Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 juillet 2016, M.A..., représenté par le cabinet Cassel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 15 juin 2016 ;
2°) d'annuler les décisions contestées ;
3°) d'enjoindre au ministre de la défense de le maintenir en activité jusqu'au 26 avril 2016 et, en toute hypothèse, de réexaminer son dossier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à supposer même que les textes applicables réformant la limite d'âge aient pour effet de fixer cette limite au 26 novembre 2015 pour ce qui le concerne, il dispose néanmoins du droit de poursuivre son activité au-delà de cette limite ;
- en effet, par une décision du 25 juin 2008, le ministre de la défense l'a autorisé à poursuivre son activité jusqu'au 26 avril 2016 ; si cette décision était illégale, elle est devenue définitive et a créé des droits à son profit ; or, cette décision l'a exclu du régime déterminé par les mesures transitoires relatives à la limite d'âge ; il doit être regardé comme bénéficiant ainsi des dispositions de l'article L. 4139-16 du code de la défense.
Par un mémoire enregistré le 6 octobre 2018, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 6 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 6 décembre 2017 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires ;
- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites ;
- le décret n° 2000-511 du 8 juin 2000 ;
- le décret n° 2008-939 du 12 septembre 2008 relatif aux officiers sous contrat ;
- le décret n° 2011-20103 portant relèvement des bornes d'âge de la retraite des fonctionnaires, des militaires et des ouvriers de l'Etat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., recruté le 1er avril 1981 par l'armée de terre en qualité de sous-officier, exerçant les fonctions de pilote puis de moniteur d'hélicoptère, a démissionné de son corps pour souscrire le 1er août 2008 un contrat d'une durée de sept ans, huit mois et vingt jours en tant qu'officier sous contrat rattaché au corps des officiers des armes de l'armée de terre, dans la spécialité " pilote ", avec effet à cette même date. Il a été informé par un courrier du directeur des ressources humaines de l'armée de terre en date du 17 décembre 2014 qu'en raison de l'intervention, en cours de contrat, de la limite d'âge légale pour son admission à la retraite, fixée au 26 novembre 2015, ledit contrat devrait faire l'objet d'une révision de sa durée, par voie d'avenant. M. A...a refusé de souscrire l'avenant à son contrat et a contesté la décision du 17 décembre 2014 devant la commission des recours des militaires. Par une décision du 3 juillet 2015, le ministre de la défense a rejeté ce recours. M. A...relève appel du jugement du 15 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 17 décembre 2014 et 3 juillet 2015, et à ce qu'il soit enjoint au ministre de le maintenir en fonction jusqu'au 26 avril 2016.
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 17 décembre 2014 :
2. M.A..., s'il persiste en appel à solliciter l'annulation de la décision initiale du directeur des ressources humaines de l'armée de terre, ne conteste pas devant la cour le constat par les premiers juges que ses conclusions dirigées contre cette décision étaient irrecevables, ayant perdu leur objet avant même la saisine du tribunal puisque la décision prise par le ministre le 3 juillet 2015 s'y était substituée. Les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision du 17 décembre 2014 doivent donc être rejetées.
Sur la légalité de la décision du 3 juillet 2015 :
3. Aux termes de l'article L. 4139-12 du code de la défense : " L'état militaire cesse, pour le militaire de carrière, lorsque l'intéressé est radié des cadres, pour le militaire servant en vertu d'un contrat, lorsque l'intéressé est rayé des contrôles.". L'article L. 4139-14 du même code prévoit que : " La cessation de l'état militaire intervient d'office dans les cas suivants : 1 ° Dès l'atteinte de la limite d'âge ou de la limite de durée de service pour l'admission obligatoire à la retraite, dans les conditions prévues aux articles L. 4139-16 et L. 4141-5 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le militaire sous contrat ne peut dépasser la limite d'âge du grade correspondant de l'officier de carrière du corps auquel il est rattaché, ni la durée de service maximale. Pour les officiers des armes de l'armée de terre, la limite d'âge est fixée à 59 ans par l'article L. 4139-16 du code de la défense, lequel prévoit par ailleurs que la durée de service maximale pour les officiers sous contrat est de vingt ans.
