Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 janvier et 18 juillet 2018, la société Méditerranéenne de Voyageurs, représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 8 novembre 2017 ;
2°) de condamner le département du Lot à lui verser, à titre de dommages et intérêts découlant de la résiliation du 31 juillet 2015 prononcée à ses torts exclusifs des marchés de transport scolaire n° 13 071 et n° 13 073, la somme de 260 350,66 euros ainsi que la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice subi résultant de l'atteinte portée à son image, assorties des intérêts au taux légal à compter de la réception le 31 août 2015 de sa demande préalable du 25 août 2015, ainsi que la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge du département du Lot la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il écarte à tort les stipulations de l'article 29 du cahier des clauses administratives particulières (CCP) instituant une procédure préalable de conciliation, laquelle l'a pas été respectée par le département du Lot et que la procédure de résiliation est ainsi entachée d'irrégularités ;
- la résiliation a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que la mise en demeure préalable a été signée par une autorité incompétente, faute de délégation de signature régulière, dès lors que la délégation produite en défense ne concerne que les " actes d'exécution des marchés " et non pas les actes de résiliation des marchés ;
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en estimant que la résiliation litigieuse s'inscrivait dans le cadre de l'article 28.3.1 du CCP permettant de résilier les marchés dont elle était titulaire sans mise en demeure préalable ; les marchés n'ont pas été résiliés pour faute grave et malversation, cas prévus à l'article 28.3.1, mais pour les motifs prévus aux articles 28.3.3 et 28.3.5 qui ne justifient la résiliation aux torts exclusifs du titulaire que si le cocontractant n'a pas remédié aux difficultés après mise en demeure ; or, la mise en demeure a été suivie d'effet dès lors qu'elle a remédié aux désordres dans le délai imparti de sorte que la résiliation n'était plus possible conformément à l'article 28.2 du CCP ;
- la mesure de résiliation litigieuse est infondée, puisque le département du Lot s'est fondé sur un moyen de preuve illicite et déloyal ; en effet, la transmission par les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) au département du Lot des lettres du 17 juin 2015 et 18 juin 2015 accompagnées des procès-verbaux d'infractions méconnaît le devoir de réserve, l'obligation de discrétion professionnelle garanti à l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983, et le secret professionnel ; les procès-verbaux transmis par la DREAL au procureur de la République n'ont pas donné lieu à poursuites pénales, ce qui remet en cause la matérialité des faits reprochés ayant servi de fondement à la résiliation des marchés ;
- la mesure de résiliation litigieuse a méconnu le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires dès lors que ce n'est qu'en cas de condamnation par les juridictions répressives qu'il pourrait lui être reprochées, dans le cadre de l'exécution du présent marché, les infractions constatées par la DREAL ;
- la mesure de résiliation litigieuse est fondée sur des griefs infondés, soit le défaut de présentation de la licence de transport intérieur, le défaut de présentation du livret individuel de contrôle dans tous les véhicules, et la contravention aux règles élémentaires de sécurité au motif que l'un des véhicules présentait quatre pneumatiques lisses ; s'agissant du grief tiré du défaut de licence de transport intérieur, elle est titulaire des copies certifiées conformes à sa licence pour le transport intérieur de personne par route pour le compte d'autrui n° 2014/93/00687, délivrée par le ministre chargé des transports valable du 6 septembre 2014 au 30 septembre 2019, en nombre égal à celui des véhicules qu'elle détient conformément aux dispositions de l'article L. 3411-1 du code des transports et de l'article 1er de l'arrêté du 28 décembre 2011 relatif aux titres administratifs et aux documents de contrôle pour l'exercice des activités de transport public routier de personnels pris pour l'application du décret du 16 août 1985 relatif aux transports urbains de personnes et aux transports routiers non urbains de personnes ; elle a justifié auprès du département du Lot, au moment du dépôt de sa candidature, de la possession des licences pour le transport intérieur pour chacun des salariés affectés aux marchés en cause ; ni la DREAL ni le département du Lot n'établissent qu'elle fait circuler plus de véhicules qu'elle ne détient de licences, alors qu'au surplus le nombre et l'identification des véhicules doivent être déclarés à la DREAL, conformément aux prescriptions de l'article R. 3113-33 du code des transports ; elle ne conteste pas avoir réalisé des photocopies de chaque licence de transport dans l'attente de la délivrance par l'administration de nouvelles copies certifiées conformes, procédure longue et fastidieuse ; par suite, les griefs de faux et d'usage de faux ne sont pas établis ;
