Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 août 2016 et un mémoire enregistré le 10 juillet 2018, la société Artélia Bâtiments et Industrie, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2016 ;
2°) d'annuler les deux titre exécutoires contestés ;
3°) subsidiairement, de déduire la somme de 145 219,10 euros des sommes mises à sa charge et d'exclure la taxe sur la valeur ajoutée des sommes dues au centre hospitalier, toute condamnation prononcée à son encontre ne l'étant qu'en deniers ou quittance ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bigorre une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- sa requête contient des moyens d'appel et est donc recevable ;
- les titres ont été émis par la trésorerie municipale alors qu'ils ne pouvaient l'être que par l'ordonnateur principal de l'établissement hospitalier ; l'apposition, par l'ordonnateur, d'une mention manuscrite sur les titres déjà émis n'a pu avoir pour effet de les régulariser a posteriori ; ils ont donc été pris par une autorité incompétente ;
- les titres ne portent pas la mention des titres et qualité de leur auteur et la signature n'est pas identifiable, en méconnaissance de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ;
- la créance n'est pas liquide et exigible, les titres ne reprenant pas les termes exacts du dispositif de chacun des jugements ;
- l'indication des bases de liquidation fait défaut dans la mesure où les articles du dispositif du jugement du 18 décembre 2012 auxquels renvoient le titre n° 142570 ne prévoient pas le paiement des intérêts moratoires ;
- elle justifie avoir exécuté les deux jugements ; le centre hospitalier s'est même vu indûment allouer une somme de 3 338,49 euros, qui devra être restituée ;
- les condamnations ont été prononcées hors taxe et donc les sommes réclamées ne peuvent inclure la taxe sur la valeur ajoutée.
Par un mémoire enregistré le 3 mai 2017, le centre hospitalier de Bigorre conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Artélia Bâtiment et Industrie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne contient aucun moyen d'appel ;
- les titres litigieux ont été signés du directeur du centre hospitalier, agissant en qualité d'ordonnateur principal de l'établissement ; la trésorerie municipale n'a fait que notifier les avis de sommes à payer ;
- les dispositions de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration ont été parfaitement respectées puisque le nom et la qualité du signataire des titres ont été indiqués ;
- aucune disposition légale ou réglementaire n'imposait de faire figurer sur les titres le dispositif complet des jugements ; en tout état de cause, les titres comportaient en annexe des tableaux détaillant les sommes dues et exigées ; les créances étaient donc certaines, liquides et exigibles ;
- l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 avait été abrogé lorsque les titres ont été émis et la société requérante ne peut donc utilement s'y référer ;
- un tableau de décompte était spécifiquement consacré au calcul des intérêts moratoires ; l'information sur les bases de liquidation était suffisante ;
- il est inexact que la société se soit acquittée de l'intégralité des sommes dues ; elle ne peut remettre en cause le montant des condamnations prononcées par des décisions de justice définitives.
Par une ordonnance du 11 juillet 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 13 août 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code civil ;
- la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réforme à caractère économique et financier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,
- les observations de MeB..., représentant la société Artélia Bâtiment et Industrie,
- et les observations de MeA..., représentant le centre hospitalier de Bigorre.
Considérant ce qui suit :
1. La société Artélia Bâtiment et Industrie, anciennement dénommée Coteba, était titulaire, au sein d'un groupement solidaire, d'un marché de maîtrise d'oeuvre pour la restructuration et l'extension du plateau technique du centre hospitalier de Bigorre, à Tarbes. Dans le cadre d'un litige relatif à l'exécution de ce marché et porté devant le tribunal administratif de Pau par la société titulaire du lot " gros oeuvre, sols durs, charpentes et serrurerie ", le centre hospitalier maître d'ouvrage a été condamné, par un jugement du 6 novembre 2012 devenu définitif, à verser à cette entreprise une indemnité de 46 127,50 euros, augmentée des intérêts moratoires à compter du 3 août 2009, ainsi que la somme de 600 euros au titre des frais d'instance. Le tribunal a également condamné la société Artélia Bâtiment et Industrie à garantir le centre hospitalier de Bigorre, à hauteur de 33 %, des sommes mises à sa charge. Par ailleurs, dans le cadre d'un second contentieux opposant le centre hospitalier à la société titulaire des lots " électricité " et " climatisation " du même marché, le tribunal, par un jugement également définitif du 18 décembre 2012, a condamné l'établissement à verser à cette société des indemnités de 181 162,59 euros HT et 122 784,52 euros au titre de retards de chantier, assorties des intérêts moratoires à compter du 29 juillet 2009, ces sommes étant garanties à concurrence de 22,70 % par la société Artélia, ainsi qu'une indemnité de 46 617,99 euros HT au titre de travaux supplémentaires, assortie des intérêts moratoires à compter de la même date, intégralement garantie par la société Artélia. Le tribunal a également mis à la charge du centre hospitalier les sommes de 27 354,39 euros au titre des frais d'expertise et de 800 euros au titre des frais d'instance, la société Artélia Bâtiment et Industrie étant condamnée à garantir l'établissement à hauteur de 22,70 % de ces sommes. En exécution de ces jugements, le centre hospitalier de Bigorre a émis le 18 juin 2013 à l'encontre de la société Artélia deux titres de recette, rendus exécutoires le même jour, pour des montants respectifs de 17 123,61 euros (titre n° 142566) et de 147 219,23 euros (titre n° 142750). La société Artélia Bâtiment et Industrie a contesté ces deux titres exécutoires et relève appel du jugement du 30 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant principalement à leur annulation.
