Par un jugement n° 1600550 du 13 novembre 2018, le tribunal a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 janvier 2019 et des mémoires enregistrés
les 25 février et 25 avril 2019 et le 10 avril 2020, la SELARL Pharmacie Siegfried Richer, représentée par la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de la SELAS MSR Basse Gondeau ;
3°) de mettre à la charge de la SELAS MSR Basse Gondeau une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la SELAS MSR Basse Gondeau ne justifiant pas d'un intérêt à agir, sa demande était irrecevable ; elle se situe dans l'îlot regroupé pour l'information statistique (IRIS) 1304, différent du lieu de transfert dans l'IRIS 1303, et son chiffre d'affaires n'a pas baissé en dépit de l'ouverture de la pharmacie en 2014 ;
- la délimitation du quartier d'accueil par le tribunal est entachée de nombreuses erreurs dès lors que l'officine La Galleria, située dans le quartier n° 10, ne pouvait pas être prise
en compte pour apprécier la desserte du quartier d'accueil, que les secteurs de Basse Gondeau
et d'Acajou sont des quartiers distincts compte tenu de leur séparation par la route départementale n° 14, que Morne-Pavillon, qui ne se superpose pas à l'IRIS 1303, n'est pas un quartier mais un lieu-dit inclus dans le quartier de Basse Gondeau, et que des officines situées à plus de 1,5 km du quartier de Basse Gondeau ne peuvent utilement le desservir ; c'est aussi
à tort que les premiers juges ont tenu compte de la pharmacie Ponsar, qui a été placée
en redressement judiciaire et transférée dans la zone de la baie des Tourelles, et estimé que
le quartier de Basse Gondeau était desservi par deux pharmacies distantes de moins
de 5 minutes ; le raisonnement du tribunal est entaché de contradictions en tant qu'il refuse de recourir à l'IRIS pour définir le quartier d'accueil, puis réintroduit cette notion pour apprécier la population du quartier d'accueil ; la zone IRIS 1303 présente une unité humaine et géographique et l'autoroute ne constitue pas une barrière urbaine ; les besoins de la population ont évolué depuis l'arrêté du 9 juillet 2014 compte tenu des permis de construire délivrés dans le périmètre de l'IRIS 1303 ; le jugement fondé sur ces considérations erronées doit ainsi être annulé ;
- les moyens invoqués devant le tribunal par la MSR Basse Gondeau ne sont pas fondés ; M. E... avait reçu délégation par arrêté du 30 août 2016 ; l'expiration du délai d'instruction visé à l'article R. 5125-3 du code de la santé publique ne faisait pas obstacle à l'octroi d'une autorisation ; le délai d'interdiction de transfert pendant 5 ans après un transfert prévu par l'article L. 5125-7 du code de la santé publique n'est pas applicable lorsque la précédente autorisation a été annulée ; l'autorité de chose jugée par le jugement n°1400644 du 10 mars 2016 ne peut utilement être invoquée dès lors qu'il n'y a pas d'identité d'objet entre les litiges et que la situation de fait a évolué ; la délimitation par l'ARS du quartier d'accueil n'est pas erronée et l'IRIS 1403 connaît une forte évolution démographique ;
- elle justifie, par les pièces produites, que le transfert de la pharmacie répond de manière optimale aux besoins de la population du quartier d'accueil ;
- elle se trouve en situation de cessation de paiement du fait de l'annulation de l'autorisation de transfert.
Par des mémoires enregistrés les 3 avril et 16 mai 2019, la SELAS MSR Basse Gondeau, représentée par le cabinet Overeed AARPI, conclut au rejet de la requête et demande
à la cour de mettre à la charge de la SELARL Pharmacie Siegfried Richer une somme
de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- elle a intérêt à agir ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé l'arrêté ;
- les moyens invoqués par la SELARL Pharmacie Siegfried Richer ne sont pas fondés ;
- ses moyens de première instance étaient fondés.
Par un mémoire enregistré le 11 mars 2020, la SELARL Valleray-André
et associés, représentée par la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, déclare intervenir
en qualité d'administrateur judiciaire de la procédure de redressement judiciaire de la société Pharmacie Siegfried Richer, au soutien de la requête de la SELARL Pharmacie Siegfried Richer.
Par ordonnance du 21 décembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée
au 4 février 2021.
Un mémoire présenté pour la société civile professionnelle de mandataires judiciaires BR Associés a été enregistré le 19 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Beuve Dupuy, rapporteure publique,
- et les observations de Me C..., représentant la Selarl Pharmacie MSR Basse Gondeau.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 9 juillet 2014, le directeur général de l'ARS de la Martinique a autorisé la SELARL Pharmacie Siegfried Richer à transférer son officine, située 54 rue Ernest André dans le bourg de la commune du Lamentin, vers l'immeuble Les Coraux dans le quartier de Basse Gondeau, sur le territoire de la même commune. Par un jugement n° 1400644 du
10 mars 2016, le tribunal administratif de la Martinique, saisi par la société Pharmacie
Sainte-Rose devenue SELAS MSR Basse Gondeau, a annulé cet arrêté aux motifs, d'une part, que le transfert de l'officine ne répondait pas de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil, et d'autre part, que le dossier de demande ne comportait pas la déclaration de travaux requise, et a différé l'effet de cette annulation
au 1er septembre 2016 afin de tenir compte de la nécessité pour la SELARL Pharmacie Siegfried Richer, qui avait cédé son ancien local, de rechercher un nouvel emplacement et d'obtenir une nouvelle autorisation. Cette annulation a été confirmée le 12 octobre 2017 par la cour administrative d'appel de Bordeaux au motif que l'incomplétude du dossier suffisait à la justifier. Par un second arrêté du 30 août 2016, le directeur général de l'ARS de la Martinique a autorisé à nouveau le même transfert. La SELARL Pharmacie Siegfried Richer, représentée à compter du 29 octobre 2019 par la SELARL Valleray-André et associés, mandataire judiciaire, puis à compter du 11 août 2020 par la société BR Associés, liquidateur judiciaire, relève appel du jugement du 13 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de la Martinique, à la demande de la SELAS MSR Basse Gondeau, a annulé cet arrêté pour le même motif relatif à la méconnaissance des conditions posées par l'article L. 5125-3 du code de la santé publique.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de l'absence d'intérêt à agir de la SELAS MSR Basse Gondeau à l'encontre de l'arrêté du 30 août 2016.
