Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 août 2017, M. et Mme B..., représentés par la SELARL Alpha Conseils, demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités encore en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que s'ils ne contestent pas que M. B... a effectivement encaissé les fonds en litige sur ses comptes personnels, ces sommes ont été employées à la rémunération de salariés non déclarés de l'EURL FPS ainsi que l'a établi une enquête pénale ; dès lors, il incombe à l'administration, pour que les sommes puissent être imposées comme des revenus distribués, de démontrer qu'elles n'ont pas été utilisées dans l'intérêt de l'entreprise.
Par un mémoire, enregistré le 5 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet du recours et, par la voie de l'appel incident, demande la réformation du jugement du 23 juin 2017 en ce qu'il prononce la décharge partielle des impositions en litige.
Il soutient que :
- l'autorité absolue de la chose jugée au pénal ne s'attache qu'à la constatation des faits et à leur qualification sur le plan pénal, elle ne s'étend pas à l'appréciation des même faits au regard de la loi fiscale notamment pour l'évaluation des bases d'imposition ;
- M. B... a reconnu que les sommes figurant au crédit de ses comptes bancaires provenaient de détournements de fonds effectivement et directement appréhendés par lui au détriment des sociétés dont il était gérant ou associé et maître de l'affaire ; ces sommes constituent donc des revenus distribués sans que puisse y faire échec l'allégation, à la supposer même établie, qu'elles auraient été mises à la disposition d'un tiers ;
- le contribuable n'établit pas que les sommes en litige auraient été utilisées pour rémunérer un service rendu par des salariés non déclarés aux sociétés qui les employaient illégalement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2008, 2009 et 2010. L'examen des relevés de comptes bancaires obtenus par l'exercice du droit de communication a révélé que M. B... avait encaissé sur ses comptes des sommes nettement supérieures aux revenus déclarés par son foyer fiscal. M. B... a reconnu que cette discordance provenait de détournements de fonds. L'administration a imposé ces sommes en les regardant comme des revenus distribués au sens du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. M et Mme B... font appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 juin 2017 en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à la demande en décharge des impositions et pénalités procédant de cette rectification et portant sur les revenus distribués perçus entre le 1er janvier 2008 et le 2 septembre 2009. Par la voie de l'appel incident, le ministre des comptes et de l'action publique sollicite la réformation du jugement en vue du rétablissement de l'intégralité de ces impositions et pénalités.
2. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ".
3. Ainsi que l'a établi l'administration dans la proposition de rectification du 16 décembre 2011 à la suite de l'examen de situation fiscale personnelle dont M. et Mme B... ont fait l'objet, et comme l'a d'ailleurs admis le requérant qui a été condamné au pénal pour travail dissimulé rémunéré par le tribunal correctionnel d'Agen le 11 mai 2012, M. B... a encaissé les sommes de 89 981,33 euros en 2008, de 102 498,95 euros en 2009 et de 134 615 euros en 2010 en détournant des fonds au détriment de l'EURL FPS et des sociétés FPS Perpignan et FPS Formation dont il était le gérant et associé. Ces détournements ont été effectués par virements sur les comptes de l'intéressé, encaissements de chèques émis par les clients des sociétés sur les comptes personnels de M. B..., ou par chèques établis par les sociétés en paiement de fausses factures.
4. Le tribunal administratif, estimant qu'une partie des fonds détournés avait ensuite été utilisée au paiement de certains salariés non déclarés, a néanmoins prononcé la décharge partielle des impositions en litige.
5. Toutefois, en application des dispositions précitée de l'article 109, et compte tenu des fait établis tels qu'ils ont été rappelés au point 3, l'administration était fondée à regarder les sommes détournées comme des revenus distribués à M. B... et, en application des dispositions précitées de l'article 109 du code général des impôts, à les taxer à son nom dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, quelle qu'ait été l'affectation ultérieure des fonds ainsi appréhendés par M. B....
6. C'est donc à tort que le tribunal a prononcé une décharge partielle des impositions alors, au surplus qu'aucune exacte corrélation entre les sommes en litige et des versements effectivement opérés dans l'intérêt exclusif des sociétés dont M. B... avait la maîtrise n'est justifiée par l'intéressé et que l'autorité de chose jugée qui s'attache au pénal sur l'emploi des sommes aux fins de rémunération de travail dissimulé n'a pas d'incidence sur la qualification des mêmes sommes pour l'application de la loi fiscale.
7. Le ministre de l'action et des comptes publics est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé une telle décharge partielle et à demander que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu assignées à M. et Mme B... procédant de la taxation des revenus distribués perçus entre le 1er janvier 2008 et le 2 septembre 2009 et les pénalités y afférentes soient remises à la charge de ces derniers.
8. Pour les mêmes motifs, et dès lors que le moyen soulevé par les requérants sur l'emploi des sommes est inopérant, ces derniers ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté le surplus de leur demande en décharge.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent M. et Mme B... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 23 juin 2017 est annulé.
Article 3 : Les cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu assignées à M. et Mme B... et procédant de la taxation des revenus distribués perçus entre le 1er janvier 2008 et le 2 septembre 2009 ainsi que les pénalités y afférentes sont remises à la charge de ces derniers.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 octobre 2019.
Le rapporteur,
Stéphane Gueguein Le président,
Philippe Pouzoulet Le greffier,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 17BX02858