Par une requête et des mémoires enregistrés respectivement les 4 février 2014, 2 avril 2014 et 1er février 2015, la Mutuelle Assurance de l'Education, représentée par MeC..., demande à la cour de réformer ce jugement du 5 décembre 2013 du tribunal administratif de Toulouse en portant à 417 283 euros l'indemnité allouée, assortie des intérêts légaux à compter du 10 décembre 2008, eux-mêmes capitalisés et de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Gaudens la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code des assurances ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant la Mutuelle Assurance de l'Education.
Considérant ce qui suit :
1. Le 14 juillet 2005, alors qu'il participait à une course cycliste, M. B...A...a été heurté par un autre coureur. Présentant une luxation acromio-claviculaire, il a été hospitalisé au centre hospitalier de Saint-Gaudens, où il y a subi une intervention chirurgicale le 19 juillet suivant. En août 2005, les investigations nécessitées par la persistance des douleurs ont révélé la présence d'un staphylocoque doré. Le 12 septembre 2006, saisi par M. B...A...d'une action en responsabilité civile à l'encontre du responsable de l'accident et de son assureur, la Mutuelle Assurance Education, le juge des référés du tribunal de grande instance de Tarbes a commis un expert, qui a remis son rapport le 27 février 2007. En exécution du jugement rendu le 10 décembre 2008 par le juge judiciaire, la Mutuelle Assurance de l'Education a payé une indemnité de 434 146,98 euros à M. B...A...notamment 432 056,98 euros au titre des préjudices patrimonial et extrapatrimonial et une indemnité de 1 500 euros à son épouse [pour son préjudice moral. La Mutuelle Assurance de l'Education a ensuite saisi le tribunal administratif de Toulouse d'un recours subrogatoire tendant à la condamnation du centre hospitalier de Saint-Gaudens à raison de l'infection nosocomiale engageant sa responsabilité sur le fondement du deuxième alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, à lui payer une indemnité de 417 283 euros. Par un jugement du 5 décembre 2013, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre hospitalier de Saint-Gaudens au paiement d'une indemnité de 44 500 euros et a mis à sa charge les dépens de l'instance. La Mutuelle Assurance de l'Education relève appel de ce jugement et demande à la cour de lui allouer le montant de 417 283 euros sollicité en première instance.
2. Il appartient au juge administratif, lorsqu'il détermine le montant et la forme des indemnités allouées par lui, de prendre, au besoin d'office, les mesures nécessaires pour que sa décision n'ait pas pour effet de procurer à la victime d'un dommage, par les indemnités qu'elle a pu ou pourrait obtenir en raison des mêmes faits, une réparation supérieure au préjudice subi. La subrogation ainsi prononcée ne saurait porter que sur les droits dont la victime dispose à l'égard d'un tiers au titre des préjudices dont le juge administratif met la réparation à la charge de la collectivité publique dont la responsabilité est recherchée devant lui. Saisi d'une action civile dirigée contre le responsable de l'accident et son assureur, le juge judiciaire a mis à la charge des défendeurs des indemnités réparant l'ensemble des conséquences dommageables de cet accident, y compris les préjudices nés de l'infection nosocomiale. Par suite, il y a lieu de limiter la subrogation de la Mutuelle Assurance de l'Education dans les droits susceptibles de résulter pour M. B...A...de la condamnation prononcée à son profit par le juge judiciaire à l'encontre du centre hospitalier de Saint-Gaudens aux indemnités destinées à réparer les conséquences de l'infection nosocomiale. De plus, la nature et l'étendue des réparations incombant à une collectivité publique du chef d'un dommage dont la responsabilité lui est imputée ne dépendent pas de l'évaluation du dommage faite par l'autorité judiciaire dans un litige si elle n'a pas été partie et n'aurait pu l'être, mais doivent être déterminées par le juge administratif compte tenu des règles afférentes à la responsabilité des personnes morales de droit public.
Sur les préjudices à caractère patrimonial :
3. S'il est vrai que la Mutuelle Assurance de l'Education a été condamnée à payer au Régime Social des Indépendants la somme de 436,02 euros au titre des indemnités journalières versées à M. B...A..., il ne résulte pas de l'instruction, en l'absence de toute autre précision, que cette dépense serait imputable à l'infection nosocomiale.
