Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 février 2019 et le 30 janvier 2020, la commune de Saint-Rémy, représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 décembre 2018 ;
2°) de rejeter les demandes de Mme B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions indemnitaires présentées Mme B... sont irrecevables faute de liaison du contentieux ; au surplus sa demande d'indemnisation de son préjudice moral est irrecevable car non formulée dans sa réclamation préalable ;
- c'est à tort que les premiers juges ont regardé comme recevables les conclusions de l'intéressée après les avoir regardées comme étant également dirigées contre l'arrêté modificatif du 27 juillet 2016 ; l'arrêté du 27 juillet 2016 est devenu définitif en l'absence de recours dirigé contre cet acte ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'arrêté du 10 juin 2016 était illégal.
Par mémoires en défense, enregistrés le 18 septembre 2019 et le 10 février 2020, Mme B..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête, à ce que la commune de Saint-Rémy soit condamnée à lui verser la somme de 20 234,60 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de son licenciement, et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Rémy sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le contentieux indemnitaire a été lié en cours d'instance ;
- les moyens soulevés par la commune de Saint-Rémy ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 13 juin 2019.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... G...,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été recrutée le 1er juillet 2015 par la commune de Saint-Rémy, par la voie d'un contrat à durée déterminée de trois mois, en qualité d'adjoint administratif en vue d'exercer les fonctions de secrétaire de mairie. Ce contrat a été renouvelé, le 30 septembre 2015, pour une durée de trois ans. Par un arrêté du 10 juin 2016, le maire de la commune de Saint-Rémy a licencié Mme B... pour insuffisance professionnelle à compter du 27 juillet 2016. Puis, par un arrêté du 27 juillet 2016, cette même autorité a modifié la date d'effet de ce licenciement pour la porter au 28 juillet 2016. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juin 2016 et tendant à ce que la commune de Saint-Rémy soit condamnée à lui verser la somme de 61 984,50 euros. Par un jugement n° 1603611 du 4 décembre 2018, le tribunal a annulé les arrêtés du 10 juin 2016 et du 27 juillet 2016 et a rejeté le surplus de la demande de Mme B.... La commune de Saint-Rémy relève appel de ce jugement du 4 décembre 2018 par la voie de l'appel principal et Mme B... demande que la commune soit condamnée à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi par la voie de l'appel incident.
Sur l'appel incident de Mme B... :
2. Les conclusions incidentes par lesquelles Mme B... demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires soulèvent un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel principal présenté par la commune de Saint-Rémy relatif à l'annulation de l'arrêté du 10 juin 2016. Par suite, ces conclusions, qui ont été enregistrées après l'expiration du délai d'appel, ne sont pas recevables et doivent être rejetées.
Sur l'appel principal de la commune de Saint-Rémy :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., secrétaire de mairie pour la commune de Saint-Rémy, a contesté devant le tribunal administratif de Toulouse la décision du 10 juin 2016 la licenciant pour insuffisance professionnelle à compter du 27 juillet 2016. Par une nouvelle décision du 27 juillet 2016, qui est motivée par la rectification d'une erreur matérielle, la date de la fin de fonctions de Mme B... avait été modifiée pour être portée au 28 juillet 2016 par le maire de la commune de Saint-Rémy. Dans sa demande devant le tribunal administratif de Toulouse, Mme B... contestait la décision du 10 juin 2016 mais également celle du 27 juillet 2016 qu'elle a jointe à sa demande et qu'elle estimait également illégale. Aussi, c'est à bon droit, en dépit de l'absence de formulation expresse d'une demande de Mme B... d'annulation de la décision du 27 juillet 2016 qui ne corrigeait que très accessoirement la décision de licenciement quant au report d'un jour de la date de prise d'effet du licenciement, que les premiers juges ont décidé qu'il y avait lieu d'interpréter la demande de Mme B... comme dirigée contre la décision du 10 juin 2016 mais également contre la décision du 27 juillet 2016. Par suite, le jugement contesté du tribunal administratif de Toulouse n'est pas irrégulier sur ce point.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article 93 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " Le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire. / Le fonctionnaire licencié pour insuffisance professionnelle peut recevoir une indemnité dans des conditions qui sont fixées par décret. ".
5. Le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments manifestant son inaptitude à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l'agent ni qu'elle ait persisté après qu'il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées. Par suite, une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement.
6. La décision de licencier Mme B... pour insuffisance professionnelle, repose sur les motifs de son incompétence, sa négligence, son absence d'implication dans l'exercice de ses fonctions de secrétaire de mairie et sur le comportement de l'intéressée révélant un dysfonctionnement relationnel à l'égard de la hiérarchie et de ses collègues.
7. Toutefois, et ainsi que l'ont décidé les premiers juges, s'il ressort des courriers adressés par la Trésorerie de Villefranche-de-Rouergue que 21 mandats de paiement ont été rejetés entre le 14 octobre 2015 et le 12 mai 2016 pour des erreurs imputables à Mme B..., ce nombre est à rapporter aux centaines de mandats émis par l'intéressée, comme l'atteste le grand livre des comptes de la commune. Ainsi, ces erreurs, au demeurant rectifiées par Mme B... et qui n'ont emporté aucune conséquence pour la commune, sont insuffisantes pour établir une négligence ou une incompétence de la part de l'intéressée dans l'exercice de ses attributions en matière de finances. Il en va de même des erreurs commises par Mme B... dans l'élaboration des compte-rendu de réunions du conseil municipal, dès lors que les erreurs relevées notamment dans les délibérations du 17 novembre 2015 et du 21 avril 2016, et qui étaient seulement relatives à l'heure du début de la séance, au nom des votants et à l'omission du nom de candidats à l'attribution d'un marché sur une délibération, ont été sans incidence sur les décisions du conseil municipal. En outre, la commune n'établit pas que Mme B... aurait commis des erreurs dans l'élaboration du budget communal dès lors que les pièces produites par la commune, qui constituent des pièces préparatoires, ne sauraient révéler une telle carence de la part de l'intéressée. Enfin, la seule attestation du 31 août 2016, rédigée dans des termes très généraux et établie par Mme E..., laquelle indique avoir constaté des dysfonctionnements au sein des services de la commune, ne saurait permettre d'établir que de tels dysfonctionnements auraient été, même en partie, imputables à la requérante. Il ne ressort également d'aucune des pièces du dossier que Mme B... ait présenté un comportement dysfonctionnel dans ses relations avec sa hiérarchie ou ses collègues. Au demeurant, la commune de Saint-Rémy, qui a recruté Mme B..., ne pouvait ignorer que celle-ci travaillait auparavant dans un établissement bancaire, n'avait pas de connaissances en matière administrative et devait nécessairement recevoir une formation adaptée à ses nouvelles fonctions de secrétaire de mairie. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'arrêté du 10 juin 2016 était entaché d'inexactitude matérielle et d'erreur d'appréciation.
8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Rémy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé sa décision du 10 juin 2016.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune requérante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Rémy, la somme de 1 500 euros qu'elle versera à Mme B... sur le fondement des mêmes dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Saint-Rémy est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Mme B... présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.
Article 3 : La commune de Saint-Rémy versera la somme de 1 500 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Rémy et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme C... G..., présidente-assesseure,
Mme Déborah de Paz, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2021.
Le président,
Didier ARTUS
La République mande et ordonne ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX00498 2