Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 février 2019, Mme E..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a limité son indemnisation à la période du 1er novembre 2015 au 22 mars 2016 ;
2°) de condamner Météo-France à lui verser une somme de 15 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable, du fait de son refus fautif de l'indemniser au titre des congés annuels non pris pour les périodes de 2009 à 2014, de novembre 2014 à novembre 2015 et du 2 novembre 2015 au 29 novembre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de Météo France la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement sera confirmé en tant qu'il a admis qu'elle avait droit, à la suite de sa radiation des cadres, à l'indemnisation de ses congés non pris ;
- en revanche, elle est fondée à demander sa réformation en tant qu'il a rejeté sa demande portant sur ses congés non pris acquis au cours de la période du 2 novembre 2009 au 1er novembre 2014. En effet, si la jurisprudence a admis en cas d'impossibilité de prendre des congés, non pris du fait d'un congé de maladie, la possibilité de reporter ces congés payés dans un délai de quinze mois après le terme de cette année, un tel délai ne s'applique pas aux demandes d'indemnisation ;
- elle est fondée à demander une indemnité représentative de congés payés pour la période du 2 novembre 2009 au 1er novembre 2014, dès lors que son employeur ne l'a pas mise en mesure de prendre ses congés payés en raison de ses congés de maladie et ne l'a pas informée de la procédure à suivre pour demander le report de ses congés annuels ou leur indemnisation ;
- pour la période comprise entre le 2 novembre 2014 et le 1er novembre 2015, Météo-France n'établit pas qu'elle était placée dans une position ne lui donnant pas droit à des congés payés ;
- l'indemnisation de ses congés non pris doit couvrir, au titre de l'année 2016, la période allant jusqu'au 27 novembre 2016, date de consolidation de son état de santé, et non la période allant jusqu'au 22 mars 2016, retenue par le tribunal, dès lors que ces arrêts de travail sont imputables au service ;
- en ce qui concerne les bases de calcul des jours de congés annuels, il y a lieu de prendre en compte cinq semaines de congés payés et non quatre, comme l'a retenu le tribunal et de lui accorder l'indemnisation de ses congés non pris, sur la base de 25 jours de congés par an.
Par un mémoire enregistré le 18 avril 2019, Météo France, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par Mme E... ;
2°) de mettre à sa charge la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, ensemble les arrêts C-350/06 et C-520/06 du 20 janvier 2009 de la Cour de justice de l'Union européenne, C-214/10 du 22 novembre 2011de la Cour de justice de l'Union européenne, C-337/10 du 3 mai 2012 de la Cour de justice de l'Union européenne, C-619/16 du 6 novembre 2018 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 86-972 du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l'Etat ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F... B...,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure publique,
- et les observations de Me A..., représentant Mme E..., et de Me D..., représentant Météo France.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., technicienne supérieure de la météorologie de Météo-France, affectée à compter de l'année 1990 au centre départemental de Bordeaux-Mérignac, a été mutée le 17 novembre 2002, dans le cadre d'une réorganisation des services, au sein de la division Commerce-communication de cet établissement. A compter du 2 novembre 2009, elle a été placée en congé de longue durée, prolongé jusqu'au 1er novembre 2014. Mme E... ayant sollicité sa réintégration à mi-temps thérapeutique, le comité médical a émis le 18 juin 2015 un avis favorable à sa reprise de fonctions à temps partiel thérapeutique pour une durée de trois mois " dans les plus brefs délais ". Par décision du 16 octobre 2015, le président-directeur général de Météo-France a réintégré Mme E... dans ses fonctions à temps partiel thérapeutique pour une période de trois mois à compter du 1er novembre 2015 et l'a affectée d'office à Toulouse dans l'intérêt du service. Le jour de sa réintégration, le 2 novembre 2015, Mme E... a été victime d'un accident sur le trajet pour se rendre de son domicile à son travail et a été placée en congé de maladie ordinaire du 2 novembre 2015 au 1er février 2016. Le 20 juin 2016, elle a été radiée des cadres pour abandon de poste. Le 30 mars 2017, Mme E... a demandé le paiement des congés payés non pris en raison de son congé de maladie. Par lettre datée du 17 juillet 2017, elle a formé un recours préalable tendant au paiement des congés payés non pris du fait de ses congés de maladie. Mme E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse la condamnation de Météo France à lui verser une indemnité représentative de congés payés non pris en raison de son congé de maladie pour les périodes de 2009 à 2014, de novembre 2014 à novembre 2015 et du 2 novembre 2015 au 29 novembre 2016, d'un montant de 15 000 euros. Elle relève appel du jugement du 29 novembre 2018 en tant que le tribunal administratif de Toulouse, après avoir condamné Météo France à lui verser une indemnité pour congés annuels non pris au titre des mois de novembre et décembre 2015 et au titre des mois janvier à mars 2016, sur la base de 1,6 jour par mois de traitement et après avoir renvoyé Mme E... devant l'administration en vue de la liquidation de cette indemnité, avec les intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2017, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le principe d'indemnisation des congés annuels non pris :
2. Tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transpositions nécessaires. Aux termes de l'article 7 de la directive n° 2003/88 du 4 novembre 2003 susvisée, dont le délai de transposition expirait le 23 mars 2005 : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. 2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. ". Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, ces dispositions font obstacle à ce que le droit au congé annuel payé qu'un travailleur n'a pas pu exercer pendant une certaine période parce qu'il était placé en congé de maladie pendant tout ou partie de cette période s'éteigne à l'expiration de celle-ci. Le droit au report des congés annuels non exercé pour ce motif n'est toutefois pas illimité dans le temps. Si, selon la Cour, la durée de la période de report doit dépasser substantiellement celle de la période au cours de laquelle le droit peut être exercé, pour permettre à l'agent d'exercer effectivement son droit à congé sans perturber le fonctionnement du service, la finalité même du droit au congé annuel payé, qui est de bénéficier d'un temps de repos ainsi que d'un temps de détente et de loisirs, s'oppose à ce qu'un travailleur en incapacité de travail durant plusieurs années consécutives, puisse avoir le droit de cumuler de manière illimitée des droits au congé annuel payé acquis durant cette période. La Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans son arrêt C-214/10 du 22 novembre 2011, qu'une durée de report de quinze mois, substantiellement supérieure à la durée de la période annuelle au cours de laquelle le droit peut être exercé, est compatible avec les dispositions de l'article 7 de la directive.