Sur la recevabilité de la requête :
2. La requête de la société Artélia Bâtiment et Industrie ne constitue pas, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier de Bigorre, la seule reproduction de son mémoire de première instance mais énonce à nouveau, de manière suffisamment précise, les critiques adressées aux titres de recettes dont elle a demandé l'annulation au tribunal administratif. Ainsi, cette requête ne méconnaît pas les exigences posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative et la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier doit, dès lors, être écartée.
Sur la régularité des titres de recette :
3. La société Artélia Bâtiment et Industrie reprend en appel, sans les assortir d'arguments nouveaux ou de critiques utiles de l'analyse du tribunal, les moyens tirés de l'incompétence de l'émetteur des deux titres de recette, de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, reprises à l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration, et du défaut d'indication suffisante des bases de liquidation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
Sur le bien-fondé des titres :
4. Aux termes de l'article R. 2342-4 du code général des collectivités territoriales, applicable aux établissements publics de santé en vertu de l'article L. 1617-5 du même code : " Les produits des communes, des établissements publics communaux et intercommunaux et de tout organisme public résultant d'une entente entre communes ou entre communes et toute autre collectivité publique ou établissement public, qui ne sont pas assis et liquidés par les services fiscaux de l'Etat en exécution des lois et règlements en vigueur, sont recouvrés : - soit en vertu de jugements ou de contrats exécutoires ; - soit en vertu d'arrêtés ou de rôles pris ou émis et rendus exécutoires par le maire en ce qui concerne la commune et par l'ordonnateur en ce qui concerne les établissements publics. ". Et selon l'article 1er de la loi 80-539 du 16 juillet 1980 : " (...) II. - Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice / IV. - L'ordonnateur d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public local est tenu d'émettre l'état nécessaire au recouvrement de la créance résultant d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée dans le délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision de justice. ".
5. Il résulte, d'une part, des mentions des pièces annexées au titre exécutoire n° 142750, pris pour l'exécution du jugement du tribunal administratif de Pau n° 0902619, 0902620 du 18 décembre 2012, qu'il porte notamment, pour des montants respectifs de 2 977,12 euros et de 10 347,99 euros, sur les intérêts moratoires assortissant les sommes dues en principal au titre des lots n° 9 et 11 du marché. Si la société requérante soutient qu'elle ne doit pas ces sommes dans la mesure où le dispositif du jugement ne la condamnerait pas à garantir le centre hospitalier du paiement des intérêts moratoires, il résulte toutefois des mentions explicites des articles 1er, 2 et 7 du dispositif du jugement que les sommes que le centre hospitalier de Bigorre est condamné à payer en principal à l'entreprise chargée des lots 9 et 11 sont augmentées des intérêts moratoires. Or, en vertu des articles 12, 14 et 15 de ce même dispositif, la société Artélia est condamnée à garantir le centre hospitalier, à hauteur respectivement de 22,70 % en ce qui concerne les indemnités afférentes à des retards de chantiers et de 100 % en ce qui concerne les indemnités pour travaux supplémentaires, des condamnations prononcées aux articles 1er, 2 et 7. Dès lors que ces condamnations incluent le paiement des intérêts moratoires contractuels, lesquels sont distincts des intérêts légaux, la société Artélia Bâtiment et Industrie ne saurait prétendre que le titre exécutoire considéré est dépourvu de fondement en ce qu'il met en oeuvre la garantie due au titre desdits intérêts moratoires.
