Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 15 avril 2019 sous le n° 19BX01574, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 19 février 2019.
Il soutient que :
- c'est à tort que le magistrat désigné a annulé l'arrêté de transfert de M. A... aux autorités italiennes au motif tiré de ce qu'il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas le bénéfice de la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dès lors que, d'une part, il n'est pas démontré que l'Italie ne respecte pas les droits fondamentaux des étrangers sollicitant l'asile, et que, d'autre part, M. A... ne démontre pas que les autorités italiennes seraient dans l'incapacité d'examiner sa demande d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 juillet 2019, M. A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne d'enregistrer sa demande ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 24 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, dans l'hypothèse où il ne serait pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à lui verser.
Il fait valoir que :
En ce qui concerne l'arrêté de transfert :
- il est insuffisamment motivé ;
- cet arrêté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- le préfet s'est estimé lié par la seule circonstance que sa demande d'asile semblait relever de la compétence des autorités italiennes ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation : le préfet devait mettre en oeuvre la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dès lors qu'il a manifesté le souhait que sa demande d'asile soit examinée en France dans la mesure où il n'a reçu aucune aide en Italie et que cet Etat connait des difficultés dans l'accueil des demandeurs d'asile ; en outre, l'Italie a rejeté sa demande d'asile ;
- cet arrêté méconnaît les articles 21 et 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et 15 et 19 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission européenne du 2 septembre 2003 : il n'est pas démontré que le point d'accès national français responsable du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes, ait transmis la demande de reprise en charge de M. A... au point d'accès italien dans le délai imparti par ces dispositions ;
- il méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :
- il est privé de base légale en raison de l'illégalité de l'arrêté de transfert ;
- cet arrêté est insuffisamment motivé.
Par ordonnance du 22 juillet 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 16 août 2019 à 12h00.
Par décision du 26 septembre 2019, le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été maintenu au profit de M. A....
II. Par une requête enregistrée le 15 avril 2019 sous le n° 19BX01576, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 19 février 2019.
Il soutient que :
- sa requête en annulation contient des moyens sérieux de nature à entraîner l'annulation du jugement et le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse ;
- l'exécution de la décision du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse entraîne des conséquences irréparables pour l'autorité administrative, justifiant ainsi le sursis à exécution en raison de la caducité dont sera frappé l'arrêté de transfert à l'expiration du délai de 6 mois à compter de la date du jugement attaqué.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 juillet 2019, M. A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne d'enregistrer sa demande ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 24 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, dans l'hypothèse où il ne serait pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à lui verser.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le préfet sont infondés.
Par ordonnance du 22 juillet 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 26 août 2019 à 12h00.
Par décision du 26 septembre 2019, le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été maintenu au profit de M. A....
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... C..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant camerounais né le 29 octobre 1988, est entré en France le 18 novembre 2018, selon ses déclarations. Le 5 décembre 2018, il s'est présenté à la préfecture de la Haute-Garonne afin de solliciter l'asile. Le résultat du relevé de ses empreintes décadactylaires ayant révélé qu'il avait introduit une demande d'asile en Italie le 28 juin 2017, l'autorité préfectorale a saisi, le 12 décembre 2018, les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Après avoir constaté l'accord implicite des autorités italiennes le 2 janvier 2019, le préfet de la Haute-Garonne a, par deux arrêtés du 13 février 2019, d'une part, ordonné le transfert de M. A... vers l'Italie en vue de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a assigné à résidence au sein de la commune de Toulouse pour une durée de 45 jours renouvelable trois fois. Par un jugement du 19 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé ces arrêtés. Par la requête n° 19BX01574, le préfet de la Haute-Garonne relève appel de ce jugement et, par la requête n° 19BX01576, il demande à la cour d'en ordonner le sursis à exécution.
Sur la jonction :
2. Ces requêtes sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
3. Il a été statué sur les demandes d'aide juridictionnelle présentées par M. A... par décisions du 26 septembre 2019. Par suite, les conclusions du requérant tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur la requête n° 19BX01574 :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le premier juge :
4. Aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...). / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. ". En vertu de l'article 17 de ce règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) / 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...). ". Si la mise en oeuvre, par les autorités françaises, des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 doit être assurée à la lumière des exigences définies par les dispositions du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, en vertu desquelles les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif, la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
5. L'Italie étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à celles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.