- le département du Lot, en fondant également sa décision de résiliation sur le fait qu'elle aurait commis une infraction en ne fournissant pas un livret individuel dans tous les véhicules, a entaché celle-ci d'erreur de droit en se fondant à tort sur les dispositions du III-2° de l'article 10 de décret n° 2003-1242 du 22 décembre 2003, alors que, s'agissant comme en l'espèce d'un marché de transport de personnes à horaires fixes dans lesquels les salariés sont ramenés à leur établissement d'attache à heures fixes, les dispositions du II-1° du même article dispensent de l'obligation de fournir un livret individuel de contrôle, ce que le tribunal a reconnu à juste titre ;
- sur ce point, la demande de substitution de motifs présentée par le département du Lot, en cause d'appel, visant à substituer le motif tiré de l'absence de communication d'horaires de service à celui du défaut de présentation de livrets individuels de contrôle, est irrecevable, dès lors qu'elle la prive de la garantie procédurale instaurée par les stipulations du marché en ne lui permettant pas de répondre aux griefs formulés ;
- le grief tiré de la contravention aux règles élémentaires de sécurité de l'un de ses véhicules ne constitue pas une faute d'une gravité telle permettant, à lui seul, la résiliation du marché à ses torts exclusifs ; la mise en danger des personnes transportées n'est établie ni par le département ni par la DREAL ; en vertu de l'article 28.3 du cahier des clauses particulières, la possibilité de résilier n'est ouverte qu'en cas de cumul d'infractions au code de la route, alors que sa prétendue infraction relative au fait d'avoir laissé en circulation un véhicule dont les quatre pneus étaient lisses était l'unique infraction au code de la route commise ;
- les marchés résiliés ont été exécutés depuis 2013 sans difficulté et elle avait antérieurement conclu avec le département du Lot d'autres marchés qui se sont bien déroulés ;
- cette mesure de résiliation, prononcée à ses torts exclusifs, irrégulière et infondée, est de nature à engager la responsabilité du département du Lot en sa qualité de donneur d'ordres, justifiant l'indemnisation de son entier préjudice ;
- elle est fondée à réclamer la somme qu'elle aurait été en droit de percevoir jusqu'au terme des marchés n° 13 071 et n° 13 073, initialement prévu au 20 août 2017, soit une indemnité représentative de deux années d'exécution, pour un montant total de 260 350,66 euros ;
- la mesure de résiliation litigieuse a porté une atteinte grave à son image et à sa notoriété vis-à-vis de ses autres cocontractants, dès lors qu'elle est titulaire depuis de nombreuses années de marchés de transports publics de voyageurs avec le département du Lot, et d'autres collectivités publiques, justifiant l'allocation d'une indemnité de 40 000 euros.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 19 juin et 6 août 2018, le département du Lot, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête de la société Méditerranéenne de Voyageurs et à ce qu'il soit mis à la charge de cette dernière la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la mesure de résiliation prononcée aux torts exclusifs de la société requérante n'a pas été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que si le CCP prévoit une procédure de conciliation préalable, celle-ci n'est pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision de résiliation ; en l'absence de nécessité d'une mise en demeure préalable, la circonstance, à la supposée établie, que la société requérante ait remédié aux manquements constatés, ce qu'il conteste, ne peut avoir d'incidence sur la régularité de la procédure suivie et par suite sur la légalité de la mesure de résiliation litigieuse ;
- la mesure de résiliation litigieuse est fondée sur une faute grave, à savoir une infraction générale aux réglementations en vigueur, au sens de l'article 28.3 1° du CCP ;
- le moyen tiré du vice d'incompétence du signataire de la mise en demeure datée du 7 juillet 2015 manque en fait, puisque la mise en demeure a été adressée par le directeur général des services, qui disposait d'une délégation de signature dans le domaine des " affaires juridiques " incluant la signature des " courriers de mise en demeure et les échanges relatifs au précontentieux " ; contrairement à ce que soutient la requérante, le courrier de mise en demeure, à l'instar de la décision de résiliation, est au nombre des mesures d'exécution d'un marché public ;
