Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 août 2018, M. A..., représenté par la S.E.L.A.F.A cabinet Cassel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 29 avril 2016 du ministre de l'économie et des finances ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'économie et des finances de le placer en congé de longue maladie du 4 août 2015 au 16 janvier 2016 et de l'autoriser à reprendre ses fonctions à mi-temps thérapeutique à compter du 16 janvier 2016, et en toute hypothèse de réexaminer son dossier dans le sens de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car sa demande de première instance était recevable dès lors qu'elle était suffisamment motivée ;
- la décision attaquée est entachée d'incompétence ;
- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière car il n'a pas été informé de la date à laquelle le comité médical se réunissait, ni de ses droits à communication de son dossier ni de la possibilité de faire entendre un médecin de son choix ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation car sa pathologie justifiait la prolongation de son congé de longue maladie puis la reprise de ses fonctions à mi-temps thérapeutique.
Par un mémoire enregistré le 10 mai 2019, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action publique et des finances publiques demandent à la cour de rejeter la requête de M. A....
Ils soutiennent que :
- la requête d'appel de M. A... est partiellement irrecevable, car sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 avril 2019 est nouvelle en appel ;
- ses conclusions en injonction sont irrecevables, car les dispositions des articles L. 911-1 et L.911-2 du code de justice administrative sont inapplicables en l'espèce ;
- aucun moyen n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... B...,
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été recruté par l'Etat en qualité de secrétaire administratif et a été affecté depuis le 1er avril 1988 à la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) de la Guyane jusqu'à son admission à la retraite à compter du 2 mars 2018. Après avoir bénéficié d'un congé de maladie ordinaire du 4 novembre au 6 décembre 2014, il a demandé le 15 janvier 2015, un congé de longue maladie. Après un avis favorable du comité départemental de la Guyane du 16 juillet 2015, il a été placé rétroactivement, par un arrêté du 16 octobre 2015, en congé de longue maladie pour une durée de neuf mois du 4 novembre 2014 au 3 août 2015. Puis, M. A... a demandé à deux reprises les 12 juin et 11 septembre 2015, la prolongation de son congé de longue maladie pour une durée de trois mois. Par ailleurs, le 16 décembre 2015, il a sollicité une reprise à mi-temps thérapeutique à compter du 16 janvier 2016. Après avoir demandé des précisions médicales, puis une expertise spécialisée et une contre-visite, le comité départemental de la Guyane a, le 21 avril 2016, émis un avis défavorable à toutes ses demandes. Par une décision du 29 avril 2016, notifiée le 18 mai 2016, la directrice des ressources humaines du secrétariat général des ministères économiques et financiers, agissant par délégation des ministres de l'économie et des finances, l'a placé en congé de maladie ordinaire du 4 août 2015 au 8 mai 2016 et a considéré qu'il était apte à reprendre ses fonctions à compter du 9 mai 2016. Le 18 juillet 2016, M. A... a saisi le tribunal administratif de la Guyane d'un recours " administratif " contre la décision du 29 avril 2016 refusant la prolongation de son congé de longue maladie et sa reprise à mi-temps thérapeutique à compter du 16 janvier 2016, ainsi que d'une demande tendant au rétablissement de ses droits pour la période du 4 novembre 2015 au 8 mai 2016 avec une " prise en compte de l'intégralité de [son] traitement et [ses] primes ". Par un jugement du 14 juin 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande comme étant irrecevable. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 29 avril 2016 :
2. En exerçant " un recours administratif " concernant les refus de lui accorder un congé de longue maladie et une reprise à mi-temps thérapeutique, et en demandant " que ses droits soient rétablis ", M. A... devait être regardé comme ayant demandé au tribunal administratif de la Guyane l'annulation de la décision du 29 avril 2016 refusant la prolongation de son congé de longue maladie et sa reprise à mi-temps thérapeutique à compter du 16 janvier 2016 et comme présentant des conclusions en injonction afin que ses droits soient rétablis pour la période du 4 novembre 2015 au 8 mai 2016. Les conclusions d'appel formulées contre la décision du 29 avril 2016 ne sont pas, par suite, des conclusions nouvelles. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie et des finances doit être écartée.