6. Aucun élément du dossier ne permet de considérer qu'à la date de l'arrêté attaqué, les autorités italiennes, qui ont implicitement donné leur accord à la demande de reprise en charge adressée par les autorités françaises, n'étaient pas en mesure de traiter sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile et qu'il y aurait eu pour le requérant, en Italie, un risque réel d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, même en tenant compte des difficultés rencontrées par les autorités italiennes face à l'afflux de migrants et de demandes d'asile. Ainsi, l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays n'est pas établie. L'existence de telles défaillances ne saurait découler de la circonstance que la demande d'asile de M. A... aurait déjà été rejetée par les autorités italiennes.
7. De plus, et dans ces conditions, les conséquences de son transfert en Italie telles qu'elles sont invoquées par M. A... ne sont pas de nature à établir qu'en s'étant abstenu de mettre en oeuvre la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le préfet de la Haute-Garonne se serait livré à une appréciation manifestement erronée de sa situation personnelle.
8. Dès lors, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé, l'arrêté litigieux du 13 février 2019 ordonnant le transfert de l'intéressé vers l'Italie ainsi que, par voie de conséquence, le second arrêté du même jour l'assignant à résidence, au motif d'une méconnaissance des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013.
9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse et la cour.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. A... en première instance et en appel :
S'agissant de l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes :
10. En premier lieu, la décision attaquée, qui comporte les considérations de droit qui en constituent le fondement et mentionne les principaux éléments relatifs à la situation personnelle de M. A..., précise en particulier que le résultat du relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé qu'il avait introduit une demande d'asile en Italie le 28 juin 2017 et vise notamment l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, relatif au demandeur d'asile ayant déposé une demande de protection internationale dans un autre Etat membre. L'arrêté litigieux indique ainsi clairement le motif pour lequel le préfet a décidé du transfert de l'intéressé vers l'Italie. Cette motivation établit que le préfet s'est livré à un examen particulier de la situation personnelle de M. A....
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".
12. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre, le 5 décembre 2018 le guide du demandeur d'asile en France ainsi que les brochures d'information A " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " en langue française qu'il a déclaré comprendre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
13. En troisième lieu et d'une part, il résulte de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride que, lorsque l'autorité administrative saisie d'une demande de protection internationale estime, au vu de la consultation du fichier Eurodac prévue par le règlement (UE) n° 603/2013 relatif à la création d'Eurodac, que l'examen de cette demande ne relève pas de la France, il lui appartient de saisir le ou les Etats qu'elle estime responsable de cet examen dans un délai maximum de deux mois à compter de la réception du résultat de cette consultation. À défaut de saisine dans ce délai, la France devient responsable de cette demande. Selon l'article 25 du même règlement, l'Etat requis dispose, dans cette hypothèse, d'un délai de deux semaines au-delà duquel, à défaut de réponse explicite à la saisine, il est réputé avoir accepté la reprise en charge du demandeur.
14. D'autre part, le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, modifié par le règlement d'exécution (UE) n°118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, a notamment créé un réseau de transmissions électroniques entre les Etats membres de l'Union européenne ainsi que l'Islande et la Norvège, dénommé " Dublinet ", afin de faciliter les échanges d'information entre les Etats, en particulier pour le traitement des requêtes de prise en charge ou de reprise en charge des demandeurs d'asile. Selon l'article 19 de ce règlement, chaque Etat dispose d'un unique " point d'accès national ", responsable pour ce pays du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes et qui délivre un accusé de réception à l'émetteur pour toute transmission entrante. Selon l'article 15 de ce règlement : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national (...) est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Le 2 de l'article 10 du même règlement précise que : " Lorsqu'il en est prié par l'Etat membre requérant, l'Etat membre responsable est tenu de confirmer, sans tarder et par écrit, qu'il reconnaît sa responsabilité résultant du dépassement du délai de réponse ".
