Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 mars 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la commission de discipline était irrégulièrement composée ;
- les moyens soulevés par M. D... en première instance soient l'incompétence du président de la commission de discipline, l'illisibilité de son nom, le défaut de motivation en droit de la décision, l'erreur d'appréciation et le non-respect de la procédure prévue par l'article R. 57-7-86 du code de procédure pénale sont infondés lorsqu'ils ne sont pas inopérants.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... E...,
- les conclusions de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., détenu au centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne, s'est vu infliger une sanction disciplinaire de vingt jours de cellule disciplinaire et deux mois de suppression de l'accès au parloir sans dispositif de séparation par une décision du 8 juin 2017. Le recours qu'il a formé contre cette décision le 19 juin 2017 a été rejeté par une décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux du 27 juin 2019. Par un jugement du 24 janvier 2019, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision. La garde des sceaux, ministre de la justice relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article R. 57-7-6 du code de procédure pénale : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs. " L'article R. 57-7-8 du même code dispose : " Le président de la commission de discipline désigne les membres assesseurs. / Le premier assesseur est choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-13 du même code : " En cas de manquement à la discipline de nature à justifier une sanction disciplinaire, un compte rendu est établi dans les plus brefs délais par l'agent présent lors de l'incident ou informé de ce dernier. L'auteur de ce compte rendu ne peut siéger en commission de discipline. " L'article R. 57-7-14 du même code prévoit : " A la suite de ce compte rendu d'incident, un rapport est établi par un membre du personnel de commandement du personnel de surveillance, un major pénitentiaire ou un premier surveillant et adressé au chef d'établissement. Ce rapport comporte tout élément d'information utile sur les circonstances des faits reprochés à la personne détenue et sur la personnalité de celle-ci. L'auteur de ce rapport ne peut siéger en commission de discipline. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse du 27 juin 2017 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux est intervenue après consultation le 8 juin 2017 de la commission de discipline. Le registre des sanctions édictées à l'issue de cette commission, produit pour la première fois en appel par la ministre de la justice, fait apparaître, outre l'identité et la signature du directeur adjoint de l'établissement pénitentiaire, de l'assesseur civil et des avocats étant intervenus, la signature de l'assesseur personnel de surveillance ainsi que l'abréviation correspondant à son grade et les deux premières lettres de son nom de famille. Ce document permet de s'assurer de la présence d'un premier assesseur choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement. Dans ces conditions, la garde des sceaux, ministre de la justice est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers s'est fondé sur l'irrégularité de la composition de la commission de discipline pour annuler la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux du 27 juin 2017.
4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Poitiers.
5. Aux termes de l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale : " La personne détenue qui entend contester la sanction prononcée à son encontre par la commission de discipline doit, dans le délai de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision, la déférer au directeur interrégional des services pénitentiaires préalablement à tout recours contentieux. Le directeur interrégional dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception du recours pour répondre par décision motivée. L'absence de réponse dans ce délai vaut décision de rejet ". Il résulte de ces dispositions qu'un détenu n'est recevable à déférer au juge administratif que la seule décision, expresse ou implicite, du directeur régional des services pénitentiaires, qui arrête définitivement la position de l'administration et qui se substitue ainsi à la sanction initiale prononcée par le chef d'établissement. Il s'ensuit que, les vices propres à la décision initiale ayant nécessairement disparu avec cette dernière, le requérant ne saurait utilement s'en prévaloir. En revanche, cette substitution ne saurait faire obstacle à ce que soient invoquées, à l'appui d'un recours dirigé contre la décision du directeur interrégional, les éventuelles irrégularités de la procédure suivie devant la commission de discipline préalablement à la décision initiale.
6. Les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision initiale du 8 juin 2017 ainsi que de l'illisibilité du nom du président de la commission de discipline et de l'absence de mention de son prénom se rapportent à des vices propres à cette décision qui sont étrangers à la régularité de la procédure disciplinaire. Pour les raisons indiquées au point précédent, ils ne peuvent être utilement invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision du 27 juin 2019 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux.
