Par un recours enregistré le 19 décembre 2014, le ministre de la défense demande à la cour d'annuler ce jugement du 15 octobre 2014 du tribunal administratif de Poitiers et de rejeter la demande de MmeB....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu
- le code de la défense ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,
- et les observations de MmeB....
Considérant ce qui suit :
1. A compter de l'année 2007, il a été fait grief à MmeB..., sous-officier de gendarmerie depuis l'année 1988, de refuser de se soumettre aux campagnes de vaccinations obligatoires, ce qui lui a valu d'être sanctionnée de quinze jours d'arrêt en avril 2007. Ses refus réitérés les années suivantes pour des raisons personnelles, matérialisés par la déclaration de refus en annexe 1 de l'instruction ministérielle n° 3200 du 18 février 2005, lui ont valu d'être déclarée inapte à toute autre affectation qu'au sein d'un centre d'opérations et de renseignement de la gendarmerie (CORG), puis affectée au CORG de Poitiers. Le 23 mai 2011, face au nouveau refus opposé par MmeB..., qui avait été mise en demeure, le 9 octobre 2010, de régulariser sa situation, le ministre de la défense lui a infligé la sanction de " blâme du ministre" en se fondant sur son refus persistant de se soumettre aux vaccinations inscrites au calendrier vaccinal des armées. Par un jugement du 15 octobre 2014, dont le ministre relève appel, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté.
2. Les impératifs de santé publique rendent obligatoires un certain nombre de vaccinations et justifient la possibilité d'instituer par voie règlementaire de telles obligations. Le ministre de la défense, responsable de l'emploi des militaires et du maintien de l'aptitude de ces derniers aux missions qui peuvent à tout moment leur être confiées, peut légalement édicter des dispositions qui sont directement liées aux risques et exigences spécifiques à l'exercice de la fonction militaire. L'obligation de vaccination vise à assurer le maintien en condition d'emploi opérationnelle des forces armées. L'article D. 4122-13 du code de la défense prévoit que les obligations en matière de vaccinations applicables aux militaires, dont les gendarmes font partie, sont fixées par instruction du ministre de la défense.
3. Le ministre a fait grief à Mme B...de persister dans son refus de se soumettre à ses obligations de vaccination fixées par le calendrier vaccinal annuel des armées, en application de l'instruction ministérielle n° 3200 du 18 février 2005, qui présente un caractère règlementaire. MmeB..., qui ne conteste pas la matérialité des faits, conteste l'applicabilité de cette instruction à sa situation de gendarme affectée à des missions civiles, sous l'autorité du ministre de l'intérieur.
4. L'instruction en cause, relative à la pratique des vaccinations dans les armées prévoit au point 1 : "La protection vaccinale participe au maintien de la disponibilité opérationnelle du personnel militaire en tout temps et en tout lieu. Cette protection vaccinale s'appuie sur un calendrier spécifique aux armées ", au point 3.2 : " Le commandement de la formation (...) est responsable de l'application des vaccinations prévues par le calendrier vaccinal au personnel placé sous ses ordres. (...) Il prend les mesures disciplinaires qui s'avèreraient nécessaires à l'égard de ceux qui, par négligence ou refus délibéré, ne se soumettraient pas aux immunisations prescrites ", au point 4 : " Le calendrier vaccinal dans les armées est révisé tous les ans et fait l'objet d'une diffusion par circulaire" et au point 5.4 : " Le refus de se soumettre aux immunisations prévues dans le calendrier vaccinal des armées constitue un motif d'inaptitude à l'engagement ou au rengagement ".