15. En vertu de ces dispositions, lorsque le préfet est saisi d'une demande d'enregistrement d'une demande d'asile, il lui appartient, s'il estime, après consultation du fichier Eurodac, que la responsabilité de l'examen de cette demande d'asile incombe à un Etat membre autre que la France, de saisir la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur, qui gère le " point d'accès national " du réseau Dublinet pour la France. Les autorités de l'Etat regardé comme responsable sont alors saisies par le point d'accès français, qui archive les accusés de réception de ces demandes.
16. La décision de transfert d'un demandeur d'asile vers l'Etat membre responsable au vu de la consultation du fichier Eurodac ne peut être prise qu'après l'acceptation de la reprise en charge par l'Etat requis, saisi dans le délai de deux mois à compter de la réception du résultat de cette consultation.
17. Le juge administratif, statuant sur des conclusions dirigées contre la décision de transfert et saisi d'un moyen en ce sens, prononce l'annulation de la décision de transfert si elle a été prise alors que l'Etat requis n'a pas été saisi dans le délai de deux mois ou sans qu'ait été obtenue l'acceptation par cet Etat de la reprise en charge de l'intéressé. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur ce point au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier par les parties.
18. Il résulte des dispositions citées ci-dessus du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 que la production de l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau Dublinet, par le point d'accès national de l'Etat requis lorsqu'il reçoit une demande présentée par les autorités françaises établit l'existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai de deux semaines au terme duquel la demande de reprise est tenue pour implicitement acceptée. Pour autant, la production de cet accusé de réception ne constitue pas le seul moyen d'établir que les conditions mises à la reprise en charge du demandeur étaient effectivement remplies. Il appartient au juge administratif, lorsque l'accusé de réception n'est pas produit, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation du fichier Eurodac et de saisine du point d'accès national français ou des éléments figurant dans une confirmation explicite par l'Etat requis de son acceptation implicite de reprise en charge.
19. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le fichier Eurodac a été consulté par les services de la préfecture de la Haute-Garonne le 5 décembre 2018 et que cette consultation a révélé que M. A... avait introduit une demande d'asile en Italie. Il ressort également des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne a saisi, le 12 décembre 2018, la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur, qui gère le " point d'accès national " du réseau Dublinet pour la France, aux fins de transmission de la demande de reprise en charge de l'intéressé aux autorités italiennes, ce qui a donné lieu à l'émission d'un accusé de réception du même jour, lequel comporte le numéro de dossier de M. A.... La réalité de cette saisine est confirmée par le " constat d'accord implicite et confirmation de reconnaissance de la responsabilité " édité le 2 janvier 2019 par la préfecture et reprenant les références de cette demande de reprise en charge, notamment le numéro de dossier de l'intéressé, ainsi que par l'accusé de réception y afférent. Ainsi et contrairement à ce que soutient M. A..., il est établi que les autorités italiennes ont été saisies de la demande de reprise en charge de l'intéressé dans le délai de deux mois prévu par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 21 et 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et des articles 15 et 19 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 doit être écarté.
20. En dernier lieu et pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 à 7 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
S'agissant de l'arrêté portant assignation à résidence :
21. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté serait privé de base légale en raison de l'illégalité de l'arrêté ordonnant son transfert vers l'Italie.
22. En second lieu, l'arrêté en litige comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivé.
23. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé les deux arrêtés du 13 février 2019 portant transfert de M. A... aux autorités italiennes et l'assignant à résidence.
Sur la requête n° 19BX01576 :
24. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du 19 février 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de la requête n° 19BX01576 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet.
Sur les conclusions accessoires présentées par M. A... :
25. L'exécution du présent arrêt, qui rejette les conclusions présentées à fin d'annulation par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse, n'implique l'édiction d'aucune mesure d'exécution. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. A... à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande de verser à son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 19BX01576 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1900843 du 19 février 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse.
Article 3 : Le jugement n° 1900843 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 19 février 2019 est annulé.
Article 4 : Les demandes présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
M. E... C..., président-assesseur,
M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 octobre 2019.
Le rapporteur,
Dominique C... Le président,
Philippe Pouzoulet Le greffier,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°s 19BX01574, 19BX01576