Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 29 juin 2019 et 4 juillet 2020, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'enjoindre au CCAS du Tampon, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros de retard, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ou, à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge du CCAS du Tampon la somme de 1 627, 50 euros au titre de ses frais de première instance et la somme de 1 627, 50 euros et de 13 euros au titre de ses frais exposés en appel sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision en litige est entachée d'incompétence, dès lors que c'est le conseil d'administration qui a pris la décision et non son président ;
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de droit, car les agissements de harcèlement moral et les actes de discriminations pour lesquels il a porté plainte justifient une protection fonctionnelle ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation : l'armoire enlevée pour les besoins du service et remplacée par la suite par un meuble bas, l'imputabilité au service non délivrée, les congés annuels et autorisations d'absence refusés, les propositions d'amélioration du service refusées, l'attribution d'un bureau impropre à l'accueil avec un taux d'humidité élevé, la non délivrance de ses évaluations, son changement d'affectation, la perte de prime constituent des agissements de harcèlement moral ;
- elle est entachée de détournement de pouvoir.
Par des mémoires enregistrés les 12 septembre 2019 et 16 septembre 2020, le centre social d'action communale du Tampon, représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de M. E... ;
2°) de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Par une ordonnance du 20 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 25 septembre 2020.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2006-1690 du 22 décembre 2006 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... B...,
- et les conclusions de Mme I..., rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Philippe E..., adjoint administratif territorial de 2ème classe, exerçait auprès du centre communal d'action sociale (CCAS) du Tampon des fonctions de responsable administratif au sein du service des aides à domicile. Par une décision du 8 février 2016, le président du CCAS du Tampon lui a donné une nouvelle affectation en qualité d'" assistant administratif " placé sous l'autorité directe de la directrice générale. Cependant, par jugement n° 1600503-1600598 du 26 octobre 2017, devenu définitif, le tribunal administratif de la Réunion a annulé cette décision au motif que le changement d'affectation, qui présentait le caractère d'une mutation interne et non d'une simple mesure d'ordre intérieur, aurait dû donner lieu à consultation de la commission administrative paritaire. L'état de santé de M. E... s'étant ensuite dégradé, il a obtenu le 18 mai 2017, suite à l'avis favorable émis par la commission de réforme le 6 octobre 2016, la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie pour ses arrêts de travail. S'estimant victime de harcèlement moral et de discrimination, M. E... a demandé au président du CCAS, par des lettres des 22 mars et 30 A... 2017 se référant à la plainte simultanément déposée auprès du procureur de la République à son encontre, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle. Cette demande a été rejetée par décision du conseil d'administration du CCAS du 21 juin 2017. M. E... a demandé l'annulation de cette décision au tribunal administratif de La Réunion. Par un jugement du 21 mars 2019, dont il relève appel, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Sur les conclusions en annulation :
2. Aux termes de l'article 11 de la loi précitée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires: " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ".
3. Aux termes de l'article R. 123-23 du code de l'action sociale et des familles : " Le président du conseil d'administration prépare et exécute les délibérations du conseil. Il est ordonnateur des dépenses et des recettes du budget du centre. Il nomme les agents du centre. Il peut, sous sa seule surveillance et sa responsabilité, déléguer une partie de ses fonctions ou sa signature au vice-président et au directeur (...) ".
4. Il résulte des dispositions de l'article R. 123-23 du code de l'action sociale et des familles qu'il n'appartient qu'au président du CCAS de prendre les décisions relatives à la situation individuelle des agents du centre.
5. Toutefois, il résulte du principe d'impartialité que le supérieur hiérarchique mis en cause à raison d'actes non rattachables à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ne peut régulièrement, quand bien même il serait en principe l'autorité compétente pour prendre une telle décision, statuer sur la demande de protection fonctionnelle présentée pour ce motif par son subordonné.
6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment de sa lettre du 30 A... 2017, que M. E... demandait la protection fonctionnelle pour la plainte qu'il avait porté auprès du procureur de la République contre le président du CCAS du Tampon pour discrimination syndicale et harcèlement moral.
7. Si le président du CCAS du Tampon ne pouvait pas légalement, sans manquer à l'impartialité, se prononcer lui-même sur la demande de protection fonctionnelle dont le CCAS était saisi par M. E..., toutefois, l'autorité compétente pour statuer à la place du président, empêché au nom du principe d'impartialité, était le vice-président du CCAS en vertu des dispositions précitées du code de l'action sociale et des familles et non le conseil d'administration du centre.
8. Or, la décision du 21 juin 2017 refusant à M. E... le bénéfice de la protection fonctionnelle a été prise par le conseil d'administration du CCAS du Tampon, sous la présidence de son vice-président, à l'issue d'une délibération prise à la majorité des voix exprimés. Par suite, la décision en litige est entachée d'incompétence.
9. Il résulte de ce qui précède que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 juin 2017. Il y a lieu d'annuler cette décision.
En ce qui concerne les conclusions à fins d'injonction :
10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". L'article L. 911-2 du même code dispose : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. "
11. Il y a lieu, eu égard au seul motif justifiant l'annulation de la décision en litige, de prescrire au président du CCAS ou, en cas d'empêchement pour le motif visé au point 5, au vice-président, de procéder à un réexamen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de procès :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. E..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demande le CCAS du Tampon au titre de ses frais de procès. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du CCAS du Tampon la somme de 1 500 euros à payer à M. E... au titre des frais de procès qu'il a exposés au titre des frais exposés en première instance et devant la cour. Les frais de plaidoirie d'un montant de 13 euros ne peuvent toutefois donner lieu à remboursement au titre des dispositions de l'article R. 761-1 du code précité.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1700766 du 21 mars 2019 du tribunal administratif de La Réunion est annulé.
Article 2 : La décision du centre communal d'action sociale du Tampon du 21 juin 2017 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au président du centre communal d'action sociale du Tampon ou le cas échéant, au vice-président, de procéder à un réexamen de la demande de protection fonctionnelle présentée par M. E... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le centre communal d'action sociale du Tampon est condamné à payer la somme de 1 500 euros à M. E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E... est rejeté.
Article 6 : Les conclusions présentées par le centre communal d'action sociale du Tampon au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E... et au centre communal d'action sociale du Tampon.
Délibéré après l'audience du 1er février 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme F... H..., présidente-assesseure,
Mme C... B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 mars 2021.
Le président,
Didier ARTUS
La République mande et ordonne au au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX02457 2