompue, à l'origine de l'hémorragie cérébrale du 11 avril. Après une réunion multidisciplinaire de neurologie vasculaire, il a été décidé, compte tenu d'un risque important de récidive hémorragique et malgré la difficulté liée à la petite taille de la malformation et des artères afférentes, de tenter une embolisation. Cette intervention, réalisée le 29 novembre 2011, a permis de réduire la taille de la malformation, dont le résidu a été ultérieurement traité avec succès. Toutefois, un micro-cathéter " collé " par un reflux du liquide d'embolisation a été responsable d'une lésion ischémique du pédoncule cérébral gauche, à l'origine d'une majoration du déficit neurologique constatée dans les suites immédiates de l'intervention. Le 25 juin 2015, Mme A... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI) de la région Midi-Pyrénées, laquelle a ordonné une expertise dont le rapport a été remis le 16 mars 2016, puis a rendu un avis du 11 mai 2016 selon lequel l'aggravation du déficit neurologique n'était pas en lien avec une faute médicale, et ne pouvait ouvrir droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale dès lors qu'elle n'était pas notablement plus grave que les conséquences auxquelles la patiente était exposée par sa pathologie en l'absence de traitement. Après le rejet de sa réclamation préalable par le CHU de Toulouse, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner cet établissement à lui verser une indemnité de 10 000 euros pour manquement à son devoir d'information, d'ordonner une expertise médicale au contradictoire de l'ONIAM, et de condamner à titre principal le CHU de Toulouse et à titre subsidiaire l'ONIAM à lui verser une provision de 100 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses autres préjudices. Elle relève appel du jugement du 18 avril 2019 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Comme le fait valoir Mme A..., le tribunal a omis de statuer sur ses conclusions tendant à l'organisation d'une nouvelle expertise au contradictoire de l'ONIAM. Le jugement est ainsi irrégulier, et il y a lieu pour la cour de statuer par la voie de l'évocation sur les demandes de la requérante.
Sur les conclusions dirigées contre le CHU de Toulouse au titre de son obligation d'information :
3. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (...) ". Il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence.
4. En cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question.
5. Par une lettre adressée le 3 novembre 2011 à d'autres médecins, avec copie à Mme A..., le neurologue a rendu compte de l'information dispensée le même jour lors d'une consultation. Il a indiqué avoir rappelé la décision prise en réunion multidisciplinaire de proposer un traitement neurovasculaire de la malformation artérioveineuse " qui fait statistiquement courir un risque de récidive hémorragique de plus de 30 % pour un an ", avoir longuement rediscuté avec Mme A... et sa famille des risques de l'évolution naturelle d'une telle malformation et des principes et risques du traitement, et avoir expliqué qu'il allait tenter de réaliser une première séance d'embolisation dans le but de guérir complètement cette malformation, l'alternative étant la radiochirurgie qui fait courir un risque de récidive hémorragique. Cette lettre établit que Mme A... a reçu une information suffisante au sens des dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique. Au surplus, selon les références non critiquées mentionnées par l'expert de la CCI, la complication survenue lors de l'intervention du 29 novembre 2011 se produit dans 5 à 6 % des procédures d'embolisation. Dans ces circonstances, il résulte de l'instruction que, compte tenu de l'évolution prévisible de son état de santé en l'absence d'intervention et faute d'alternative thérapeutique moins risquée, Mme A... aurait consenti à l'embolisation si elle avait été informée de la nature et de l'importance du risque qui s'est réalisé.
Sur la demande d'expertise :
6. En premier lieu, ni le fait que l'expertise ordonnée par la CCI n'a pas été réalisée au contradictoire de l'ONIAM, ni les " interrogations " exprimées par Mme A... sur l'impartialité de l'expert, qui reposent uniquement sur le fait qu'il n'a retenu ni faute médicale, ni défaut d'information, ne font obstacle à l'utilisation par le juge des éléments d'informations non contestés par les parties contenus dans cette expertise.
7. En second lieu, aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'entre elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision ". Il appartient au demandeur qui engage une action en responsabilité à l'encontre de l'administration d'apporter tous éléments de nature à établir devant le juge l'existence d'une faute et la réalité du préjudice subi. Il incombe alors, en principe, au juge de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation. Il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile.