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".
4. Il ressort des pièces du dossier que dans sa requête introductive d'instance déposée devant le tribunal administratif de la Guyane, M. A... invoquait " un défaut d'information " par le comité médical et contestait son passage à demi-traitement à compter du 4 novembre 2015 jusqu'au 8 mai 2016. Contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, cette requête contenait bien l'exposé de moyens et ainsi qu'il a été dit au point 2, l'énoncé des conclusions. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a retenu la fin de non-recevoir opposée par l'administration en défense, tirée du défaut de motivation de sa requête, et l'a rejetée comme irrecevable. Il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement attaqué et de statuer sur ses conclusions par la voie de l'évocation.
Sur les conclusions en annulation de la décision du 29 avril 2016 :
5. Aux termes de l'article 34 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Lorsqu'un chef de service estime, au vu d'une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs hiérarchiques, que l'état de santé d'un fonctionnaire pourrait justifier qu'il lui soit fait application des dispositions de l'article 34 (3° ou 4°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, il peut provoquer l'examen médical de l'intéressé dans les conditions prévues aux alinéas 3 et suivants de l'article 35 ci-dessous. Un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné doit figurer au dossier soumis au comité médical. ". Selon les dispositions des alinéas 3 et suivants de l'article 35 de ce même décret : " (...) le secrétaire du comité médical fait procéder à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé compétent pour l'affection en cause. / Le dossier est ensuite soumis au comité médical compétent. (...) / L'avis du comité médical est transmis au ministre (...) ". En vertu de l'article 7 de ce même décret : " Les comités médicaux sont chargés de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois publics, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie et de la réintégration à l'issue de ces congés. Ils sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : / (...) 3. Le renouvellement des congés de longue maladie et de longue durée. 4. La réintégration après douze mois consécutifs de congé de maladie ou à l'issue d'un congé de longue maladie ou de longue durée. 4. L'aménagement des conditions de travail du fonctionnaire après congé ou disponibilité (...). Le secrétariat du comité médical informe le fonctionnaire : / - de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier ; / - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de faire entendre le médecin de son choix ; / - des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur. ".
6. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... n'a pas été informé par l'administration, préalablement à la réunion du comité médical qui devait examiner son cas, de ses droits concernant la communication de son dossier ni de la faculté dont il disposait de faire entendre un médecin de son choix ni des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur. En conséquence, M. A... a été privé d'une garantie. Par suite, il est fondé à soutenir que la procédure suivie devant le comité médical a méconnu les dispositions de l'article 7 du décret du 14 mars 1986 et se trouve, de ce fait, entachée d'irrégularité.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens, que M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision du 29 avril 2016 par laquelle le ministre de l'économie et des finances a rejeté sa demande de prolongation de son congé de longue maladie, ainsi que sa demande de reprise à mi-temps thérapeutique à compter du 16 janvier 2016 et l'a placé en congé de maladie ordinaire du 4 août 2015 au 8 mai 2016.
En ce qui concerne les conclusions à fins d'injonction :
9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. " L'article L. 911-2 du même code dispose : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. "
10. Les conclusions à fins d'injonction de M. A... sont présentées en lien avec sa demande principale tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'économie et des finances du 29 avril 2016. Par suite, le ministre de l'économie et des finances n'est pas fondé à soutenir que ces conclusions ne sont pas recevables.
11. Le présent arrêt, compte tenu de la garantie dont M. A... été privé et de ses conséquences possibles sur le sens de la décision prise, implique seulement que le ministre de l'économie et des finances réexamine les droits de M. A... au bénéfice d'une prolongation de son congé de longue maladie. Il y a lieu, en application des dispositions précitées, de lui prescrire de procéder à ce réexamen dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. A....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1600476 du 14 juin 2018 du tribunal administratif de la Guyane et la décision du 29 avril 2016 du ministre de l'économie et des finances sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'économie et des finances de procéder au réexamen des droits de M. A... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5: Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à M. C... A....
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme E... G..., présidente,
Mme F... H..., présidente-assesseure,
Mme D... B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2020.
La présidente,
Brigitte PHEMOLANT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03066