Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 juin 2018, renvoyée à la cour par une ordonnance du président du tribunal administratif de la Martinique du 20 juillet 2018, et des mémoires enregistrés les 26 novembre 2019 et 19 janvier 2021, M. H..., M. Q...-A..., et la SAS Ambulances du Sud, représentés par M. N..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler l'ordonnance du président du tribunal administratif de la Martinique du 29 décembre 2017 ;
2°) de surseoir à statuer compte tenu de la procédure pénale en cours ;
3°) d'annuler l'arrêté du directeur général de l'ARS de la Martinique du 27 avril 2017 ;
4°) de condamner solidairement M. F... et Mme P... à verser la somme de 6 000 euros chacun à la SAS Ambulances du Sud ;
5°) de mettre à la charge solidaire de M. F... et Mme P... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- M. H... et M. Q...-A... ont intérêt à agir en qualité d'actionnaires majoritaires de la SAS Ambulances du Sud ; aucun texte n'interdit à M. H... de présider une société d'ambulances ;
- les fonds versés par M. H... et M. Q...-A... au capital de la SAS Ambulances du Sud ont permis l'acquisition de deux véhicules de transport sanitaire pour lesquels la société était titulaire d'un agrément délivré en 2016 ; M. F... et Mme P... ont pris de nombreuses décisions sans consulter ni informer le conseil d'administration, ont transféré le siège social de la société dans un lieu inconnu des associés majoritaires, et ont obtenu par fraude une modification de l'agrément à leur profit ; M. F..., qui avait été démis de ses fonctions de président de la SAS Ambulances du Sud par une décision du conseil d'administration du 27 avril 2017, n'avait pas qualité pour présenter un désistement au nom de cette société ; quand bien même il aurait encore été président ou gérant le 26 juin 2017, date d'enregistrement de la requête devant le tribunal administratif, il ne pouvait représenter la société en justice sans y être autorisé par le conseil d'administration ; le désistement obtenu par fraude porte atteinte aux droits des membres du conseil d'administration et doit être annulé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2020, M. F..., représenté par Me J..., conclut au rejet de la requête et doit être regardé comme demandant à la cour de mettre à la charge de M. H... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête d'appel est irrecevable car M. H... n'a pas qualité pour représenter la SAS Ambulances du Sud dont il n'est pas le représentant légal ; n'ayant pas le diplôme ou la capacité d'ambulancier, il ne peut légalement être président d'une société d'ambulance ; il ne saurait relever appel d'une ordonnance qui se borne à donner acte du désistement de la SAS Ambulances du Sud ;
- les demandes indemnitaires sont irrecevables dès lors qu'elles sont nouvelles en appel et sont dirigées contre des personnes qui n'étaient pas parties en première instance ;
- la demande de sursis à statuer est sans objet en l'absence d'instance pénale en cours ;
- contrairement à ce que soutient M. H..., les comptes des exercices 2017 et 2018 de la SAS Ambulances du Sud ont été régulièrement établis et déposés au greffe du tribunal de commerce, et M. H... a été convoqué, de même que M. Q...-A..., à l'assemblée générale annuelle du 29 juin 2019 ;
- l'arrêté du 27 avril 2017 n'a pas été contesté dans le délai de recours contentieux ;
- l'agrément a été délivré à M. F... et Mme P... en leur nom propre pour la mise en service de deux véhicules dont les autorisations de mise en circulation leur ont été cédées par leur ancien employeur.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- et les conclusions de Mme B... C..., rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., Mme P..., M. H... et M. Q...-A... ont créé le 23 février 2015 la SAS Ambulances du Sud, immatriculée au registre du commerce le 2 juin suivant, ayant pour objet le transport par ambulance et le transport sanitaire de patients, avec un capital de 100 000 euros divisé en 10 000 parts sociales de 10 euros réparties entre les associés à hauteur de 2 100 parts chacun pour M. F... et Mme P..., 3 300 parts pour M. H... et 2 500 parts pour M. Q...-A.... M. F... a été nommé gérant à la majorité des voix des associés lors de la constitution de la société. Après avoir délivré un agrément à la SAS Ambulances du Sud pour effectuer des transports sanitaires terrestres et pour la mise en circulation d'une ambulance et d'un véhicule sanitaire léger par un arrêté du 12 septembre 2016, le directeur général de l'ARS de la Martinique a transféré cet agrément à M. F... et Mme P... en leurs noms propres par un arrêté du 27 avril 2017. Par une requête sommaire désignant comme défendeurs M. F..., Mme P... et l'ARS de la Martinique, M. Q...