Par un jugement n° 1605897 du 30 octobre 2018, le tribunal a annulé la décision
du 7 juillet, ainsi que la décision expresse de rejet du recours gracieux du 21 novembre 2016,
et supprimé le passage en cause.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 janvier 2019, le CH de Comminges-Pyrénées, représenté par Me M..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les demandes de Mme J... ;
3°) de mettre à la charge de Mme J... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu à l'ensemble des moyens qu'il avait développés ;
- le jugement " est affecté d'une motivation qui est allée à certains égards au-delà de ce qui ressortait des échanges entre les parties " ;
- le jugement n'a pas été signé, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- dès lors qu'il avait démontré le caractère abusif et dilatoire du recours, c'est à tort que les premiers juges, par une motivation lapidaire, ont écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme J... ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, toute affection, malaise ou souffrance durant le service ne peut être regardée comme imputable au service ; le régime de présomption d'imputabilité institué par l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 n'était pas applicable au moment des faits ; il ne peut lui être imposé de démontrer que Mme J... se serait blessée en-dehors du service ; dès lors que ni le lieu et l'heure de l'accident, ni l'activité exercée au moment de l'accident ne sont établis, au vu des contradictions dans les récits successifs de l'intéressée et de l'absence de témoins, c'est à tort que le tribunal a retenu un lien de causalité entre la lombosciatique et le service ;
- c'est aussi à tort que les premiers juges se sont référés à l'avis favorable de la commission de réforme, qui ne liait pas l'autorité administrative.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2019, Mme J..., représentée par Me I..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge
du CH de Comminges-Pyrénées une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens invoqués par le CH de Comminges-Pyrénées ne sont pas fondés ;
- la décision de refus d'imputabilité était également entachée de vices de légalité externe dès lors que la composition de la commission de réforme était irrégulière en l'absence d'un praticien spécialiste de l'affection en cause, et que la régularité de la composition de la commission n'est pas établie puisque les noms des représentants de l'administration ne figurent pas sur le procès-verbal de la réunion.
Par ordonnance du 25 août 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 30 septembre 2020.
Un mémoire enregistré pour le CH de Comminges-Pyrénées a été enregistré
le 1er octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de Mme D... E..., rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme J..., aide-soignante titulaire affectée au service des urgences du CH de Comminges-Pyrénées, était en service dans la nuit du 14 au 15 août 2015. En raison de la persistance d'une douleur survenue brutalement lors d'un faux mouvement, elle a consulté le médecin du service des urgences qui l'a examinée, a établi à 4 h 30 un diagnostic de lombosciatique bilatérale, et lui a prescrit un arrêt de travail de trois jours. Cet arrêt a été prolongé à plusieurs reprises par le médecin traitant de Mme J.... Lors de sa séance
du 10 mars 2016, la commission de réforme de la fonction publique hospitalière a émis l'avis que l'arrêt de travail et les soins étaient à prendre en charge comme accident du travail jusqu'au 25 janvier 2016. Toutefois, par une décision du 7 juillet 2016, la directrice du CH
de Comminges-Pyrénées a refusé de reconnaître l'imputabilité au service au motif que
les déclarations contradictoires de Mme J... quant au lieu et aux circonstances de l'accident mettaient en cause sa crédibilité, et par voie de conséquence l'existence même d'un accident de service. Le recours gracieux présenté le 8 septembre 2016 par Mme J... a été rejeté par une décision expresse du 21 novembre 2016 qui s'est substituée à la décision implicite née
le 8 novembre. Le CH de Comminges-Pyrénées relève appel du jugement du 30 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, sur la demande de Mme J..., annulé
les décisions des 7 juillet et 21 novembre 2016.
Sur la régularité du jugement :
2. Dès lors que le CH de Comminges-Pyrénées ne précise ni à quels moyens les premiers juges n'auraient pas répondu, ni en quoi la motivation du jugement serait " allée à certains égards au-delà de ce qui ressortait des échanges entre les parties ", les irrégularités qu'il invoque ainsi ne sont pas assorties des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. S'il évoque une motivation insuffisante du rejet de sa fin de non-recevoir, le caractère lapidaire de cette motivation permettait parfaitement à son destinataire de comprendre les motifs pour lesquels il ne pouvait être retenu un défaut d'intérêt à agir du seul fait de prétendus mensonges de la plaignante.
3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué, dont une ampliation a été notifiée aux parties, est signée par M. Bachoffer, président de la formation de jugement, Mme B..., rapporteure et Mme C..., greffière d'audience. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
4. Le CH de Comminges-Pyrénées invoquait en première instance une fraude qu'aurait commise Mme J... dans la déclaration de l'accident du travail en litige, ayant pour effet de la priver d'intérêt légitime à agir. Cet argument reposait sur la modification par l'intéressée de la déclaration d'accident rédigée par un tiers. C'est à bon droit que les premiers juges ont écarté cette fin de non-recevoir en relevant que la circonstance que Mme J... aurait modifié l'énoncé des faits ne saurait avoir pour effet de la priver de son intérêt à agir à l'encontre des décisions qu'elle conteste.