- la décision de résiliation est fondée, dès lors qu'il n'a pas utilisé de moyens de preuve déloyaux en se fondant sur les procès-verbaux transmis par les services de la DREAL ; le contrôle des transports terrestres de personnes figure au nombre des attributions des DREAL, et ses agents sont habilités par l'article 44 du décret du 16 août 1985 à opérer le contrôle des véhicules ; l'administration de la preuve étant gouvernée par un principe de liberté, aucun principe ne faisait obstacle à ce qu'il utilise les informations transmises par la DREAL en les opposant à son cocontractant aux fins de résiliation du marché ; le moyen tiré des manquements aux obligations de discrétion professionnelle, de secret professionnel et au devoir de réserve qui incombent aux agents de la DREAL, est inopérant ;
- les informations transmises par la DREAL l'ont alerté sur les manquements graves commis par la société requérante à ses obligations de sécurité ; la circonstance alléguée que les infractions constatées n'ont pas donné lieu à poursuite, en l'absence d'avis de classement sans suite, est inopérante ;
- la décision de résiliation n'a pas méconnu le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, dès lors qu'elle est fondée sur des faits objectivement constatés, à l'occasion de deux contrôles opérés par les agents assermentés de la DREAL, dont les constatations font foi jusqu'à preuve contraire, et non sur les qualifications pénales retenues dans les procès-verbaux ;
- la mesure de résiliation du marché est fondée dès lors qu'il lui est reproché le défaut de présentation de la licence de transport, lors des contrôles opérés les 28 mai et 18 juin 2015 par les agents de la DREAL, conformément à l'article 1er de l'arrêté du 28 décembre 2011 relatif aux titres administratifs et aux documents de contrôle pour l'exercice des activités de transport public routier de personnes ; l'utilisation de photocopies de la licence de transport, au lieu et place d'une copie certifiée conforme délivrée par l'administration, implique potentiellement que des véhicules supplémentaires circulent sans licence alors que ces copies délivrées par le préfet sont nominatives ; le fait de présenter une simple photocopie de la licence de transport constitue des manquements à la législation en vigueur et aux stipulations des articles 11.3 et 11.4 du cahier des clauses particulières des marchés en cause ;
- il est fait grief à la requérante de n'avoir pas présenté le livret individuel de contrôle ni d'horaire de service en méconnaissance de l'article 10 du décret du 22 décembre 2003 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de personnes ;
- elle demande que la cour substitue au motif tiré de l'absence de livret individuel de contrôle celui tiré de l'absence d'horaire de service, sur le fondement des mêmes dispositions du décret du 22 décembre 2003 ;
- la mesure de résiliation est fondée sur le risque avéré pour la sécurité des voyageurs compte tenu de la circulation d'un véhicule ayant ses pneumatiques lisses, fait constaté lors du contrôle effectué le 18 juin 2015, qui a nécessité son immobilisation immédiate, en méconnaissance tant du code de la route que des articles 4, 11, 13.1 et 15.4 du cahier des clauses particulières ; la mise en danger des usagers du service de transport scolaire est un motif suffisamment grave pour justifier à lui seul la résiliation aux torts du cocontractant ; la circonstance que la société ait pris un rendez-vous en vue du changement des pneumatiques du véhicule en cause n'est pas de nature à l'exonérer de son obligation en matière d'entretien des véhicules ; le moyen tiré de la violation de l'article 18.3 du cahier des clauses particulières qui ne prévoirait la possibilité de résilier qu'en cas de cumul d'infractions au code de la route, et non en cas d'infraction unique, est inopérant ;
- la mesure de résiliation est également fondée sur les manquements répétés de la société à ses obligations contractuelles liées à la non-exécution du service, et de refus de prise en charge d'enfants, qui ont justifié l'application à quatre reprises de sanctions financières en application de l'article 27 du cahier des clauses particulières, griefs qui ne sont pas contestés par la société requérante ;
- n'ayant commis aucune faute en résiliant les marchés n° 13 071 et n° 13 073, les griefs sur lesquels la mesure de résiliation étant fondés, la société requérante ne peut rechercher sa responsabilité ni se prévaloir de préjudices indemnisables en lien avec un prétendu manque à gagner ; les marchés litigieux ne prévoyant aucun minimum de commande, le titulaire du marché n'a droit à aucune indemnité ; subsidiairement, la somme réclamée de 260 350,66 euros est excessive et ne peut qu'être ramenée qu'à la somme de 19 210,42 euros correspondant à la perte de marge bénéficiaire ;
- le préjudice invoqué lié à la prétendue atteinte à son image et à sa notoriété n'est pas établi.