-A..., M. H... et la SAS Ambulances du Sud ont demandé l'annulation de ce dernier arrêté en invoquant l'absence de décision du conseil d'administration de la société autorisant le transfert. En réponse à une demande de régularisation qui lui avait été adressée par le greffe du tribunal en sa qualité de gérant de la société requérante, M. F... a affirmé n'avoir déposé aucune demande d'annulation de l'arrêté du 27 avril 2017, et attribué l'enregistrement de la requête à une possible erreur du tribunal ou à une manoeuvre frauduleuse émanant d'un tiers. Le président du tribunal administratif de la Martinique a interprété ce courrier comme un désistement de la SAS Ambulances du Sud au nom de laquelle auraient agi M. H... et M. Q...-A..., et en a donné acte par une ordonnance du 29 décembre 2017. M. H... et M. Q...-A..., en leur qualité d'associés de la SAS Ambulances du Sud, et cette dernière se prévalant de sa représentation par M. H... nommé président en remplacement de M. F... par une délibération du conseil d'administration du 27 avril 2017, relèvent appel de cette ordonnance.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. La requête d'appel est recevable en tant qu'elle est présentée par M. Q...-A... et M. H... en leur qualité de porteurs de parts majoritaires de la société dont l'agrément a été transféré sans leur accord aux noms propres de M. F... et Mme P.... Par suite, M. F... ne peut utilement discuter de la qualité de M. H... pour représenter la société Ambulances du Sud. En revanche, il est fondé à invoquer l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires présentées pour la première fois en appel, lesquelles sont au demeurant portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître dès lors qu'elles mettent en cause la responsabilité civile de M. F... et de Mme P..., personnes privées, envers la SAS Ambulances du Sud, autre personne privée.
Sur l'existence d'un désistement devant le tribunal :
3. La demande présentée devant le tribunal contestait l'arrêté du 27 avril 2017 au motif qu'il avait été pris " dans des conditions obscures " sans décision préalable du conseil d'administration, et portait préjudice à la société et à ses associés majoritaires. Elle désignait comme défendeurs non seulement l'ARS, mais aussi M. F... et Mme P..., et était accompagnée des statuts de la SAS Ambulances du Sud faisant apparaître que M. H... et M. Q...-A... détenaient la majorité des parts, ainsi que d'un courrier du 31 mai 2017 par lequel M. F... contestait son éviction des fonctions de président de la société au bénéfice de M. H.... Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le président du tribunal administratif de la Martinique a estimé qu'il pouvait regarder un courrier du défendeur, quand bien même il se présentait comme gérant de la SAS Ambulances du Sud figurant parmi les trois demandeurs, comme valant désistement de la requête.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête en tant qu'elle est présentée pour la SAS Ambulances du Sud, que M. H... et M. Q...-A... sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée. Dans les circonstances de l'espèce, et au vu notamment de la plainte pénale déposée par M. H... et M. Q...-A... contre M. F... et Mme P... pour abus de confiance et escroquerie, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait été classée, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de la Martinique pour qu'il soit statué sur la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du directeur général de l'ARS de la Martinique du 27 avril 2017.
5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par suite, les conclusions présentées à cette fin par les parties doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du président du tribunal administratif de la Martinique n° 1700386 du 29 décembre 2017 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de la Martinique.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... H..., à M. R... Q...-A..., à la SAS Ambulances du Sud, à l'agence régionale de santé de la Martinique, à M. I... F..., à Mme M... P... et au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 23 février 2021, à laquelle siégeaient :
Mme O... L..., présidente,
Mme A... G..., présidente-assesseure,
Mme E... K..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2021.
La rapporteure,
A... G...
La présidente,
Catherine L...La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX02972