Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 23 mars 2015, le ministre de la défense demande à la cour d'annuler ce jugement du 21 janvier 2015 du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a annulé la sanction prononcée le 18 septembre 2012 et de rejeter la demande de M.B....
Il soutient que :
- en estimant que la sanction annulée n'est pas la plus élevée pouvant être infligée par l'autorité militaire de premier niveau, les premiers juges ont fait une lecture manifestement erronée des dispositions applicables, en particulier celles de l'article R. 4137-25 du code de la défense prévoyant jusqu'à vingt jours d'arrêt ;
- le tribunal a retenu une simple négligence fautive alors que la sanction est également motivée par le refus d'application des directives du Parquet pour la transmission par voie électronique des billets d'interpellation ;
- en 2010, M. B...a été sanctionné par une exclusion temporaire de fonctions de deux jours fondée sur le manque d'organisation dans la gestion des procédures en dépit de plusieurs rappels à l'ordre et la même année, par quinze jours d'arrêt pour négligence et méconnaissance des consignes ; la sanction n'est donc pas disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2016, M.B..., représenté par la SCP Pielberg-Kolenc, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- il avait reçu une instruction du responsable de l'enquête d'adresser la pièce de procédure par télécopie et n'a donc pas commis de faute en s'abstenant de l'adresser par voie électronique, d'autant que l'article 63 du code de procédure pénale prévoit l'envoi par tous moyens ; il est intervenu non en sa qualité d'officier de police judicaire mais comme simple exécutant des ordres du responsable de l'enquête à qui il appartenait de mener toutes vérifications utiles ;
- cette omission ne révèle aucune intention malveillante ; le manquement reproché est resté sans incidence sur la procédure pénale ;
- son comportement général et ses antécédents disciplinaires ne fondent pas la sanction et ne peuvent donc être utilement invoqués par le ministre ;
- il ressort des articles R. 4137-2, R. 4137-16 et R. 4137-135 du code de la défense que l'obligation d'entendre le militaire sanctionné est une formalité substantielle ; il n'a pas été informé de son droit d'être assisté par un militaire de son choix pour la 2ème audition au 12 décembre 2012 ; il y a lieu de relever que le document qui prévoit la mention du nom et du grade du militaire l'assistant ne contient aucune indication sur ce point.
Par ordonnance du 15 juillet 2016, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 2 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,
- et les observations de M.B....
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., gendarme et officier de police judiciaire, alors affecté à la brigade de proximité de la gendarmerie de Pleumartin, a saisi le tribunal administratif de Poitiers de deux demandes, tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 18 septembre 2012 par laquelle l'autorité militaire de premier niveau lui a infligé la sanction de quinze jours d'arrêt, d'autre part, de la décision du 4 janvier 2013 par laquelle le ministre de la défense lui a infligé la sanction de retrait d'emploi pendant six mois. Par un jugement du 21 janvier 2015, après avoir joint ces requêtes, le tribunal administratif de Poitiers a prononcé un non-lieu à statuer sur la requête tendant à l'annulation de la sanction du 4 janvier 2013, a annulé la décision du 18 septembre 2012 et le rejet des recours gracieux puis a mis à la charge de l'Etat la contribution à l'aide juridique. Le ministre de la défense relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la sanction du 18 septembre 2012.
2. En vertu des articles L. 4137-1, L. 4137-2 du code de la défense, les fautes ou manquements commis par les militaires les exposent à des sanctions disciplinaires, réparties en trois groupes. S'agissant des sanctions du premier groupe, l'article R. 4137-25 du même code dispose : " Les sanctions disciplinaires du premier groupe pouvant être infligées aux militaires par le ministre de la défense et les autorités militaires sont les suivantes : autorité militaire de premier niveau : avertissement ; consigne de 1 à 20 tours ; réprimande ; arrêts de 1 à 20 jours / autorité militaire de deuxième niveau : avertissement ; consigne de 1 à 20 tours ; réprimande ; blâme ; arrêts de 1 à 30 jours / (...) ministre de la défense : avertissement ; consigne de 1 à 20 tours, réprimande ; blâme ; arrêts de 1 à 40 jours ; blâme du ministre ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
3. L'autorité disciplinaire a fait grief à M.B..., chargé de transmettre au procureur de la République du tribunal de grande instance de Poitiers, conformément à l'article 63 du code de procédure pénale, le bulletin d'interpellation d'une personne placée en garde à vue le 30 mai 2012 à 10 heures 45, de ne pas s'être assuré de la transmission effective de la télécopie. Contrairement à ce que soutient le ministre, les faits reprochés ne révèlent aucun manquement au devoir d'obéissance, notamment aucun refus de se conformer aux directives tendant à la transmission par voie électronique des billets d'interpellation. Ils révèlent tout au plus une négligence dans l'accomplissement des missions. Eu égard notamment au grade et aux responsabilités de M.B..., cette négligence est fautive. Elle pouvait donc légalement justifier une sanction disciplinaire. Toutefois, dans les circonstances de l'affaire, en dépit des antécédents, au demeurant anciens, de l'intéressé qui s'était vu infliger deux sanctions en 2010, une exclusion temporaire de fonctions de deux jours fondée sur le manque d'organisation dans la gestion des procédures, après plusieurs rappels à l'ordre, et quinze jours d'arrêt pour négligence et méconnaissance des consignes, la sanction en cause n'est pas proportionnée à la gravité des fautes commises.
4. Si, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la sanction de quinze jours d'arrêt n'est pas la sanction la plus élevée pouvant être infligée par l'autorité militaire de premier niveau, cette erreur, censurée par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, ne saurait entraîner l'annulation du jugement attaqué.
5. Il en résulte que le ministre de la défense n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la sanction prononcée le 18 septembre 2012 à l'encontre de M.B....
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à payer à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de la défense est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. B...la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la défense et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 7 mars 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Gil Cornevaux, président assesseur,
Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 avril 2017.
Le rapporteur,
Marie-Thérèse Lacau Le président,
Elisabeth Jayat Le greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX00979