Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 février 2020, M. D..., représenté par Me Breillat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté du 30 janvier 2020 de la préfète de la Vienne ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, à la préfète de la Vienne de lui délivrer un certificat de résidence dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard jusqu'à ce que l'autorité administrative ait statué sur sa situation administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- l'autorité administrative n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité de la décision portant refus de séjour entraînera par voie de conséquence l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 4 septembre 2020, la préfète de la Vienne demande à la cour de rejeter la requête de M. D....
Elle soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Par courriers du 20 octobre 2020, les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité du moyen de légalité externe tiré du défaut de motivation dès lors que ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, ne se rattache pas à l'unique cause juridique invoquée par le requérant en première instance dans le délai de recours contentieux.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Déborah De Paz, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant algérien né le 6 avril 1981, est entré en France le 15 mai 2014, sous couvert d'un visa Schengen. Il a demandé le 26 décembre 2018 la délivrance d'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 23 octobre 2019, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer le certificat sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Poitiers et relève appel du jugement du 30 janvier 2020 qui a rejeté sa demande.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Après l'expiration du délai de recours contre un acte administratif, sont irrecevables, sauf s'ils sont d'ordre public, les moyens soulevés par le demandeur qui relèvent d'une cause juridique différente de celle à laquelle se rattachent les moyens invoqués dans sa demande avant l'expiration de ce délai.
3. En premier lieu, M. D... n'avait, en première instance, présenté que des moyens de légalité interne contre la décision litigieuse. Ainsi, il n'est pas recevable, en appel, à soutenir que cette décision serait entachée d'un défaut de motivation, ce moyen reposant sur une cause juridique différente de celle dont relevaient ses moyens de première instance.
4. En deuxième lieu, par un arrêté du 6 septembre 2019, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, la préfète de la Vienne a donné délégation à M. Emile Soumbo, secrétaire général et signataire de la décision attaquée, à l'effet de signer tous arrêtés entrant dans le champ d'application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision en litige doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
5. Il ne ressort ni des pièces du dossier ni des mentions portées sur la décision portant refus de séjour qu'elle n'aurait pas été précédée d'un examen sérieux de la situation de M. D....
6. D'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
7. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. K... D..., père de l'appelant, a acquis la nationalité française, après avoir obtenu le statut de réfugié territorial, et que sa mère, Mme B... D..., qui l'a rejoint en France en 2008 au titre du regroupement familial, bénéficie d'un certificat de résidence algérien d'une durée de 10 ans. Son frère aîné
M. I... D... a également acquis la nationalité française. Toutefois, à la date de l'arrêté contesté, M. E... D... séjournait irrégulièrement en France depuis six ans. Par ailleurs, célibataire et sans enfant, il ne justifie d'aucune intégration sur le sol français, étant dépourvu de domicile propre et sans ressource, et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attache en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans. Si M. D... se prévaut d'un projet de mariage avec une française, l'intéressé ne démontre ni la réalité ni la stabilité du concubinage par la seule production d'une attestation établie par sa concubine et l'attestation de date de célébration de mariage dans le cadre de l'instance. Enfin, s'il a fait également valoir que l'état de santé de ses parents nécessite sa présence à leur côté, toutefois, les pièces médicales produites ne permettent pas de considérer que ses parents souffrent d'une affection nécessitant l'aide d'une tierce personne. Par suite, la préfète de la Vienne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 janvier 2020 de la préfète de la Vienne. Il y a lieu de rejeter par voie de conséquence ses conclusions en injonction.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demande M. D... au titre de ses frais d'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... D.... Copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 2 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme Déborah De Paz, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2020.
Le rapporteur,
Déborah De PazLe président,
Didier ARTUSLe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX00845