Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire ainsi qu'un mémoire en production de pièces enregistrés le 24 octobre 2014 et les 27 juillet et 17 septembre 2015, M. et Mme D...B..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 octobre 2014 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
La SARL Souillac Country Club sur Dordogne, devenue à compter du 4 juin 2009 la SARL Souillac Golf et Country Club (SCC), laquelle exploite un golf de 18 trous, un restaurant ainsi qu'un parc immobilier composé de chalets en bois, a cédé le 4 novembre 2005 à son gérant de droit, M. D...B..., le chalet n° 84, d'une surface de 102 m², pour un prix hors taxe de 125 418 euros, soit un prix de 1 229 euros le m². A la suite de la vérification de la comptabilité de la société, l'administration fiscale a estimé que cette cession avait été faite à un prix inférieur à la valeur vénale du bien et présentait le caractère d'une libéralité constitutive d'un acte anormal de gestion. Elle a estimé la valeur du chalet à 319 158 euros hors taxe, soit 3 129 euros le m², et en a déduit que le prix de cession avait été minoré à hauteur de 193 740 euros. Cette minoration de prix a donné lieu à un rehaussement du bénéfice imposable de la société et l'administration, à la suite d'un examen de la situation fiscale personnelle de M. et MmeB..., a rehaussé les revenus imposables des contribuables du montant de cette minoration en estimant que celle-ci correspondait à des revenus distribués imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application du c) de l'article 111 du code général des impôts. M. et Mme B...relèvent appel du jugement du 7 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale, et des pénalités y afférentes, auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 pour un montant total de 167 481 euros.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des finances et des comptes publics :
2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les noms et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ". Si elle reprend les mêmes moyens que ceux soulevés en première instance et si elle est formulée, dans une large mesure, dans les mêmes termes qu'en première instance, la requête de M. et Mme B...ne consiste pas dans la seule reproduction littérale de la demande présentée au tribunal administratif et énonce de manière précise les moyens invoqués à l'encontre des impositions litigieuses. Elle satisfait ainsi aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et n'est, dès lors, pas irrecevable.
Au fond :
En ce qui concerne l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel d'Agen du 22 juin 2015 :
3. A l'appui de leur demande en décharge des impositions en litige, les requérants se prévalent en premier lieu devant la cour d'un arrêt du 22 juin 2015, devenu définitif, par lequel la cour d'appel d'Agen, annulant sur ce point un jugement du tribunal correctionnel de Cahors en date du 20 décembre 2013, a relaxé M. B...des délits de fraude fiscale et d'abus de biens sociaux à raison notamment de la cession de chalets appartenant à la société SCC à des prix anormalement inférieurs à leur valeur vénale réelle.
4. L'autorité de la chose jugée qui appartient aux décisions des juges répressifs devenues définitives s'attache à la constatation des faits mentionnés dans les jugements et arrêts, support nécessaire du dispositif, et à leur qualification au regard de la loi pénale. En revanche, elle ne s'attache pas à l'appréciation de ces mêmes faits au regard de la loi fiscale, notamment en ce qui concerne l'évaluation des bases d'imposition.
5. Il ressort des motifs de l'arrêt du 22 juin 2015 mentionné ci-dessus que la cour d'appel d'Agen a prononcé la relaxe de M. B...des poursuites pénales pour fraude fiscale dont il faisait l'objet en raison de ce que, " en l'état de l'ensemble des éléments soumis à son appréciation, la cour [...] considère qu'il n'est pas établi avec la certitude nécessaire à une condamnation pénale que la vente des quatre lots de copropriété soit intervenue dans des conditions anormales et préjudiciable à la société SCC ". Compte tenu de ce motif de relaxe, et alors même que la cour en a déduit que " l'élément matériel nécessaire à la constitution des infractions reprochées, en ce qu'elles reposent sur une minoration frauduleuse du prix de vente des lots de copropriété " faisait défaut, l'arrêt du 22 juin 2015, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeB..., n'opère pas une constatation de fait revêtue de l'autorité de chose jugée à l'égard du juge de l'impôt quant à l'absence de toute minoration du prix d'acquisition du lot n° 84.