7. Aux termes de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale : " Constitue une faute disciplinaire du premier degré le fait, pour une personne détenue : (...) / 8° D'introduire ou de tenter d'introduire au sein de l'établissement des produits stupéfiants, de les détenir ou d'en faire l'échange contre tout bien, produit ou service ; (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-2 du même code : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : / 1° De formuler des insultes, des menaces ou des outrages à l'encontre d'un membre du personnel de l'établissement, d'une personne en mission ou en visite au sein de l'établissement pénitentiaire ou des autorités administratives ou judiciaires ; (...) ".
8. La décision litigieuse du 27 juin 2019 rappelle que M. D... a été poursuivi pour avoir, le 1er juin 2017, profité du parloir pour tenter d'introduire en détention de la résine de cannabis, puis menacé un personnel de représailles à la suite de la fouille dont il a fait l'objet. Elle mentionne que ces faits sont constitutifs de fautes disciplinaires au vu des dispositions précitées tant du 8° de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale que du 1° de l'article R. 57-7-2 du même code et conclut à la confirmation de la décision de la commission de discipline qui avait elle-même prononcé une sanction en considération de ces deux faits. Dans ces conditions, quand bien même la décision ne revient pas expressément sur les conditions factuelles dans lesquelles M. D... a, le 2 juin 2017, proféré des menaces à l'encontre des surveillants pénitentiaires, elle doit être regardée comme sanctionnant à la fois une tentative d'introduction de produits stupéfiants au sein de l'établissement et des menaces à l'encontre de son personnel. Par suite, la décision litigieuse du directeur interrégional des services pénitentiaires n'est pas entachée d'une erreur dans ses motifs de droit en ce qu'elle se réfère au 1° de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale.
9. Aux termes de l'article R. 57-7-47 du code de procédure pénale : " Pour les personnes majeures, la durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder vingt jours pour une faute disciplinaire du premier degré, quatorze jours pour une faute disciplinaire du deuxième degré et sept jours pour une faute disciplinaire du troisième degré. (...) ". L'article R. 57-7-34 du même code dispose : " Lorsque la personne détenue est majeure, les sanctions disciplinaires suivantes peuvent également être prononcées : (...) / 3° La suppression de l'accès au parloir sans dispositif de séparation pour une période maximum de quatre mois lorsque la faute a été commise au cours ou à l'occasion d'une visite. ".
10. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
11. M. D... a reconnu avoir tenté d'introduire 15 grammes de cannabis à l'occasion de son parloir du 1er juin 2017 et avoir, le lendemain, tenu des propos menaçants à l'encontre du personnel de surveillance. Il explique avoir tenu ces propos sous le coup de la colère en raison des conditions dans lesquelles la fouille de la veille s'était déroulée. Il ressort des pièces du dossier que M. D... avait déjà fait l'objet de sanctions disciplinaires les 2 et 29 mars 2017, assorties de sursis, en raison d'un refus de regagner sa cellule et d'une perturbation lors d'une activité professionnelle. Compte tenu de la nature et de la gravité des fautes commises ainsi que des antécédents disciplinaires de M. D..., la sanction de vingt jours de cellule disciplinaire et de deux mois de suppression de l'accès au parloir sans dispositif de séparation qui lui a été infligée par la décision litigieuse n'est pas disproportionnée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la garde des sceaux, ministre de la justice est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du 27 juin 2017 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux a confirmé la décision du 8 juin 2017 du président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne. Par suite, la ministre est fondée à demander l'annulation de ce jugement ainsi que le rejet de la demande présentée par M. D... devant le tribunal.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1702007 du 24 janvier 2019 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Poitiers par M. D... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice, à M. A... D... et à Me C....
Délibéré après l'audience du 23 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme B... E..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 avril 2021.
La présidente,
Catherine Girault
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 19BX01316