Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 février 2019 et un mémoire enregistré
le 7 novembre 2019, M. C..., représenté par la SELARL Cazals, Rudebeck, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de condamner solidairement le centre hospitalier de Cahors
et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser une somme
de 100 264,26 euros, ou à titre subsidiaire de les condamner à lui verser une provision
de 30 000 euros et d'ordonner un complément d'expertise sur la part d'imputabilité
de ses préjudices à sa contamination par le VHC ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Cahors les dépens incluant les frais d'expertise de 1 602 euros, ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'expert a estimé que l'origine la plus probable de sa contamination par le virus
de l'hépatite C était son séjour à l'hôpital en décembre 2007 dans sa globalité, incluant notamment les prélèvements de sang et les perfusions ; il a écarté les hypothèses d'une contamination par " toxicomanie, tatouage, piercing " et par les soins dentaires très légers,
et a indiqué que le risque de contamination sexuelle était très faible, de l'ordre de 3 % ; il a estimé que l'absence de symptôme durant les cinq années précédant la découverte de la sérologie positive était en faveur d'une contamination possible à la période de l'hospitalisation ;
c'est ainsi à tort que les premiers juges n'ont pas retenu le caractère nosocomial de sa contamination ;
- il sollicite les sommes de 2 001,76 euros au titre des frais divers, de 50 000 euros au titre des souffrances endurées, de 7 262,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 5 000 euros au titre du préjudice sexuel temporaire, de 16 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et de 20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, le tout étant entièrement imputable à sa contamination par le VHC ;
- à titre subsidiaire, si la cour ne s'estimait pas suffisamment informée sur l'imputabilité des séquelles à sa contamination par le VHC ou à son état antérieur caractérisé par un syndrome dysmétabolique, il sollicite un complément d'expertise à confier au même expert, et la condamnation solidaire du centre hospitalier de Cahors et de la SHAM à lui verser une provision de 30 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2019, le centre hospitalier de Cahors et la SHAM, représentés par Me Le Prado, concluent au rejet de la requête.
Ils font valoir que :
- M. C..., qui s'est borné en première instance à mettre en cause le centre hospitalier, n'est pas recevable à diriger des conclusions contre la SHAM pour la première fois en appel ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande dès lors que le caractère nosocomial de la contamination par le VHC n'est pas établi ;
- à titre subsidiaire, les demandes indemnitaires sont excessives et il conviendrait d'appliquer aux préjudices le ratio d'un tiers d'imputabilité retenu par les experts, qui ont estimé que deux tiers des préjudices résultaient d'un syndrome métabolique antérieur ;
- la demande d'une troisième expertise n'est pas justifiée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Poultier, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., pris en charge au centre hospitalier de Cahors du 12 au
18 décembre 2007 pour une hémorragie digestive haute avec mélénas, a reçu quatre culots de concentrés de globules rouges et a subi une endoscopie œsogastrique. Le 24 janvier 2012, une sérologie positive au virus de l'hépatite C (VHC) de génotype 1b a été découverte fortuitement lors d'un bilan biologique systématique. Des examens complémentaires ont mis en évidence une fibrose hépatique importante (F4), une activité nécrotico-inflammatoire moyenne (A3) et une stéatose modérée à marquée (S2-S3). Les traitements par trithérapie puis par bithérapie, suivis du 12 mars 2012 au 11 mars 2013, qui ont eu d'importants effets secondaires, ont permis d'éradiquer la charge virale. A la demande de M. C..., le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a ordonné deux expertises par ordonnances des 3 janvier 2013
et 22 juin 2015, la première sur les causes de la contamination et la seconde sur les préjudices après consolidation, dont les rapports ont été déposés respectivement le 8 juillet 2014 et
le 5 mars 2016. Après le rejet implicite de sa réclamation préalable par le centre hospitalier
de Cahors, M. C..., attribuant sa contamination par le VHC aux soins reçus en
décembre 2007 dans cet établissement, a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande de condamnation du centre hospitalier à l'indemniser de ses préjudices. Il relève appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal a rejeté cette demande.
2. Aux termes du second alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, les professionnels de santé et les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins " sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ". Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.
3. Dès lors qu'il a été établi que les culots de sang transfusés en décembre 2007 émanaient de quatre donneurs dont la sérologie au VHC était négative, l'hypothèse d'une contamination transfusionnelle peut être exclue, ce qui n'est pas contesté. L'expert a écarté comme très peu probable une éventuelle contamination lors de l'endoscopie œsogastrique dès lors qu'à l'exception d'un seul, qui n'a pu être retrouvé, tous les patients ayant subi une endoscopie avant M. C... avaient été trouvés négatifs au VHC, et que les procédures de nettoyage des endoscopes avaient été renforcées à la fin des années 1990. Il a souligné que l'origine des contaminations par le VHC pouvait rester inconnue dans la mesure où il est impossible de retracer toutes les causes possibles dans la vie personnelle des patients. Ces causes peuvent être très diverses, notamment des relations sexuelles non protégées, des soins médicaux ou dentaires lorsqu'un professionnel de santé s'est trouvé accidentellement contaminé par une effusion de sang, le partage de matériel en contact avec le sang d'une personne infectée (ciseaux, coupe-ongles, pince à épiler...), et dans environ 10 % des cas, aucun facteur n'est retrouvé, l'hépatite C étant alors qualifiée de " sporadique ". En l'espèce, l'expert a relevé que M. C... avait reçu des soins dentaires légers après 2007, qu'il avait eu entre 2007 et 2012 différentes partenaires non testées au VHC, et qu'une origine inconnue était toujours possible. Sa conclusion selon laquelle l'origine la plus probable serait une contamination durant la période d'hospitalisation en décembre 2007 " du fait des prélèvements de sang, des perfusions [et] du séjour en milieu hospitalier " ne repose sur aucun argument tendant à démontrer que la probabilité d'une contamination accidentelle à l'occasion des soins autres que l'endoscopie serait supérieure à celle, évaluée à 3 %, d'une contamination sexuelle. En outre, en l'absence de contrôle relatif au VHC entre les constats d'une sérologie négative en octobre 2005 et la découverte d'une sérologie positive en janvier 2012, l'hypothèse d'une contamination à tout moment entre ces deux examens biologiques ne peut être exclue, de sorte que l'argument de l'expert selon lequel la contamination serait survenue après l'hospitalisation litigieuse ne peut être retenu. Dans ces circonstances, l'existence d'un lien de causalité entre les soins dispensés au centre hospitalier de Cahors en décembre 2007 et la contamination par le VHC ne peut être regardée comme établie.
4. Dès lors que la responsabilité du centre hospitalier de Cahors n'est pas engagée, les conclusions subsidiaires de M. C... tendant à l'organisation d'un complément d'expertise afin d'évaluer la part de l'imputabilité des séquelles dont il reste atteint à sa contamination par le VHC et au versement d'une provision ne peuvent qu'être rejetées.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir partielle opposée en défense, que la requête de M. C... doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au centre hospitalier de Cahors, à la société hospitalière d'assurances mutuelles, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 31 août 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2021.
La rapporteure,
Anne A...
La présidente,
Catherine GiraultLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00669