4. La limite d'âge des militaires a été modifiée par la loi n° 2005-270 susvisée du 24 mars 2005 portant statut général des militaires, qui a notamment porté la limite d'âge des officiers subalternes de 52 à 57 ans, tout en prévoyant un régime transitoire. Ainsi, lorsque la différence entre la limite d'âge antérieure (52 ans) et l'âge d'un officier subalterne au 1er janvier 2005 était supérieure à six ans et un jour et inférieure à sept ans, l'allongement de la limite d'âge était limité à trois années supplémentaires, et celle-ci portée à 55 ans. La loi n° 2010-1330 susvisée du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a ensuite porté à 59 ans la limite d'âge pour l'admission obligatoire à la retraite des militaires au grade d'officier des armes de l'armée de terre, à compter du 1er janvier 2015, tout en renvoyant à un décret le soin de fixer les limites d'âge, de manière transitoire et progressive sur la période antérieure, c'est-à-dire pour la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2014. En vertu de l'article 3 du décret n° 2011-2103 du 30 décembre 2011, la durée de relèvement à appliquer à la limite d'âge varie en fonction de l'année au cours de laquelle l'intéressé atteint l'âge limite tel qu'il résulte des dispositions de la loi du 24 mars 2005. Ainsi, lorsque la limite d'âge survient au cours de l'année 2014, la durée de relèvement à appliquer à cette limite d'âge est d'un an et sept mois.
5. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., né le 26 avril 1959, était âgé de 45 ans, 8 mois et 6 jours au 1er janvier 2005. Conformément aux dispositions rappelées au point 4, la différence entre cet âge et l'âge limite de 52 ans étant comprise entre six ans et un jour et sept ans, la limite d'âge pour son admission obligatoire à la retraite s'établissait en principe à 55 ans. Cette limite était toutefois repoussée d'un an et sept mois en vertu de l'article 3 du décret du 30 décembre 2011, M. A...atteignant l'âge de 55 ans au cours de l'année 2014. Ainsi, à la date d'effet de son contrat d'officier, le 1er août 2008, la limite légale d'admission à la retraite du requérant s'établissait à 56 ans et 7 mois. Par conséquent, en acceptant, par une décision du 25 juin 2008, que M. A...souscrive un contrat d'officier d'une durée de sept ans, huit mois et vingt jours à compter du 1er août 2008, arrivant à échéance postérieurement au 26 novembre 2015, date à laquelle celui-ci aurait atteint la limite d'âge qui lui était applicable en vertu des dispositions statutaires et réglementaires susrappelées, le ministre de la défense a méconnu ces dispositions, ce dont il convient d'ailleurs. Toutefois, il ne ressort d'aucun élément du dossier que ce recrutement sur contrat aurait eu un autre objet que de pourvoir à un emploi d'officier pilote ou n'aurait pas été accompagné de l'affectation de l'intéressé dans les fonctions correspondantes et constituerait ainsi une nomination pour ordre. Dans ces conditions, la décision du 25 juin 2008 ne peut, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, être regardée comme un acte nul et non avenu. Si elle était en revanche illégale, ainsi qu'il a été dit, cette décision est néanmoins devenue définitive et a créé au profit du requérant un droit au maintien en activité jusqu'au terme prévu par le contrat du 1er août 2008, dont il est fondé à se prévaloir à l'encontre de la décision contestée, nonobstant l'intervention, en cours d'exécution du contrat, de la limite d'âge qui lui était en principe applicable. Il en résulte que le ministre de la défense ne pouvait légalement, par sa décision du 3 juillet 2016, rejeter la demande de M. A...tendant à son maintien en activité jusqu'au terme de son contrat, le 26 avril 2016. Cette décision doit, par suite, être annulée.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 3 juillet 2015 du ministre de la défense.
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif d'annulation retenu, que le ministre des armées procède à la réintégration juridique rétroactive du requérant pour la période du 27 novembre 2015 au 26 avril 2016. Il y a lieu d'enjoindre au ministre de procéder à cette mesure dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau n° 1501944 du 15 juin 2016 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de M. A...dirigées contre la décision du ministre de la défense du 3 juillet 2015.
Article 2 : La décision du ministre de la défense du 3 juillet 2015 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre des armées de procéder à la réintégration juridique de M. A... dans son contrat d'officier pour la période du 27 novembre 2015 au 26 avril 2016, dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.
Le rapporteur,
Laurent POUGET Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX02566