5. Aux termes de l'article L. 3211-1 du code de la défense : " Les forces armées comprennent : 1° L'armée de terre, la marine nationale et l'armée de l'air, qui constituent les armées au sens du présent code ; 2° La gendarmerie nationale ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3211-3 : " La gendarmerie nationale est une force armée instituée pour veiller à l'exécution des lois. La police judiciaire constitue l'une de ses missions essentielles. La gendarmerie nationale est destinée à assurer la sécurité publique et l'ordre public (...). Elle contribue à la mission de renseignement et d'information des autorités publiques, à la lutte contre le terrorisme, ainsi qu'à la protection des populations. Elle participe à la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la nation (...). L'ensemble de ses missions, civiles et militaires, s'exécute sur toute l'étendue du territoire national, hors de celui-ci en application des engagements internationaux de la France, ainsi qu'aux armées ". L'article L. 3225-1 du même code prévoit que : " la gendarmerie nationale est placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur, responsable de son organisation, de sa gestion, de sa mise en condition d'emploi et de l'infrastructure militaire qui lui est nécessaire. Pour l'exécution de ses missions militaires, notamment lorsqu'elle participe à des opérations des forces armées à l'extérieur du territoire national, la gendarmerie nationale est placée sous l'autorité du ministre de la défense. Le ministre de la défense participe à la gestion des ressources humaines de la gendarmerie nationale dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat et exerce à l'égard des personnels militaires de la gendarmerie nationale les attributions en matière de discipline ".
6. Enfin, en vertu de l'article L. 4122-1 du code de la défense, si les militaires doivent obéissance aux ordres de leurs supérieurs, il ne peut leur être ordonné et ils ne peuvent accomplir des actes contraires : " aux lois, aux coutumes de la guerre et aux conventions internationales ". L'article D. 4122-3 du même code rappelle : " le militaire : 1° Exécute loyalement les ordres qu'il reçoit. (...) 3° Ne doit pas exécuter un ordre prescrivant d'accomplir un acte manifestement illégal ou contraire aux règles du droit international applicable dans les conflits armés et aux conventions internationales en vigueur. ".
7. Les vaccinations obligatoires dans les armées conditionnent l'aptitude à servir et participent au maintien de la disponibilité opérationnelle du personnel militaire en tout temps et en tout lieu. Alors même que la gendarmerie nationale, en dehors des missions militaires, est placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur, responsable de sa mise en condition d'emploi au sens de l'article L. 3225-1 du code de la défense, elle est une des composantes des " forces armées " au sens de l'article L. 3211-1 du même code. Ainsi qu'il a été dit, l'obligation de vaccination vise à assurer le maintien en condition d'emploi opérationnelle des forces armées, alors même qu'elles exerceraient des missions civiles. Par suite, le ministre de la défense a pu, sans erreur de droit, se fonder sur le refus réitéré opposé par Mme B...de se faire vacciner et de déférer à cet ordre qui n'était, en tout état de cause, pas " manifestement illégal " ou " contraire aux règles du droit international " au sens des dispositions, citées au point 2, des articles L. 4122-1 et D. 4122-3 du code de la défense.
8. Le ministre de la défense est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la sanction en cause, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de l'illégalité de l'ordre donné sur le fondement d'une instruction inapplicable à la situation de Mme B....
9. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par MmeB....
10. En vertu des dispositions combinées des articles L. 4137-1 et L. 4137-2 du code de la défense, les fautes ou manquements à la discipline commis par les militaires les exposent à des sanctions disciplinaires réparties en trois groupes, comportant, pour le premier : l'avertissement, la consigne, la réprimande, le blâme, les arrêts et le blâme du ministre.
11. Le manquement en cause est de nature à justifier une sanction disciplinaire. En prononçant le " blâme du ministre ", sanction la plus sévère des six sanctions du premier groupe des sanctions disciplinaires, le ministre de la défense n'a pas, dans les circonstances de l'affaire, eu égard notamment à la situation de récidive et à l'absence de contre-indication médicale, en dépit de l'excellente manière de servir de l'intéressée, pris une sanction disproportionnée.
12. Si Mme B...fait valoir que les sanctions infligées sont liées, non au refus de se soumettre aux vaccinations, mais au fait que le médecin du travail l'ait déclarée " inapte au service " et que cette inaptitude révèle l'existence de pressions exercées sur les agents visant à ce qu'ils acceptent la vaccination, le détournement de pouvoir ainsi allégué n'est pas établi.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la défense est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la sanction qu'il a infligée à MmeB....
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 15 octobre 2014 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.
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N° 14BX03559