Vu les autres pièces du dossier
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code des transports ;
- le décret n° 85-891 du 16 août 1985 relatif aux transports urbains de personnes et aux transports routiers non urbains de personnes ;
- le décret n° 2003-1242 du 22 décembre 2003 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de personnes ;
- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;
- l'arrêté du 28 décembre 2011 relatif aux titres administratifs et aux documents de contrôle pour l'exercice des activités de transport public routier de personnes ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... A...,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant le département du Lot.
Considérant ce qui suit :
1. Le département du Lot a confié à la société Méditerranéenne de Voyageurs (MDV) le transport scolaire des élèves et étudiants handicapés sur les lignes régulières " Souillac-Vayrac-Martel " et " Prayssac-Puy-L'Evêque " par deux marchés à bons de commande sans minimum ni maximum, conclus le 17 juin 2013 sous les numéros 13 071 et 13 073 pour une durée de quatre ans à compter du 20 août 2013. A l'occasion de contrôles effectués les 28 mai et 18 juin 2015 sur des véhicules de la société MDV assurant le ramassage scolaire, les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ont constaté plusieurs manquements à la réglementation applicable en matière de transport routier de voyageurs et ont dressé trois procès-verbaux d'infractions. Le directeur régional a, par deux courriers des 17 et 18 juin 2015, porté à la connaissance du département du Lot des résultats de ces contrôles. Par un courrier du 7 juillet 2015, le département a informé la société MDV que, compte tenu des faits constatés par les services de la DREAL constitutifs d'une faute grave, elle envisageait de prononcer la résiliation à ses torts exclusifs des marchés dont elle était titulaire et l'a invitée à formuler ses observations dans un délai de quinze jours. La société a présenté ses observations par un courrier du 20 juillet 2015. Par une décision du 31 juillet 2015, notifiée le 13 août suivant, le département du Lot a prononcé la résiliation des marchés aux torts exclusifs de la société MDV. La société a formé le 25 août 2015 une réclamation préalable, réceptionnée le 31 août suivant par la collectivité, sur laquelle cette dernière a gardé le silence. La société MDV a alors demandé au tribunal administratif de Toulouse, à titre principal, d'annuler la décision par laquelle le département du Lot a implicitement rejeté sa réclamation préalable suite à la décision du 31 juillet 2015 prononçant la résiliation à ses torts exclusifs des marchés dont elle était titulaire, d'enjoindre au département de reprendre des relations contractuelles et de le condamner à lui verser la somme mensuelle de 13 017,63 euros sur la période du 31 juillet 2015 jusqu'à la date de reprise effective des relations contractuelles et celle de 40 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à son image et, à titre subsidiaire, la condamnation du département du Lot à lui verser la somme de 260 350,66 euros en réparation des préjudices résultant de la résiliation des marchés dont elle était titulaire et celle de 40 000 euros au titre du préjudice résultant de l'atteinte à son image. La société MDV relève appel du jugement du 8 novembre 2017 en tant que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions indemnitaires en raison de la décision du 31 juillet 2015 prononçant la résiliation à ses torts exclusifs des marchés dont elle était titulaire.