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
6. M. et Mme B...reprennent en appel le moyen tiré de ce que le refus de l'administration de saisir la commission départementale des impôts a violé leur droit à un procès équitable garanti par l'article 6 § 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
7. En vertu du 3 de l'article 158 du code général des impôts, sont notamment imposables à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les revenus considérés comme distribués en application des articles 109 et suivants du même code. Et aux termes de l'article 111 c du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ".
8. En cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées de l'article 111 c) du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession.
9. Afin de déterminer la valeur vénale du chalet en bois n° 84 dont M. B...a fait l'acquisition, l'administration a procédé par comparaison avec les transactions ayant porté sur les lots n° 73, 82 et 88, vendus en 2005. Le service a ainsi déterminé un prix de vente moyen au m², dont elle a fait application à la surface du chalet n° 84, constatant en conséquence une minoration significative du prix d'acquisition par le requérant.
10. M. et MmeB..., contestent la pertinence des termes de comparaison retenus par l'administration. Ils soutiennent ainsi que le lot n° 88 présentait un niveau de finition supérieur résultant d'une appartenance à une autre gamme ainsi que de compléments optionnels facturés à l'acquéreur. Il résulte cependant de l'instruction que la gamme " Domme ", à laquelle appartenait le lot n° 84, correspondait au contraire à un niveau de finition supérieur à celui du chalet n° 88, qui relevait de la gamme " Dordogne ", et que si ce dernier disposait certes d'un porche couvert dont le chalet n° 84 ne disposait pas, celui-ci comportait en revanche une cave qui faisait défaut au chalet n° 88. Au demeurant, selon la comptabilité de la société SCC, le prix de revient hors taxe du chalet litigieux a été supérieur de plus de 10 000 euros au prix de revient du chalet n° 88. Les actes de vente des chalets n° 84 et 88 ne prévoyaient par ailleurs le versement d'aucun prix complémentaire et il ressort de la facture produite par les requérants que seuls ont été facturés en sus à l'acquéreur du chalet n° 88 des aménagements mobiliers dont l'administration n'a pas tenu compte dans ses comparaisons. Les deux chalets sont des constructions en bois à couverture de tuiles, édifiés la même année, par la même entreprise et avec les mêmes garanties, sur une même copropriété de onze lots dont les titulaires ont la jouissance d'une piscine commune. L'un comme l'autre comprennent deux niveaux et ont une superficie de 102 m² pour six pièces principales. M. B... souligne d'ailleurs lui-même que tous les chalets construits pour la société SCC présentent des caractéristiques fondamentales de construction identiques. Enfin, le chalet n° 88 a été vendu le 5 août 2005, trois mois à peine avant le chalet qui a été acquis par M.B.... Dans ces conditions, et alors même que l'un des chalets est orienté vers le Sud et l'autre vers l'Ouest, l'administration établit la pertinence de sa prise en considération de la transaction ayant porté sur le chalet n° 88. Si M. B...conteste aussi la prise en compte des transactions ayant porté sur les chalets n° 73 et 82, il apparaît que ces chalets présentent pourtant des caractéristiques également très voisines de celles du bien litigieux, puisqu'il s'agit, là encore, de constructions en bois et tuiles édifiées en 2005 en marge du golf, dans une copropriété de dix-neuf lots avec piscines. Le chalet n° 73 possède un porche couvert, présente une surface de 92 m², et cinq pièces principales. Le chalet n° 82, qui atteint la même superficie, comprend six pièces principales. Si le droit de jouissance qui a été accordé à leurs acquéreurs sur les parties communes de la copropriété est légèrement inférieur à celui qui a été reconnu à M. B...à raison de son acquisition du chalet n° 84, la gamme commerciale à laquelle ces chalets appartiennent est comparable à celle dont relève le chalet litigieux. L'administration affirme sans contredit que les actes de vente décrivaient avec précision l'agencement de chaque bien, et ne comprenaient aucune réserve touchant à l'état d'achèvement. Enfin, les transactions correspondantes ont été passées les 3 juin et 28 juillet 2005, soit dans les cinq mois ayant précédé la vente du chalet litigieux. L'administration doit donc être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de la pertinence des termes de comparaison retenus et a pu valablement se référer aux prix de cession des lots n° 88, 73 et 82 sans qu'il y ait lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, d'en défalquer la valeur de l'adhésion viagère au golf et de l'accès à ses installations, de même que les frais de commercialisation.