3. Aux termes de l'article 2 du décret précité du 26 octobre 1984 : " Les fonctionnaires qui n'exercent pas leurs fonctions pendant la totalité de la période de référence ont droit à un congé annuel dont la durée est calculée au prorata de la durée des service accomplis. (...) ". Enfin aux termes de l'article 5 du même décret : " Le congé dû pour une année de service accompli ne peut se reporter sur l'année suivante, sauf autorisation exceptionnelle donnée par le chef de service. / Un congé non pris ne donne lieu à aucune indemnité compensatrice. ". Ces dispositions réglementaires, qui ne prévoient pas l'indemnisation des congés annuels qui n'ont pu être pris du fait de la fin de la relation de travail et qui prévoient le report des congés non pris au cours d'une année de service qu'à titre exceptionnel, sans réserver le cas des agents qui ont été dans l'impossibilité de prendre leurs congés annuels en raison d'un congé de maladie, sont, dans cette mesure, incompatibles avec les dispositions de l'article 7 de la directive 2003/88/CE citées au point 2 et, par suite, illégales.
4. Météo-France Météo-France ne conteste pas en appel que Mme E... a droit, lors de sa sortie du service, à une indemnité financière pour congé annuel non pris en raison du fait qu'elle n'a pas exercé ses fonctions pour cause de maladie.
En ce qui concerne le nombre de jours de congés indemnisables :
5. En premier lieu, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires fixant une période de report des congés payés qu'un agent s'est trouvé, du fait d'un congé maladie, dans l'impossibilité de prendre au cours d'une année civile donnée, le juge peut en principe considérer, afin d'assurer le respect des dispositions de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, que ces congés peuvent être pris au cours d'une période de quinze mois après le terme de cette année. Ainsi qu'il a déjà été dit, la Cour de justice de l'Union européenne a en effet jugé, dans l'arrêt précité, qu'une telle durée de quinze mois, substantiellement supérieure à la durée de la période annuelle au cours de laquelle le droit peut être exercé, est compatible avec les dispositions de l'article 7 de la directive.
6. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la durée de quinze mois de report de congés payés, après le terme de l'année civile pendant laquelle le droit à congé annuel payé doit pouvoir être exercé par l'agent s'étant trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels payés du fait d'un congé maladie correspond aux modalités de calcul de l'indemnité compensatrice de congé payé à laquelle l'agent a droit au moment de sa sortie du service. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que le délai de report d'une période de quinze mois ne s'appliquerait pas aux demandes aux fins d'indemnisation.
7. En deuxième lieu, il résulte de l'article 7 de la directive 2003/88, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-337/10 du 3 mai 2012, " qu'il ne s'oppose pas à des dispositions du droit national accordant au fonctionnaire des droits à congé payé supplémentaires s'ajoutant au droit à un congé annuel payé minimal de quatre semaines, sans que soit prévu le paiement d'une indemnité financière lorsque le fonctionnaire partant à la retraite n'a pas pu bénéficier de ces droits supplémentaires en raison du fait qu'il n'a pu exercer ses fonctions pour cause de maladie ".
8. En l'absence de disposition législative ou réglementaire plus favorable, les droits à indemnisation de l'agent doivent être calculés en référence à la rémunération qu'il aurait normalement perçue lors des congés annuels qu'il n'a pas pu prendre, à raison de quatre semaines par an. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que dans son jugement, le tribunal a calculé ses droits à indemnisation dans la limite de quatre semaines par an.