Sur le refus d'imputabilité au service de l'accident du travail :
5. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet accident du service, le caractère d'un accident de service. Les premiers juges ont à bon droit fait application de ce principe issu d'une jurisprudence ancienne, constante et applicable au litige. La circonstance qu'il a ultérieurement été repris à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 est sans incidence sur son applicabilité à la date de la décision contestée.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme J... était en service du 14 août 2015
à 20 heures au lendemain à 8 heures 15, et que le médecin du service des urgences a renseigné et signé le 15 août à 4 h 30 un avis de passage aux urgences faisant état d'un examen clinique et diagnostiquant une lésion du nerf sciatique. Si l'accident n'a pas eu de témoin, la cadre de santé du service des urgences, sollicitée par le centre hospitalier pour émettre son avis sur la déclaration d'accident, a précisé que Mme J... travaillait effectivement dans ce service dans la nuit du 14 au 15 août, et que l'équipe en poste lui a indiqué que l'intéressée avait dit s'être fait mal vers 23 heures, et non à 3 heures du matin comme indiqué dans la déclaration. Ainsi, l'apparition des douleurs sur le lieu et dans le temps du service caractérise un accident de service.
7. Les contradictions dans les déclarations de Mme J... invoquées par le CH de Comminges-Pyrénées trouvent leur origine dans des erreurs sur le lieu précis, l'heure
et les circonstances de l'accident indiqués sur le formulaire d'enquête administrative d'accident de travail rempli par le cadre de santé de garde, que l'intéressée avait prévenu téléphoniquement le 15 août à 7 heures. Le CH de Comminges-Pyrénées attribue ces erreurs aux déclarations initiales de Mme J... alors qu'elle n'a cessé d'en demander la rectification. Le compte-rendu de la " confrontation " que l'établissement hospitalier a estimé nécessaire d'organiser entre
Mme J... et le cadre de santé met en évidence l'absence d'écoute respective des deux interlocuteurs lors de la conversation téléphonique du 15 août au matin, la première tentant d'expliquer à la fois son accident et la nécessité de son remplacement, et le second inscrivant " dans l'ordre " ce qu'il considérait comme des réponses aux questions qu'il avait posées " en suivant la procédure de déclaration d'accident du travail ". En raison de ce malentendu, le cadre de santé de garde, qui n'a pas compris que l'intéressée lui indiquait avoir dû s'arrêter de travailler vers 3 heures et qu'il conviendrait de lui trouver une remplaçante pour le service qu'elle devait assurer le lendemain à l'UHCD, a indiqué que l'accident avait eu lieu à 3 heures
et qu'il s'était produit à l'UHCD " suite au déplacement d'un brancard ". A la suite de la " confrontation ", Mme J... a présenté un récit écrit et détaillé des circonstances de l'accident, précisant qu'elle travaillait au service des urgences, qu'au cours de la nuit, alors qu'elle se rendait au laboratoire pour porter un bilan, elle a fait un faux mouvement en évitant le passage d'un brancard poussé par un ambulancier qui revenait du service de radiologie, qu'elle
a ressenti une vive douleur de l'aine au pied de la jambe droite, puis des douleurs et une sensation de lourdeur dans les deux jambes, qu'elle en a informé ses collègues, et que
vers 3 heures environ, elle a signalé au médecin du service des urgences que les douleurs devenaient insupportables et lui a demandé de venir l'ausculter. Mme J... a également expliqué que le 9 septembre 2015, dès que son état de santé lui a permis de se déplacer, elle s'est rendue au secrétariat de la direction des ressources humaines pour signer la déclaration d'accident du travail, qu'elle a signalé les erreurs, et qu'elle les a rectifiées à la demande de la secrétaire, ce qui ne saurait caractériser une falsification. Enfin, la circonstance que Mme J... n'a pas alors modifié la mention " suite au déplacement d'un brancard " portée par le cadre
de santé de garde ne peut faire regarder sa description de l'évitement du passage d'un brancard comme contradictoire avec de précédentes déclarations. Par suite, les contradictions invoquées par le CH de Comminges-Pyrénées ne sont pas de nature à faire douter de la réalité
de la survenance d'un accident de service dans la nuit du 14 au 15 août 2015.
8. Il résulte de ce qui précède que le CH de Comminges-Pyrénées n'est pas fondé
à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse
a annulé les décisions des 7 juillet et 21 novembre 2016 refusant de reconnaître l'imputabilité
au service de l'accident survenu dans la nuit du 14 au 15 août 2015.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
9. Le CH de Comminges-Pyrénées, qui est la partie perdante, n'est pas fondé
à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge une somme
de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme J... à l'occasion du présent litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du CH de Comminges-Pyrénées est rejetée.
Article 2 : Le CH de Comminges-Pyrénées versera à Mme J... une somme de 2 000 euros
au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Comminges-Pyrénées
et à Mme H... J....
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme N... L..., présidente,
Mme A... G..., présidente-assesseure,
Mme F... K..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 février 2021.
La rapporteure,
Anne G...
La présidente,
Catherine L...La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00054