La société Maison Ginestet a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler le titre de perception du 26 juin 2015 de 330 639,69 euros correspondant au montant précité et à une sanction d'un montant de 110 213,23 euros, laquelle somme a été réglée par la compensation opérée dès le 29 juillet 2014 avec les sommes dues, par ailleurs, par FranceAgriMer à cette société ainsi que cette compensation et, d'autre part, de la décharger du reversement de l'aide en litige et de la sanction dont il a été assorti.
Par un jugement n° 1405439-1503655 du 30 novembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ces demandes.
Par un arrêt n° 15BX02437-17BX00342 du 2 mars 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société Maison Ginestet, d'une part, contre l'article 3 du jugement n° 1303460 du tribunal administratif de Bordeaux du 19 mai 2015 en tant qu'il a autorisé FranceAgriMer à régulariser à son encontre l'ordre de reversement litigieux et, d'autre part, contre le jugement du même tribunal n° 1405439-1503655 du 30 novembre 2016.
Par une décision n° 420244 du 18 mars 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par la société Maison Ginestet, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 2 mars 2018 en tant qu'il s'est prononcé sur la sanction infligée à la société Maison Ginestet et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la cour.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 janvier 2017 et un mémoire enregistré le
31 mai 2021, la société Maison Ginestet, représentée par Me Aguila et Me Léonard, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 novembre 2016, en tant qu'il s'est prononcé sur la sanction infligée par FranceAgriMer le 26 juin 2015 ;
2°) d'annuler la décision du directeur général de FranceAgriMer du 26 juin 2015, en tant qu'elle lui a infligé une sanction pour un montant de 110 213,23 euros ;
3°) de la décharger de l'obligation de payer ladite somme ;
4°) d'enjoindre à FranceAgriMer de lui verser, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, la somme de 110 213,23 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2014, avec capitalisation au 29 juillet 2015 et à chaque échéance annuelle ultérieure ;
5°) de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a considéré que les dispositions de l'article 5 bis de l'arrêté interministériel du 16 février 2009, qui définissent le régime de sanction sur lequel s'est fondé FranceAgriMer pour sanctionner en l'espèce la Maison Ginestet, étaient légales ;
- par voie de conséquence, c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que la sanction infligée à la Maison Ginestet, conformément aux dispositions de l'article 5 bis de l'arrêté interministériel du 16 février 2009, était légale ;
- par l'effet dévolutif de l'appel, la cour administrative d'appel de Bordeaux pourra juger que la décision du directeur général de FranceAgriMer du 26 juin 2015 est illégale, en tant qu'elle lui a infligé une sanction pour un montant de 110 213,23 euros. En effet, la sanction infligée a été prise sur le fondement de dispositions illégales. Elle se trouve dès lors dépourvue de toute base légale et méconnaît en outre le principe de légalité des délits et des peines.
Par mémoires en défense enregistrés le 13 décembre 2017 et le 25 mai 2021, FranceAgriMer, représentée par Me Alibert, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Maison Ginestet sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que la sanction de 110 213,23 euros appliquée - équivalant à 50 % du montant de l'écart constaté - apparaît, au-delà de l'application des dispositions de l'article 5 bis de l'arrêté du 16 février 2009, parfaitement proportionnée et justifiée compte tenu de la nature et de la gravité des manquements constatés. Elle ne méconnaît pas le principe de proportionnalité des sanctions, découlant de l'article 98 du règlement n° 555/2008 du 27 juin 2008.
Par une ordonnance du 2 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 juin 2021 à 12 heures.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;
- le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole ;
- le règlement (CE) n° 485/2008 du Conseil du 26 mai 2008 relatif aux contrôles, par les Etats membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen agricole de garantie ;
- le règlement (CE) n° 555/208 de la Commission du 27 juin 2008 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole ;
- le décret n° 2009-178 du 16 février 2009 définissant conformément au règlement n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 les modalités de mise en œuvre des mesures retenues au titre du plan national d'aide au secteur vitivinicole financé par les enveloppes nationales définies par le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil de l'Union européenne du 29 avril 2008 ;
- l'arrêté du 16 février 2009 définissant les conditions de mise en œuvre des mesures de promotion dans les pays tiers, éligibles au financement par les enveloppes nationales définies par le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dominique Ferrari,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,
- les observations de Me Léonard, représentant la SA Maison Ginestet et celles de Me Alibert, représentant FranceAgriMer.