Sur les conclusions indemnitaires :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 29 du cahier des clauses particulières communes aux différents lots : " L'AO et le Titulaire conviennent que les litiges qui pourraient résulter de l'application du présent marché feront l'objet d'une tentative de conciliation par un expert indépendant désigné d'un commun accord entre les parties. (...) À défaut d'accord amiable, toutes difficultés relatives à l'application ou l'interprétation du présent marché seront soumises à la juridiction administrative compétente. ". Le tribunal administratif n'a pas donné une portée inexacte à cette clause qui n'avait pour objet que d'organiser une procédure de conciliation préalablement à l'exercice d'un recours contentieux devant le juge du contrat et n'imposait pas la mise en oeuvre d'une procédure de conciliation préalablement à l'édiction d'une mesure de résiliation des marchés. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'en ne respectant pas la procédure préalable de conciliation prévue à l'article 29 du cahier des clauses particulières, la résiliation des marchés est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 28.3 du cahier des clauses particulières applicables aux marchés en cause : " Résiliation du marché aux torts exclusifs du Titulaire / L'AO peut déclarer la résiliation du marché aux torts exclusifs du Titulaire unilatéralement sans que le Titulaire puisse prétendre à des indemnités en cas de : / 1. faute grave ou malversation ; / (...). / Par ailleurs, dans le cas d'infraction générale de l'entreprise aux réglementations en vigueur, la totalité des contrats concernant l'exploitation des services de l'AO pourra être résiliée. / (...). / Pour les motifs de résiliation aux torts exclusifs du Titulaire mentionnés aux points 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, la résiliation aux torts exclusifs du Titulaire ne peut intervenir qu'après mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception restée sans effet. ".
4. Par courrier du 7 juillet 2015 le département du Lot a annoncé à la société requérante une résiliation de ses marchés à ses torts exclusifs pour faute grave et l'a invitée à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. Il résulte de l'instruction que la collectivité a entendu ainsi faire application des stipulations du 1° de l'article 28.3 citées au point précédent et que le courrier précité, lequel ne comportait ni demande de correction des griefs ni délai pour y parvenir, ne saurait être regardé comme une mise en demeure, Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité d'une prétendue mise en demeure sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés.
5. En troisième lieu, la circonstance qu'une mesure de résiliation prononcée aux torts exclusifs du titulaire des marchés en cause serait fondée sur des pièces dont la production aurait été faite de sa propre initiative, par un tiers, en méconnaissance d'une obligation de secret propre à ce dernier, n'est pas par elle-même de nature à entacher la régularité ou le bien-fondé de la décision du donneur d'ordres. Il incombe seulement au juge, après avoir soumis de telles pièces au débat contradictoire, de tenir compte de leur origine et des conditions dans lesquelles elles sont produites pour en apprécier, au terme de la discussion contradictoire devant lui, le caractère probant.
6. Le code des transports confie pour missions aux services de la DREAL de faire appliquer et respecter la réglementation du transport routier de voyageurs, en particulier celle issue du code des transports, du décret du 16 août 1985 relatif aux transports urbains de personnes et aux transports routiers non urbains de personnes et du décret du 22 décembre 2003 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de personnes, dont les interventions peuvent prendre la forme de contrôle des véhicules affectés à ce transport, et dont les agents assermentés disposent, en application de l'article L. 1451-1 du code des transports, du pouvoir de " rechercher et de constater les infractions aux dispositions législatives et réglementaires relatives aux transports " routiers et de " se faire présenter tous documents relatifs au contrôle des réglementations qu'ils sont chargés de contrôler ".
7. Si la société requérante soutient que les pièces sur lesquelles le département du Lot s'est fondé pour prononcer la résiliation à ses torts exclusifs des marchés dont elle était titulaire ont été obtenues selon un procédé illicite et déloyal dès lors qu'elles lui ont été transmises en méconnaissance du secret professionnel, du devoir de réserve ainsi que de l'obligation de discrétion qui s'imposent aux agents de la DREAL, cette transmission par un tiers est cependant par elle-même sans incidence sur la régularité ou le bien-fondé de la décision prononcée par le département du Lot. La société MDV, qui a reçu notification des procès-verbaux relatant les griefs qui lui sont opposés et qui a pu les discuter tant dans sa lettre d'observations du 25 juillet 2015 que devant le tribunal administratif ou la cour, n'est, par conséquent, pas fondée à soutenir que la décision qu'elle conteste serait, pour ce motif, entachée d'irrégularité ou d'erreur de droit.
8. En quatrième lieu, la société MDV soutient que le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires a été méconnu au motif que les procès-verbaux transmis par la DREAL au procureur de la République n'ont pas donné lieu à poursuites et que ce n'est qu'en cas de condamnation par les juridictions pénales qu'il pourrait lui être reproché, dans le cadre de l'exécution des marchés, les infractions constatées par l'administration.