8. Le compte-rendu de l'intervention d'embolisation indique que la petite malformation artérioveineuse profonde était alimentée par une artère choroïdienne postéro-médiane sur laquelle un cathéter a été posé, qu'un reflux très important du liquide d'embolisation a imposé l'arrêt de l'injection et empêché le retrait du cathéter, lequel a été " coupé en place et laissé à la peau ", et que l'injection a ensuite été reprise avec un second cathétérisme sur une ponction fémorale controlatérale. L'expertise expose que le traitement endovasculaire des malformations artérioveineuses se fait par injection sélective d'un agent d'embolisation liquidienne se polymérisant rapidement au contact du sang, entraînant une solidification du produit injecté et l'occlusion des vaisseaux anormaux, que le reflux de ce liquide vers l'extrémité du micro-cathéter est une complication connue de l'embolisation, que le cathéter doit alors être immédiatement retiré car lorsqu'il est encollé à l'intérieur de l'artère, son retrait peut conduire à la déchirure d'un vaisseau, et qu'il est recommandé, en cas d'encollage, de sectionner le cathéter et de le laisser en place, son petit diamètre et son caractère biocompatible aboutissant rarement à des complications thrombotiques. Si Mme A... fait valoir que l'expert n'a expliqué ni les causes du reflux, ni pourquoi le médecin n'a pas retiré immédiatement le micro-cathéter, l'expertise présente le reflux avec encollage du cathéter comme un aléa connu et rapporté par la littérature, et il résulte du compte rendu de l'intervention que le retrait du cathéter a été rendu impossible du fait de l'importance du reflux. Par suite, le dossier comporte des éléments d'information suffisants pour statuer sur le caractère fautif ou non de la complication, et une seconde expertise sur ce point n'apparaît pas nécessaire.
Sur la responsabilité du CHU de Toulouse :
9. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...). "
10. Il résulte de l'instruction, notamment du compte rendu de l'intervention du 29 novembre 2011 et d'une note de synthèse du 5 décembre 2011 figurant au dossier médical, que la complication ischémique à l'origine de la majoration des séquelles de Mme A... a pour origine l'importance et la rapidité du reflux du liquide d'embolisation sur le cathéter qui s'est trouvé " collé ". Le cathéter, dont le compte rendu opératoire indique qu'il était impossible de le retirer, a été coupé et laissé en place conformément aux recommandations dans le cas où il ne peut être retiré immédiatement, et un traitement a été mis en place pour limiter les risques thrombogènes de ce matériel, lequel n'a provoqué aucune complication thrombolique. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à invoquer la responsabilité pour faute du CHU de Toulouse à raison de l'absence de retrait immédiat du cathéter.
Sur le droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale :
11. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire ". L'article D. 1142-1 du même code définit le seuil de gravité prévu par ces dispositions législatives.
12. Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.
13. Les pièces du dossier médical font apparaître que la malformation profonde à drainage veineux profond, qui avait été rompue lors du saignement du 11 avril 2011, présentait un risque statistique de récidive hémorragique de 30 % par an. Eu égard à la gravité de ce premier AVC hémorragique, une récidive aurait exposé la patiente à un risque d'aggravation considérable de ses séquelles, voire de décès. Par suite, l'accident ischémique survenu le 29 novembre 2011, à l'origine d'une aggravation de 30 % de l'hémiparésie droite déjà présente et d'un hémi-syndrome cérébelleux cinétique droit limité à une hypermétrie, n'a pas eu de conséquences notablement plus graves que celles auxquelles Mme A... était exposée de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. En outre, il résulte des références non contestées invoquées par l'expert que l'aléa thérapeutique à l'origine du dommage avait une probabilité de 5 à 6 %, laquelle ne peut être regardée comme faible. Par suite, les conditions pour une indemnisation par la solidarité nationale ne sont pas remplies, et Mme A... ne peut utilement faire valoir que les séquelles atteindraient le seuil de gravité qui est également requis.
14. Si le praticien ayant réalisé le 22 octobre 2014 un échodoppler artériel des membres inférieurs a conclu à " une occlusion de l'artère iliaque externe droite descendant sur la fémorale commune droite pouvant correspondre à une complication lors de la voie d'abord en 2011 pour l'embolisation de la malformation artério-veineuse fémorale ", cette hypothèse non étayée est contredite par un autre médecin précisant qu'une artériographie a été réalisée sans difficulté en 2012 avec un accès fémoral droit. Le rapport d'expertise de la CCI a expliqué cette occlusion par une complication d'une maladie athéromateuse favorisée par des facteurs prédisposants tels qu'un diabète non insulinodépendant ancien mal équilibré, un surpoids, une dyslipidémie et une hypertension artérielle. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise sur ce point, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'aggravation de son préjudice par une claudication douloureuse en 2014 serait en lien avec le geste chirurgical de 2011, ni que celui-ci aurait eu des conséquences anormales au sens des dispositions précitées.
15. Il résulte de tout ce qui précède que les demandes de Mme A... doivent être rejetées.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
16. Mme A..., qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par le CHU de Toulouse à l'occasion du présent litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1703014 du 18 avril 2019 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par Mme A... devant le tribunal et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions présentées par le CHU de Toulouse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... épouse A..., au centre hospitalier universitaire de Toulouse, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 novembre 2021.
La rapporteure,
Anne B...
La présidente,
Catherine GiraultLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02509