11. Si les requérants se prévalent d'une expertise judiciaire réalisée en juin 2011 à la demande du tribunal de commerce de Cahors, qui fixe la valeur vénale du chalet n° 84 à 169 500 euros en 2005, celle-ci ne saurait constituer un élément de nature à remettre sérieusement en cause l'évaluation opérée par l'administration dans les conditions exposées au point 10, dès lors que ladite expertise se borne à procéder à une extrapolation de la valeur du bien en fonction de transactions conclues en 2010 et 2011 portant sur des maisons à ossature en bois dans un secteur élargi à la Basse Corrèze, au Lot et à l'Est du Périgord.
12. En revanche, il résulte de l'instruction que M. B...a revendu le chalet n° 84 le 3 octobre 2007 pour un prix de 280 000 euros, soit 2 745 euros le m². Compte tenu de l'identité du bien faisant l'objet des deux transactions et de la relative proximité entre sa date d'acquisition et celle de sa revente, cette dernière constitue également, contrairement à ce que soutient l'administration, un terme de comparaison adéquat qu'il y a lieu en conséquence de prendre en considération pour le calcul de la base d'imposition des requérants. Eu égard à l'évolution qu'a néanmoins connu le marché de l'immobilier entre 2005 et 2007, il sera fait une juste réévaluation de la valeur vénale du lot n° 84 en calculant celle-ci par la moyenne entre, d'une part, le prix moyen au m² résultant des transactions intervenues en 2005 mentionnées au point 10, soit 3 129 euros, et, d'autre part, le prix au m² en 2007 résultant du prix effectif de cession du bien à cette date s'élevant à 2 745 euros. La valeur vénale du bien à la date de sa cession peut ainsi être raisonnablement estimée, sur la base d'un prix au m² de 2 937 euros, à 299 574 euros. Il en résulte que l'administration n'apporte la preuve de la minoration du prix de cession qu'à hauteur de la différence entre, d'une part, ce montant de 299 574 euros, d'autre part, celui de 125 418 euros retenu pour la cession consentie à M. B...en 2005 par la société SCC, soit 174 156 euros.
13. Par ailleurs, M. B...était le gérant de droit de la société SCC et, s'il ne disposait du pouvoir décisionnaire dans la société, il est constant qu'il a représenté celle-ci dans deux des trois cessions ayant servi de termes de comparaison à l'administration et ne pouvait donc ignorer la valeur vénale du chalet dont il se portait acquéreur. Dans ces conditions, et sans que les requérants puissent utilement se prévaloir de la circonstance que les associés se seraient portés acquéreurs de lots par nécessité, afin de reconstituer d'urgence la trésorerie de la société, l'administration établit, comme il lui incombe de le faire, l'existence d'une libéralité à hauteur de la somme indiquée au point 12, l'intention pour la société SCC de l'octroyer et pour M. B...de la recevoir. Par suite, elle a pu, dans cette mesure, imposer la minoration de prix en cause entre les mains de M. et Mme B...sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts.
14. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs conclusions à fin de décharge des suppléments d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale, et des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2005, en tant que ces rehaussements ont été établis sur une base excédant 174 156 euros.
DECIDE :
Article 1er : M. et Mme B...sont déchargés des suppléments d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale, et des pénalités y afférentes, auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2005, en tant que ces impositions ont été établies sur la base d'un rehaussement excédant 174 156 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 octobre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 14BX02982