Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 14 novembre 2016 et 27 mars 2018, M. et MmeC..., représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 15 septembre 2016 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige.
Ils soutiennent que :
- la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires était irrégulièrement composée dès lors qu'un de ses membres avait participé aux opérations de contrôle, au cours desquelles il était intervenu en qualité d'interlocuteur départemental ; cette irrégularité a pour effet de vicier l'ensemble de la procédure d'imposition ;
- contrairement à ce qu'a considéré le tribunal administratif, la gestion de l'association présente bien un caractère désintéressé.
Par deux mémoires en défense enregistrés respectivement les 23 mai 2017 et 10 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.
Par ordonnance du 14 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 13 avril 2018 à 12h00.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,
- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... C...était, depuis la date de sa création et jusqu'au 1er janvier 2012, le président fondateur et le principal animateur de l'association Axe, qui gère dans le département de la Creuse un lieu de vie et d'accueil tel que prévu par le III de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles. Cette association a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2009 et 2010, à l'issue de laquelle l'administration a estimé que sa gestion n'était pas désintéressée et que, par conséquent, elle relevait de l'impôt sur les sociétés. Il en est résulté, notamment, l'imposition entre les mains de M. et Mme C...de revenus regardés comme distribués par l'association. M. et Mme C...relèvent appel du jugement du 15 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010.
Sur la régularité de la procédure :
2. M. et Mme C...font valoir que les irrégularités ayant entaché la procédure d'imposition diligentée contre l'association Axe entache d'irrégularité la procédure d'imposition suivie à leur encontre.
3. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69. ".
4. Il résulte de ces dispositions que les vices de forme ou de procédure dont serait entaché l'avis de la commission n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition et ne sont, par suite, pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition établie à la suite des rectifications ou redressements soumis à l'examen de la commission. Par suite, le moyen tiré de ce que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffres d'affaires du département de la Creuse aurait siégé dans une composition irrégulière lorsqu'elle a émis, le 7 juin 2013, un avis sur les questions de fait qui déterminent le caractère lucratif ou non de l'activité de l'association Axe, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition dont elle a fait l'objet. En tout état de cause, les moyens contestant la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre d'une association soumise au régime d'imposition des sociétés de capitaux sont inopérants au regard des impositions personnelles mises à la charge de ses associés. Or, comme il est jugé au point 8 ci-dessous, c'est à bon droit que l'administration a considéré que l'association Axe s'était livrée, au cours des années 2009 et 2010, à des opérations à caractère lucratif et était ainsi passible, notamment, de l'impôt sur les sociétés.
Sur le bien-fondé des impositions :
5. Pour contester le bien-fondé des impositions en litige, M. et Mme C... se prévalent d'un seul moyen, tiré de ce que l'administration a considéré à tort que l'association Axe relevait de l'impôt sur les sociétés pour les années 2009 et 2010 dès lors que sa gestion ne présentait pas un caractère désintéressé.
6. Aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés (...) toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. (...) ". Aux termes de l'article 207 du même code : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : (...) 5° bis. Les organismes sans but lucratif mentionnés à l'article 261-7-1°, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée ". Pour l'application de ces dispositions, les associations ne peuvent être exonérées de l'impôt sur les sociétés si leur gestion ne présente pas un caractère désintéressé.
7. Comme il a été dit plus haut, M. E... C...a été, depuis la création de l'association Axe et jusqu'au 1er janvier 2012, son président fondateur et son principal animateur. Au cours des années en litige, son épouse, Mme D...C..., et son fils, M. B... C..., étaient tous deux salariés de l'association, et percevaient une rémunération brute annuelle de 19 588 euros chacun. Par ailleurs, M. E... C..., qui exerce l'activité d'artiste, a facturé des honoraires à l'association, pour un montant de 8 200 euros en 2009 et de 2 000 euros en 2010, en rémunération des cours de dessin, poterie et taille de pierre dispensés au jeunes de l'association, son épouse, qui exerce une activité agricole, ayant par ailleurs facturé à l'association des produits issus de son exploitation pour un montant de 2 500 euros en 2009 et 5 100 euros en 2010. Les locaux dans lesquels s'exercent les activités de l'association lui sont loués par deux SCI dont M. et Mme C...ou leurs enfants sont les seuls associés, pour un montant annuel global de 15 600 euros, les époux C...mettant par ailleurs à la disposition de l'association un terrain situé à Montauroux, dans le Var, en contrepartie du versement d'un loyer annuel de 7 800 euros. Enfin, le vérificateur a constaté l'existence de prélèvements en espèce sur le compte bancaire de l'association, sans aucun justificatif, pour un montant total de 26 000 euros en 2009 et 16 000 euros en 2010.
8. Si M. et Mme C...font valoir que les rémunérations versées mensuellement à celle-ci et M. B... C...sont modestes, " compte tenu des importantes charges de responsabilité " en contrepartie desquelles elles sont versées, ils ne donnent toutefois aucune précision sur les fonctions qui seraient ainsi assumées par les deux intéressés, étant précisé que, parallèlement à son action auprès de l'association, Mme C...exerce une activité agricole et exploite une ferme auberge. Ils ne donnent pas davantage de précision sur la rémunération horaire versée à M. C... en contrepartie des cours dispensés aux jeunes de l'association et il ne résulte pas des pièces du dossier que celui-ci lui aurait versé, au cours de la période en litige, une redevance en contrepartie de l'utilisation de ses installations et locaux. De la même façon, la circonstance, invoquée par l'association, que les " activités agricoles " entreraient " dans le cadre de la réinsertion des jeunes ", n'est pas de nature à établir que Mme C... n'aurait pas tiré profit de la vente, à l'association, des produits de son exploitation agricole. S'agissant des biens immobiliers loués à l'association par des SCI détenues par les époux C...ou leurs enfants, il n'est pas établi, ni même allégué, que les loyers consentis seraient inférieurs aux prix du marché, les requérants ne donnant par ailleurs aucune précision quant à l'utilisation, pour les besoins des activités de l'association, du terrain qu'elle leur loue dans le Var, pour un loyer annuel de 7 800 euros. Enfin, si les requérants soutiennent que les sommes de 26 000 euros et 16 000 prélevées respectivement en 2009 et 2010 sur les recettes de l'association ont été données aux pensionnaires de l'association, pour leur permettre d'assurer leurs frais quotidiens (repas, billets de transport, fournitures, etc.), une telle allégation n'est corroborée par aucune pièce du dossier. Ces sommes doivent par suite être regardées comme des prélèvements opérés sans contrepartie par M. C.... Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que l'administration a considéré que l'association Axe avait consenti, au profit de personnes autres que celles en faveur desquelles son activité est exercée, des rémunérations et divers avantages financiers, directement ou par l'intermédiaire de SCI, dans des conditions qui ne permettaient pas de regarder sa gestion comme présentant un caractère désintéressé au sens des dispositions précitées du code général des impôts, et l'a ainsi soumise, notamment, à l'impôt sur les sociétés. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande de décharge des rappels d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des intérêts de retard et majorations en lien avec ces rappels.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.
Le rapporteur,
Sylvie CHERRIERLe président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03626