1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 août 2016, date de réception de sa demande indemnitaire préalable, et de la capitalisation des intérêts, au titre de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence subis à la suite de son exposition à l'amiante ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée est irrégulière car c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a considéré sa requête tardive ;
- le décret du 2 novembre 2016, qui modifie l'article R. 421-3 du code de justice administrative, en soumettant les décisions implicites dont la contestation relève du plein contentieux au droit commun de la naissance du délai de recours, est intervenu postérieurement à sa réclamation préalable ;
- les dispositions transitoires de ce décret sont illégales car l'autorité investie du pouvoir règlementaire ne pouvait que prévoir que ce décret ne s'appliquait qu'à des situations juridiques nées à compter de son entrée en vigueur ;
- les dispositions du décret du 2 novembre 2016 sont illégales car elles méconnaissent le principe général du droit de sécurité juridique. En effet, les dispositions transitoires heurtent directement le principe de sécurité juridique car elles sont applicables aux réclamations préalables réceptionnées avant son entrée en vigueur. Elles sont rétroactives car avant sa publication, M. C... n'était forclos par aucun délai, à l'exception de la prescription quadriennale. A la date de réception par l'administration de sa réclamation préalable, ainsi qu'à date de la décision implicite de rejet née le 22 octobre 2016, il n'avait aucune obligation de saisir l'administration dans le délai de deux mois ;
- l'administration n'ayant pas accusé réception de sa demande, sa requête présentée dans le délai d'un an à compter de la naissance de la décision implicite de rejet est recevable ;
- il entend exciper de l'illégalité de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration, qui rend inapplicable aux agents de l'administration les règles relatives à la délivrance d'un accusé de réception. Cet article méconnaît le principe d'égalité devant la loi, dès lors qu'aucune différence de traitement n'est justifiée ;
- sur le fond, la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute car il a été exposé pendant toutes ses années d'activités au sein des services des " phares et balises " à l'inhalation de poussières d'amiante ;
- compte tenu de la perte de son espérance de vie, il est fondé à demander la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 15 000 euros au titre de ses troubles subis dans les conditions d'existence.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 décembre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour de rejeter la requête de M. C....
Il soutient que :
- la requête présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Poitiers enregistrée le 22 mars 2017 était tardive ;
- M. C... ne peut se prévaloir par voie d'exception de l'illégalité des dispositions de l'article 35 du décret du 2 novembre 2016 ;
- les dispositions de ce décret ne méconnaissent pas le principe de sécurité juridique dans la mesure où pour les décisions implicites de rejet nées avant le 1er janvier 2017, les intéressés disposent d'un délai de deux mois pour introduire leur recours de plein contentieux ;
- M. C... n'est pas fondé à invoquer par voie d'exception l'illégalité des dispositions de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration, car la différence de traitement est justifiée.
Par une ordonnance du 17 décembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 janvier 2020 à 12h00.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... A...,
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., agent du ministère de l'Equipement puis du ministère chargé de l'Ecologie depuis le 3 mai 1982, a exercé d'abord les fonctions d'électromécanicien de phares puis de contrôleur de " phares et balises ", ensuite d'agent de centre d'exploitation et d'intervention des " phares et balises " et a occupé à partir du 7 avril 2010 les fonctions de responsable d'exploitation de la signalisation maritime au sein de la direction interrégionale de la mer sud Atlantique jusqu'au 1er avril 2017, date à partir de laquelle il a bénéficié de l'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité au titre de l'amiante. Par un courrier du 19 août 2016, réceptionné le 22 août suivant, il a demandé au ministre de l'écologie une indemnisation d'un montant de 30 000 euros en réparation des préjudices dont il estime avoir été victime du fait de l'inhalation pendant plusieurs années de poussières d'amiante. Suite au silence gardé par l'administration, il a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'un recours indemnitaire. Par une ordonnance du 9 février 2018, le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande comme étant tardive. M. C... relève appel de cette ordonnance.
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. Pour opposer à M. C... la tardiveté de sa demande enregistrée au greffe de la juridiction le 22 mars 2017, le président du tribunal administratif de Poitiers a estimé que M. C... avait présenté sa demande indemnitaire après l'expiration du délai de deux mois qui avait couru à compter de la décision implicite de rejet du ministre de l'environnement intervenue le 22 octobre 2016. M. C... invoque, par la voie d'exception, l'illégalité du décret du 2 novembre 2016 au motif qu'il porterait atteinte à des situations déjà constituées, ainsi qu'au principe de sécurité juridique.
3. En vertu de l'article R. 421-2 du code de justice administrative, sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Par dérogation à cette règle, l'article R. 421-3 du même code, dans sa rédaction applicable antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative, disposait que " l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : / 1° En matière de plein contentieux (...) ". Il en résultait que lorsqu'une personne s'était vue tacitement opposer un refus susceptible d'être contesté dans le cadre d'un recours de plein contentieux, ce recours n'était enfermé, en l'état des textes alors en vigueur, dans aucun délai, sauf à ce que cette décision de refus soit, sous forme expresse, régulièrement notifiée à cette personne, un délai de recours de deux mois courant alors à compter de la date de cette notification.