4. Le principe de la réparation intégrale du préjudice doit conduire le juge à déterminer, au vu des éléments de justification soumis à son appréciation, le montant de la perte de revenus dont la victime a été effectivement privée du fait du dommage qu'elle a subi. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise du 27 février 2007, que M. B...A..., alors âgé de cinquante-et-un ans, a subi une incapacité temporaire totale du 15 novembre 2005 au 1er juin 2006, date de consolidation de son état de santé. Il a perçu des indemnités journalières jusqu'au 11 juin suivant. L'imputabilité d'une période d'inactivité de plusieurs mois à la seule infection nosocomiale ne suffit pas à établir l'existence d'une perte de revenus de l'intéressé, qui n'avait crée sa société que très récemment, le 1er juillet 2004, un an avant son hospitalisation, avait cessé son activité d'entrepreneur en juin 2005, avant son accident, et envisageait de créer une autre entreprise. Si l'expert a relevé qu'en l'absence d'infection nosocomiale, il aurait subi une simple gêne dans sa vie professionnelle, alors que, désormais, la maçonnerie et, plus généralement, les activités manuelles sollicitant excessivement l'épaule gauche, notamment le port de charges, sont contre-indiquées, ce qui nécessite une reconversion professionnelle. Toutefois, M. B...A...n'était pas inapte à l'exercice de toute activité professionnelle. Pas plus en appel qu'en première instance, il n'est apporté de précisions sur sa situation professionnelle. Dès lors, aucune perte de gains professionnels passés ou futurs, directement imputable à l'infection nosocomiale ne peut être retenue.
5. En ce qui concerne l'incidence professionnelle du dommage, s'il est établi, compte tenu notamment de la nécessité de reconversion professionnelle de M. B...A..., que l'infection en cause a eu des conséquences sur son activité professionnelle, distinctes des pertes de revenus, notamment la nécessité de reconversion professionnelle, le montant de 30 000 euros alloué par le tribunal n'est pas insuffisant.
Sur les préjudices à caractère personnel :
6. Il est constant que l'infection en cause a occasionné à M. B...A...un déficit fonctionnel temporaire total pendant onze jours et de 50 % pendant douze jours, réparé à juste titre à hauteur de 500 euros.
7. En accordant une indemnité de 3 000 euros, les premiers juges ont fait une appréciation insuffisante des souffrances endurées imputables à la seule infection nosocomiale, évaluées par l'expert à 3,5 sur une échelle de 7. Ce poste de préjudice justifie l'allocation de 5 500 euros.
8. Agé de cinquante-et-un ans à la date de consolidation de son état, la victime présente un déficit fonctionnel permanent de 9 % directement imputable à l'infection nosocomiale. Elle subit un préjudice d'agrément imputable à l'infection, occasionné par l'arrêt du cyclisme de compétition et la limitation de certaines autres activités de loisirs sollicitant l'épaule telles la natation et le bricolage. En allouant de ce chef une indemnité de 11 000 euros, les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante du déficit fonctionnel permanent et du préjudice d'agrément.
9. Si la Mutuelle Assurance de l'Education a été condamnée à payer à l'épouse de la victime, qui a pris un traitement antidépresseur à la suite l'accident, une indemnité de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral, il ne résulte pas de l'instruction que ce préjudice serait, même partiellement, imputable à l'infection nosocomiale.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la Mutuelle Assurance de l'Education est seulement fondée à demander que l'indemnité allouée par les premiers juges soit portée à 47 000 euros et la réformation en ce sens du jugement attaqué. Il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire de la condamner à payer au centre hospitalier de Saint-Gaudens la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE
Article 1 : L'indemnité que le centre hospitalier de Saint-Gaudens a été condamné à payer à la Mutuelle Assurance de l'Education par le jugement du 5 décembre 2013 du tribunal administratif de Toulouse est portée à 47.000 euros.
Article 2 : Le jugement susmentionné est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier de Saint-Gaudens versera une somme de 1 500 euros à la Mutuelle Assurance de l'Education au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la Mutuelle Assurance de l'Education est rejeté.
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N° 14BX00355