9. Toutefois, ainsi que l'a exactement relevé le tribunal administratif, le département du Lot, qui n'était pas tenu de surseoir à toute décision concernant le sort des marchés en cause dans l'attente de l'issue d'éventuelles poursuites pénales engagées contre la société MDV, ne s'est pas substitué à l'autorité judiciaire en prononçant la résiliation des marchés litigieux aux torts exclusifs de son titulaire. En outre, il n'est pas soutenu ni même allégué par la société requérante que la résiliation prononcée à ses torts exclusifs, fondée sur des griefs, le cas échéant qualifiables d'infractions pénales, entrait dans la catégorie des mesures ne pouvant être prises qu'après le prononcé d'une condamnation pénale. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires ne peut qu'être écarté.
10. En cinquième lieu, bien que les stipulations de l'article 28.3 du cahier des clauses particulières applicables aux marchés en cause aient prévu la possibilité d'une résiliation sans indemnité aux torts exclusifs du titulaire, il appartient au juge du contrat de rechercher si les faits reprochés au cocontractant ont constitué des manquements suffisamment graves pour justifier la mesure prise.
11. La mesure de résiliation des marchés en cause repose, ainsi qu'il résulte de la lettre du 31 juillet 2015 du département du Lot, d'une part, sur le motif du non-respect répété des dispositions législatives et réglementaires en vigueur en matière de transport routier de personnels, d'autre part, sur un manquement grave aux règles élémentaires de sécurité en laissant circuler un véhicule dont les quatre pneus étaient lisses. Le département en conclut que tous ces éléments sont constitutifs " d'une infraction générale de votre entreprise aux réglementations en vigueur ", après avoir par ailleurs rappelé les manquements répétés déjà constatés et sanctionnés par l'application de pénalités financières à quatre reprises tenant en l'exécution incomplète du service et au refus de prise en charge d'enfants.
12. La mesure de résiliation est ainsi notamment fondée sur le risque avéré pour la sécurité des élèves compte tenu de la circulation d'un véhicule ayant ses quatre pneumatiques lisses, fait constaté lors du contrôle effectué le 18 juin 2015 qui a nécessité l'immobilisation immédiate de ce véhicule. La matérialité des faits est établie par les constatations du procès-verbal dressé par les agents de la DREAL, qui fait foi jusqu'à preuve contraire. Le fait de circuler avec des pneumatiques qui ne présentent pas sur toute leur surface de roulement des sculptures apparentes, alors même qu'il constitue par ailleurs une infraction au code de la route, est constitutif d'un manquement d'une particulière gravité aux obligations contractuelles, en particulier celles de l'article 4 du cahier des clauses particulières applicables aux marchés en cause selon lequel " chaque conducteur assure quotidiennement le suivi de l'entretien de son véhicule (...) ". Dans ces conditions, la mise en danger des usagers du service de transport scolaire, destiné à des enfants handicapés en âge scolaire, infraction générale de l'entreprise aux réglementation de sécurité, est un motif suffisamment grave pour justifier à lui seul, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs reprochés à la société MDV, lesquels sont surabondants, une résiliation aux torts exclusifs du cocontractant, en application des stipulations du 1° de l'article 28.3 du cahier précité, nonobstant la circonstance, à la supposée établie, que la société requérante n'aurait commis qu'une seule infraction au code de la route.
13. Il s'ensuit que les conclusions présentées par la société requérante tendant à l'octroi de dommages-et-intérêts en raison de la résiliation du 31 juillet 2015 prononcée à ses torts exclusifs et de la réparation de l'atteinte portée à son image doivent être rejetées.
14. Il résulte de ce qui précède que la société MDV n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes indemnitaires.
Sur les frais d'instance :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Lot, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont la société MDV demande le versement au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société MDV la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le département du Lot et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société MDV est rejetée.
Article 2 : La société MDV versera au département du Lot la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société MDV et au département du Lot.
Délibéré après l'audience du 2 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. B... A..., président,
Mme E... F..., présidente-assesseure,
Mme Déborah de Paz, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2020.
L'assesseure le plus ancien,
Fabienne F...Le président-rapporteur,
Didier A...Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00048