Considérant ce qui suit :
1. La société anonyme Maison Ginestet, négociant de vins de Bordeaux, a reçu des aides de l'Union européenne dans le cadre d'un programme de promotion des vins sur les marchés tiers mis en œuvre du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, en exécution d'une convention conclue, le 13 août 2009, avec l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer). A l'issue d'un contrôle effectué sur pièces et sur place du 19 au 22 décembre 2011 qui a mis en évidence diverses irrégularités portant sur un montant total d'aide de 220 426,46 euros, FranceAgriMer a demandé, par une décision du 4 avril 2013, le reversement de ce montant et, par une décision du 27 août 2013, a infligé à la société Maison Ginestet une sanction de 110 213,23 euros. Par un jugement du 19 mai 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 4 avril 2013 pour vice de forme et a enjoint à FranceAgriMer de restituer à la société Maison Ginestet, sauf régularisation, les sommes perçues sur son fondement. Par une nouvelle décision du 26 juin 2015, prise après régularisation, FranceAgriMer a mis à la charge de la société Maison Ginestet le paiement d'une somme totale de 330 639,69 euros au titre du reversement de l'aide et de la sanction précités, laquelle somme a été réglée par la compensation avec d'autres sommes dues à cette société. Par un jugement du 30 novembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les demandes de la société Maison Ginestet dirigées contre la décision du 26 juin 2015 et contre la compensation mise en œuvre. Par un arrêt du 2 mars 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté les appels formés par la société Maison Ginestet contre ce jugement et contre le jugement du 19 mai 2015 en tant qu'il a autorisé FranceAgriMer à régulariser la décision de reversement en litige. Le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur saisine de la société Maison Ginestet a annulé cet arrêt en tant qu'il s'est prononcé sur la sanction infligée à la société Maison Ginestet et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la cour.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 2 du règlement n° 2988/95 : " 1. Les contrôles et les mesures et sanctions administratives sont institués dans la mesure où ils sont nécessaires pour assurer l'application correcte du droit communautaire. Ils doivent revêtir un caractère effectif, proportionné et dissuasif, afin d'assurer une protection adéquate des intérêts financiers des Communautés. / (...) / 3. Les dispositions du droit communautaire déterminent la nature et la portée des mesures et sanctions administratives nécessaires à l'application correcte de la réglementation considérée en fonction de la nature et de la gravité de l'irrégularité, du bénéfice accordé ou de l'avantage reçu et du degré de responsabilité. (...) ". Aux termes de l'article 4, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole, modifiant les règlements (CE) n° 1493/1999, (CE) n° 1782/2003, (CE) n° 1290/2005 et (CE) n° 3/2008, et abrogeant les règlements (CEE) n° 2392/86 et (CE) n° 1493/1999 : " 2. (...) / Il incombe aux États membres de prévoir et d'appliquer les contrôles et les sanctions nécessaires en cas de manquement aux programmes d'aide ". Aux termes de l'article 98 du règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole, en ce qui concerne les programmes d'aide, les échanges avec les pays tiers, le potentiel de production et les contrôles dans le secteur vitivinicole : " Sans préjudice des sanctions décrites dans le règlement (CE) n° 479/2008 ou dans le présent règlement, les États membres prévoient l'application de sanctions, au niveau national, pour les irrégularités commises à l'égard des exigences énoncées dans le règlement (CE) n° 479/2008 et dans le présent règlement, qui soient effectives, proportionnées et dissuasives de manière à assurer une protection adéquate des intérêts financiers des Communautés ".
3. Aux termes de l'article 5 bis de l'arrêté du 16 février 2009 définissant les conditions de mise en œuvre des mesures de promotion dans les pays tiers, éligibles au financement par les enveloppes nationales définies par le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole : " En application des dispositions de l'article 98 du règlement (CE) n° 555/2008, des sanctions sont appliquées par l'établissement créé en application de l'article L. 621-1 du code rural et de la pêche maritime selon les modalités décrites ci-après : / Lorsque le montant d'aide calculé sur la base d'un contrôle sur place, réalisé avant ou après le paiement de l'aide par tout organe de contrôle compétent, est inférieur au montant d'aide initialement retenu par FranceAgriMer sur la base de l'instruction des éléments recevables des demandes de paiement introduites par le bénéficiaire, le taux d'anomalie calculé à partir de l'écart ainsi constaté (montant écart/ montant initialement retenu × 100) conduit aux mesures suivantes : / - lorsque le taux d'anomalie est inférieur ou égal à 5 %, l'aide est arrêtée au montant calculé après contrôle sur place ; / - lorsque le taux d'anomalie est supérieur à 5 % et inférieur ou égal à 10 %, le montant d'aide calculé après contrôle sur place est diminué de 5 % du montant de l'écart constaté ; / - lorsque le taux d'anomalie est supérieur à 10 % et inférieur ou égal à 25 %, le montant d'aide calculé après contrôle sur place est diminué de 10 % du montant de l'écart constaté ; / - lorsque le taux d'anomalie est supérieur à 25 % et inférieur ou égal à 50 %, le montant d'aide calculé après contrôle sur place est diminué de 25 % du montant de l'écart constaté ; / - au-delà de 50 %, le montant d'aide calculé après contrôle sur place est diminué de 50 % du montant de l'écart constaté, le montant de la diminution est plafonné au montant de l'aide calculé après contrôle sur place ; / - lorsqu'il est établi que l'écart constaté résulte d'une fausse déclaration du bénéficiaire constituée par la fourniture intentionnelle de données erronées dans la demande de paiement, le montant d'aide calculé après contrôle sur place est diminué du montant total de l'écart constaté. Si cette diminution conduit à un montant d'aide positif, aucun paiement n'est dû. Si cette diminution conduit à un montant d'aide négatif, le bénéficiaire est tenu de verser ce montant négatif. / Tout paiement indu est recouvré, avec intérêts, auprès des bénéficiaires concernés. En application de l'article 97 du règlement (CE) n° 555/2008, les intérêts courent de la notification au bénéficiaire de l'obligation de remboursement à la date dudit remboursement ou de la déduction des sommes dues. / (...) ".