S'agissant de la période du 2 novembre 2009 au 1er novembre 2014 :
9. Mme E... soutient, en s'appuyant sur l'interprétation apportée par la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt C-619/16 du 6 novembre 2018, qu'elle a droit à une indemnité représentative de congés payés pour la période précitée dès lors qu'elle n'a pas été en mesure de prendre ses congés payés en raison de ses congés de maladie et n'a pas informée de la procédure à suivre pour demander le report de ses congés annuels ou leur indemnisation pendant toute cette période.
10. Il résulte de l'article 7 de la directive 2003/88, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt précité qu'il " ne s'oppose pas, en principe, à une réglementation nationale qui prévoit des modalités d'exercice du droit au congé annuel payé expressément accordé par cette directive, comprenant même la perte dudit droit à la fin d'une période de référence ou d'une période de report, à condition toutefois que le travailleur dont le droit au congé annuel payé est perdu ait effectivement eu la possibilité d'exercer le droit que ladite directive lui confère ".
11. Toutefois, il résulte du même arrêt que le respect de cette obligation par l'employeur s'apprécie au jour où la relation de travail entre le travailleur et celui-ci prend fin. Dès lors qu'au terme de la période précitée, Mme E... était toujours dans une position d'activité, elle ne peut utilement faire valoir que Météo-France n'aurait pas respecté son obligation de la mettre en mesure de pouvoir prendre ses congés payés, ni informée de la procédure à suivre pour demander le report de ses congés annuels ou leur indemnisation entre le 2 novembre 2009 et le 1er novembre 2014.
12. Il s'ensuit qu'ainsi que l'a jugé le tribunal, pour la période au cours de laquelle Mme E... a été placée en congé de longue durée du 2 novembre 2009 au 1er novembre 2014, son droit au report des congés annuels non pris au titre de l'année 2014 expirait le 1er avril 2016. Dès lors, à la date de la notification de la décision de radiation des cadres mettant fin à sa relation de travail avec Météo-France le 22 juin 2016, son droit au report des congés annuels acquis au titre du 1er janvier 2014 au 1er novembre 2014 était expiré et les congés annuels acquis au titre de cette année, non pris en raison de la maladie, ne pouvaient plus être indemnisés. Il en va de même, a fortiori, pour les congés annuels acquis au titre des années antérieures de 2009 à 2013.
S'agissant de la période du 2 novembre 2014 au 22 juin 2016 :
13. En premier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que Mme E... aurait été hors de la position d'activité du 2 novembre 2014 au 1er novembre 2015 et n'aurait pas bénéficié de congés payés réservés aux fonctionnaires en activité. Toutefois, pour les mêmes motifs que ce qui vient d'être dit au point 11, ses congés annuels acquis du 2 novembre 2014 au 31 décembre 2014 ne pouvaient plus être indemnisés.
14. En revanche, s'agissant de la période courant à compter du 1er janvier 2015, si Mme E... demande que l'indemnité pour congés non pris soit calculée jusqu'à la date de consolidation de son état de santé, toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 12 qu'elle n'a droit à des congés payés que jusqu'à sa radiation des cadres. Il résulte de l'instruction qu'en raison d'un accident reconnu imputable au service, Mme E... a été placée en congé de maladie du 2 novembre 2015 jusqu'au 22 juin 2016, date de notification de l'arrêté la radiant des cadres. Par conséquent, son droit au report des congés annuels non pris au titre de l'année 2015 expirait le 1er avril 2017. Ainsi, à la date de la décision de radiation des cadres, notifiée le 22 juin 2016, son droit au report des congés annuels acquis au titre du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 n'était pas expiré. Il en va, a fortiori, de même pour ses congés annuels acquis au titre de l'année 2016 pour la période du 1er janvier 2016 au 22 juin 2016.
15. Il suit de là que Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a limité ses droits à indemnisation à la période du 2 novembre 2015 au 22 mars 2016.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'a droit qu'à l'indemnisation des jours de congés non pris au titre de l'année 2015 et de ceux non pris du 1er janvier 2016 au 22 juin 2016, dans la limite de vingt jours annuels, calculée sur la base de son traitement à taux plein et des indemnités y afférentes. Par suite, Mme E... est fondée à demander le versement de la somme correspondante, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2017, date de réception par Météo-France de sa réclamation préalable. Les pièces versées au dossier ne permettant pas de déterminer le montant exact de la somme due, il y a lieu de renvoyer Mme E... devant Météo-France pour la liquidation de la somme qui lui est due.
Sur les frais d'instance :
17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Météo-France versera à Mme E... une indemnité pour congés annuels non pris au titre de l'année 2015 et du 1er janvier 2016 au 22 juin 2016, dans la limite de quatre semaines annuels, calculée sur la base de son traitement à taux plein et des indemnités y afférentes. Mme E... est renvoyée devant l'administration en vue de la liquidation de l'indemnité qui lui est due. Cette indemnité sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2017.
Article 2 : Le jugement n°1703310 du 29 novembre 2018 du tribunal administratif de Toulouse est réformé à ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de Météo-France présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme G... E... et au président-directeur général de Météo-France.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme F... B..., première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2021.
Le président,
Didier ARTUS
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui les concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°19BX00519