Sur la légalité de l'arrêté du 30 août 2016 :
3. L'article L. 5125-14 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable, autorise le transfert d'une officine de pharmacie au sein d'une même commune s'il respecte les prescriptions de l'article L. 5125-3 du même code. Aux termes de cet article : " Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines (...). " Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier les effets du transfert envisagé sur l'approvisionnement en médicaments du quartier d'origine et du quartier de destination de l'officine qui doit être transférée ainsi que, le cas échéant, des autres quartiers pour lesquels ce transfert est susceptible de modifier significativement l'approvisionnement en médicaments. La population résidente, au sens des mêmes dispositions, doit s'entendre, outre éventuellement de la population saisonnière, de la seule population domiciliée dans ces quartiers ou y ayant une résidence stable. L'administration peut toutefois tenir compte, pour apprécier cette population, des éventuels projets immobiliers en cours ou certains à la date de sa décision. Enfin, le caractère optimal de la réponse apportée par le projet de transfert ne saurait résulter du seul fait que ce projet apporte une amélioration relative de la desserte par rapport à la situation d'origine.
4. Pour autoriser le transfert de la pharmacie Siegfried Richer, le directeur général de l'ARS a estimé, d'une part, que les besoins des habitants du bourg du Lamentin, quartier d'origine, pouvaient être satisfaits par les quatre pharmacies restantes, et d'autre part, que le lieu de destination apportait une satisfaction optimale aux besoins de la population des secteurs de Basse Gondeau et Californie, qui a considérablement augmenté depuis le recensement de 2012, avec la réalisation d'au moins 415 logements collectifs supplémentaires en 2014 et 2015, qui viennent s'ajouter aux 3 534 habitants desservis antérieurement par deux pharmacies éloignées de cette zone. L'autorisation de transfert retient ainsi Basse Gondeau et Californie comme quartiers d'accueil.
5. Il ressort des pièces du dossier que si les secteurs de Basse Gondeau et Californie sont séparés par une autoroute, le site de transfert de la pharmacie Siegfried Richer, implanté dans une zone commerciale au bord de l'autoroute, en limite Sud de Basse Gondeau, est accessible à la population résidente du secteur de Californie situé de l'autre côté de l'autoroute du fait de la proximité d'un échangeur pour les véhicules et d'une passerelle pour les piétons, tandis que, comme le relève l'arrêté, la localisation de la pharmacie Ponsar dans une zone industrielle de Californie dépourvue d'aménagement pour les piétons la rend difficilement accessible aux piétons résidant dans ce quartier. Toutefois, les quartiers d'accueil, à vocation mixte d'activités et d'habitat individuel et collectif, comportent de vastes espaces restant à urbaniser, et la population résidente de Californie se limite à une zone pavillonnaire peu étendue, sans projet immobilier en cours ou certain à la date de l'arrêté. Le nombre de 415 logements collectifs supplémentaires en 2014 et 2015 mentionné par l'arrêté est fortement surévalué dès lors qu'il se rapporte à deux permis de construire délivrés les 16 décembre 2014 et 23 avril 2015 à Basse Gondeau, dont le premier a été comptabilisé à tort comme portant sur 340 logements alors qu'il n'en autorise que 50, les 290 autres ayant été construits avant le recensement de 2012. Le second permis, qui n'avait au demeurant donné lieu à aucun commencement d'exécution
à la date de l'arrêté, 16 mois après sa délivrance, autorise 72 logements, de sorte qu'il ne saurait porter qu'à 122 le nombre de logements supplémentaires, ce qui n'est pas de nature à modifier substantiellement l'importance de la population résidente des quartiers d'accueil.
Cette population, qui n'a pas " considérablement augmenté depuis le recensement de 2012 ",
est desservie par deux officines situées à Basse Gondeau, la pharmacie MSR Basse Gondeau et la pharmacie de La Galleria. Par suite, le transfert de la pharmacie Siegfried Richer, qui avait pour objectif, reconnu dans le dossier de demande, de desservir notamment la population
de passage induite par la zone économique à proximité accueillant une centaine d'entreprises,
ne peut être regardé comme répondant de façon optimale aux besoins en médicaments
de la population résidente des quartiers d'accueil.
6. Il résulte de ce qui précède que la SELARL Pharmacie Siegfried Richer n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a annulé l'arrêté d'autorisation du directeur général de l'ARS du 30 août 2016.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
7. La SELARL Pharmacie Siegfried Richer, qui est la partie perdante, n'est pas fondée
à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par la SELAS MSR Basse Gondeau à l'occasion du présent litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SELARL Pharmacie Siegfried Richer est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la SELAS MSR Basse Gondeau au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile professionnelle de mandataires judiciaires BR Associés, à la SELARL Valleray-André et associés, au ministre des solidarités
et de la santé et à la SELAS MSR Basse Gondeau. Une copie en sera adressée
à l'agence régionale de santé de la Martinique.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne B..., présidente-assesseure,
Mme A... D..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2021.
La présidente,
Catherine Girault
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00125