6. La société Artélia relève à juste titre, en revanche, que l'article 2 du jugement du 18 décembre 2012 prononce à l'encontre du centre hospitalier de Bigorre, au titre des travaux supplémentaires sur le lot n° 11, une condamnation au paiement d'une somme de 46 617,99 euros hors taxe, sans prévoir qu'elle soit majorée de la taxe sur la valeur ajoutée. La société est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que la somme mise à sa charge à cet égard par le titre de recette n° 142570 inclut, selon le décompte qui y est joint, un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 9 137,13 euros.
7. Il résulte de ce qui précède que les sommes effectivement dues par la société Artélia Bâtiment Industrie au centre hospitalier de Bigorre s'élèvent à 17 123,61 euros en exécution du jugement du 6 novembre 2012 et à 138 082,10 euros en exécution du jugement du 18 décembre 2012.
8. La société requérante fait valoir, d'autre part, qu'avant même l'édiction des titres de recettes litigieux elle s'était acquittée des sommes réclamées, à concurrence respectivement de 124 757 euros s'agissant du titre émis sous le n° 142570 et de 20 462,10 euros s'agissant du titre émis sous le n° 142566. Il ressort en effet des pièces produites par la société Artélia Bâtiments Industries, en particulier des relevés du compte Carpa de son conseil et des courriers de ce dernier, qu'à la date du 29 avril 2013 elle s'était déjà acquittée auprès du conseil de l'établissement hospitalier du paiement d'une somme de 20 462,10 euros en exécution du jugement du 6 novembre 2012, excédant d'ailleurs le montant dû. Elle justifie également, par les pièces qu'elle verse aux débats, s'être acquittée auprès du conseil de la partie adverse, à la date du 6 juin 2013, d'une somme de 124 757 euros correspondant, selon le décompte explicité dans un courrier de son conseil en date du 11 mars 2013, aux sommes dues en exécution du jugement du 18 décembre 2012, sous déduction des intérêts moratoires et de la taxe sur la valeur ajoutée sur la somme afférente aux travaux supplémentaires, dont elle contestait le paiement. L'acquittement effectif de ces sommes est d'ailleurs corroboré par les mentions d'un commandement de payer émis le 19 janvier 2017 par le comptable public pour avoir recouvrement d'un solde restant dû de 19 123,74 euros. La société Artélia Bâtiment Industrie est donc fondée à soutenir que les titres exécutoires litigieux étaient dépourvus de fondement à la date de leur émission, entièrement en ce qui concerne le titre n° 142566, et à hauteur de 124 757 euros en ce qui concerne le titre n° 142570.
9. Si la société Artélia Bâtiment et Industrie justifie également devant la cour du paiement, à la date du 2 mars 2017, du solde réclamé par la mise en demeure de payer du 19 janvier 2017, lequel prend en considération un trop versé de 3 338,49 euros en exécution du titre n° 142566, cette circonstance n'est, en revanche, pas susceptible d'affecter l'obligation de payer résultant des titres exécutoires émis antérieurement et donnant lieu au présent litige. Il appartiendra à la société requérante, si elle s'y croit fondée, de réclamer au centre hospitalier de Bigorre le reversement de la somme de 9 137,13 euros visée au point 6 ci-dessus.
10. Il résulte de ce qui précède que la société Artélia Bâtiment et Industrie est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur le titre de recette n° 142566, et à hauteur de 124 757 euros en tant que cette demande portait sur le titre n° 142570. Il y a lieu, en conséquence, de décharger dans cette mesure la société requérante de l'obligation de payer procédant des titres de recettes litigieux.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. La société Artélia Bâtiment et Industrie n'étant pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, les conclusions du centre hospitalier de Bigorre tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce centre hospitalier la somme de 1 500 euros à verser à la société requérante sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le titre de recettes n° 142566 du 18 juin 2013 est annulé, de même que, en tant qu'il met à la charge de la société Artélia Bâtiment et Industrie une somme de 124 757 euros, le titre de recettes n° 142570 émis le même jour.
Article 2 : La société Artélia Bâtiment et Industrie est déchargée de l'obligation de payer procédant des titres de recettes n° 142566 et n° 142570, dans la mesure résultant de l'application de l'article 1er.
Article 3 : Le jugement n° 1200130 du 7 novembre 2013 du tribunal administratif de Pau est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le centre hospitalier de Bigorre versera la somme de 1 500 euros à la société Artélia Bâtiment et Industrie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Artélia Bâtiment et Industrie et les conclusions du centre hospitalier présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Artélia Bâtiment et Industrie et au centre hospitalier de Bigorre.
Copie en sera adressée au comptable public.
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
M. David Katz, premier conseiller,
Lu en audience publique le 29 novembre 2018.
Le rapporteur,
Laurent POUGETLe président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Catherine JUSSY
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX02960