4. Le décret du 2 novembre 2016 a supprimé le 1° de l'article R. 421-3 du code de justice administrative à compter du 1er janvier 2017 et a prévu que les nouvelles dispositions de cet article s'appliqueraient aux requêtes enregistrées à partir de cette date. Il en résulte que, s'agissant des décisions implicites relevant du plein contentieux, la nouvelle règle selon laquelle, sauf dispositions législatives ou réglementaires qui leur seraient propres, le délai de recours de deux mois court à compter de la date à laquelle elles sont nées, est applicable aux décisions nées à compter du 1er janvier 2017.
5. S'agissant, en revanche, des décisions nées avant le 1er janvier 2017, les dispositions citées au point précédent n'ont pas pour objet et n'auraient pu légalement avoir pour effet de déroger au principe général du droit selon lequel, en matière de délai de procédure, il ne peut être rétroactivement porté atteinte aux droits acquis par les parties sous l'empire des textes en vigueur à la date à laquelle le délai a commencé à courir. Il s'ensuit que, s'agissant des refus implicites nés avant le 1er janvier 2017 relevant du plein contentieux, le décret du 2 novembre 2016 n'a pas fait courir le délai de recours contre ces décisions à compter de la date à laquelle elles sont nées mais, pour les refus implicites nés avant le 1er janvier 2017, a fait courir un délai franc de recours de deux mois à compter du 1er janvier 2017, soit jusqu'au 2 mars 2017. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le décret du 2 novembre 2016 aurait porté illégalement atteinte aux droits acquis résultant d'une situation constituée avant l'entrée en vigueur de ce décret.
6. En second lieu, les règles énoncées aux points 3 et 4 doivent être combinées avec les dispositions issues de l'article 19 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration et désormais codifiées à l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration, aux termes desquelles, les délais de recours contre une décision implicite de rejet ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception prévu par l'article L. 112-3 du même code ne lui a pas été transmis ou que celui-ci ne porte pas les mentions prévues à l'article R. 112-5 de ce code et, en particulier, la mention des voies et délais de recours, ainsi qu'avec celles des dispositions de l'article L. 112-2 du même code, aux termes desquelles : " Les dispositions de la présente sous-section ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents ". Le principe de sécurité juridique fait obstacle à ce que le demandeur, lorsqu'il est établi qu'il a eu connaissance de la décision implicite qui lui a été opposée, puisse la contester indéfiniment du seul fait que l'administration ne lui a pas délivré d'accusé de réception de sa demande ou n'a pas porté sur l'accusé de réception les mentions requises. Ainsi, en ce qui concerne les décisions implicites de rejet relevant du plein contentieux nées avant le 1er janvier 2017, dont il est établi que le demandeur a eu connaissance avant cette date, mais pour lesquelles l'administration, alors qu'elle était soumise à cette obligation, n'a pas délivré d'accusé de réception ou a délivré un accusé de réception ne comportant pas les mentions requises, le délai raisonnable d'un an court à compter du 1er janvier 2017, ainsi qu'il est dit au point 5, et expire le 31 décembre 2017, sauf circonstances particulières invoquées par le requérant.
7. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le délai de recours contentieux de deux mois contre les décisions implicites de rejet relevant du plein contentieux intervenues antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 2 novembre 2016 a commencé à courir le 1er janvier 2017. Toutefois, le recours de M. C... est un litige entre l'administration et l'un de ses agents. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que l'accusé de réception mentionné à l'article 19 de la loi du 12 avril 2000, désormais codifié à l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration, ne concerne pas les relations entre l'administration et ses agents. Par suite, M. C... ne disposait pas d'un délai d'un an à compter du 1er janvier 2017, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 2017 pour introduire sa requête, mais d'un délai de deux mois courant à compter du 1er janvier 2017. Son recours indemnitaire enregistré au greffe du tribunal administratif de Poitiers le 22 mars 2017 a, dès lors, été présenté après l'expiration de ce délai.
8. Si M. C... soutient que les dispositions précitées de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration méconnaissent le principe d'égalité, ces dispositions ont pour objet de renforcer les droits des citoyens dans leurs relations avec les autorités administratives, sans viser à intervenir dans les relations entre l'administration et ses agents. Ainsi, ces dispositions ne procèdent pas de distinctions injustifiées et assurent aux justiciables des garanties propres à chacune des différentes natures de litiges qu'ils sont susceptibles d'avoir avec l'administration. Par suite, l'exception d'illégalité des dispositions de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration, doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Poitiers a jugé que son recours était tardif. Dès lors la requête de M. C... doit être rejetée.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demande M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de la transition écologique.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. B... Artus, président,
Mme E... F..., présidente-assesseure,
Mme D... A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 novembre 2020.
Le rapporteur,
Déborah A...Le président,
Didier ARTUSLe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX01332