4. Les dispositions précitées de l'article 5 bis de l'arrêté du 16 février 2009 prévoient l'application de sanctions déterminées selon une règle strictement arithmétique, exclusivement liée à la proportion du montant de l'aide dont le contrôle a révélé qu'il avait été indûment perçu par rapport au montant de l'aide initialement retenu, sans que ne soit prise en considération, en dehors de la fourniture intentionnelle de données erronées dans la demande de paiement, la nature et la gravité des irrégularités qui ont été commises. Dès lors, ainsi que le soutient la société requérante, en jugeant que l'arrêté fixant ce régime ne méconnaît pas le principe de proportionnalité posé par l'article 98 du règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008, le tribunal administratif de Bordeaux a entaché son jugement d'une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que l'article 5 bis de l'arrêté du 16 février 2009 ne peut légalement fonder la sanction en litige. Or, il résulte des termes mêmes de la décision du 26 juin 2015 ayant infligé la sanction contestée que FranceAgriMer a fait application de ces dispositions réglementaires et que le montant de la sanction a ainsi été déterminé sur la seule base arithmétique de cet arrêté, sans tenir compte de la nature et de la gravité des irrégularités qui ont été commises. Contrairement à ce que soutient FranceAgrimer qui se borne à affirmer que la sanction est parfaitement proportionnée compte tenu du taux des manquements constatés par rapport au montant des aides perçues, et se réfère ainsi implicitement à des critères purement arithmétiques, il ne résulte pas de l'instruction que la sanction ainsi infligée à la société Ginestet respecterait le principe de proportionnalité. Ainsi, la société Maison Ginestet est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal en tant qu'il s'est prononcé sur la sanction d'un montant de 110 213,23 euros ainsi que de cette sanction du 26 juin 2015 prononcée par le directeur général de FranceAgriMer.
6. L'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle a infligé à la société Maison Ginestet une sanction pour un montant de 110 213,23 euros implique nécessairement que FranceAgriMer restitue à la société Maison Ginestet, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, la somme de 110 213,23 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date d'encaissement de cette somme par l'agent comptable de FranceAgriMer, soit le 29 juillet 2014. Ces intérêts seront capitalisés au 31 mai 2021, date à laquelle cette capitalisation a été demandée au juge pour la première fois, alors que plus d'une année d'intérêts était due, et à chaque échéance annuelle ultérieure jusqu'au paiement.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 1 500 euros à verser à la société Maison Ginestet au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la société Maison Ginestet, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 novembre 2016, en tant qu'il s'est prononcé sur la sanction infligée à la société Maison Ginestet, est annulé.
Article 2 : La décision du directeur général de FranceAgriMer du 26 juin 2015, en tant qu'elle a infligé à la société Maison Ginestet une sanction pour un montant de 110 213,23 euros est annulée.
Article 3 : Il est enjoint à France AgriMer de verser à la société Maison Ginestet, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, la somme de 110 213,23 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2014 et de leur capitalisation le 31 mai 2021, puis à chaque échéance annuelle.
Article 4 : FranceAgriMer versera à la société Maison Ginestet la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Maison Ginestet et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer).
Copie en sera adressée au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Nicolas Normand, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2021.
Le rapporteur,
Dominique Ferrari La présidente,
Evelyne Balzamo Le greffier,
Stéphan Triquet
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX01765