Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2014, la SCI Marguerite, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 14 octobre 2014 ;
2°) de prononcer le dégrèvement de TVA à hauteur de la somme de 48 198 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la SCI Marguerite.
Considérant ce qui suit :
1. En vertu d'une convention de démembrement temporaire conclue le 27 octobre 2011, et dans le cadre d'une opération d'optimisation de la gestion des biens de M. B...C..., la SCI Marguerite a acquis de la société Cabinet C...et associés, moyennant la somme de 619 819 euros toutes taxes comprises, l'usufruit pour une durée de 15 ans d'un immeuble à usage de bureaux situé au 3 rue Marguerite Duras à Auch tandis que, par le même acte, la SCI Duras acquérait, au prix de 294 107 euros toutes taxes comprises, la nue-propriété de cet immeuble. La SCI Marguerite, à sa demande, a obtenu un remboursement d'un crédit de TVA d'un montant de 151 051 euros, correspondant à la taxe ayant grevé l'acquisition tant de la nue-propriété que de l'usufruit de cet immeuble. Le 20 avril 2012, l'administration, ayant considéré que la taxe ayant grevé l'acquisition de la nue-propriété de l'immeuble n'était pas déductible par la SCI Marguerite, a remis en cause le remboursement correspondant de 48 198 euros, et lui a notifié un rappel de TVA de ce montant par avis de mise en recouvrement du 16 novembre 2012. La SCI Marguerite relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition correspondant au droit à déduction que la SCI Duras avait transmis à la SCI Marguerite en estimant pouvoir se fonder sur le paragraphe 166 de l'instruction administrative 3 A-9-10 publié au BOI du 30 décembre 2009.
Sur le bien fondé des impositions supplémentaires :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. II. 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire. (...) " ; Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. (...) " ; Aux termes de l'article 257 dudit code : " I.-Les opérations concourant (...) à la livraison d'immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent. 1. Sont assimilés à des biens corporels et suivent le régime du bien immeuble auquel ils se rapportent : 1° Les droits réels immobiliers (...) " ; Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...).
3. En second lieu, aux termes de l'article 210 de l'annexe 2 au code général des impôts : " I.-1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé certains biens constituant des immobilisations et utilisés pour la réalisation d'opérations ouvrant droit à déduction peut être déduite, dans les conditions et suivant les modalités prévues au 2 et au 3, par l'entreprise utilisatrice qui n'en est pas elle-même propriétaire. 2. La taxe déductible est celle afférente : 1° Aux dépenses exposées pour les investissements publics que l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que leurs groupements, ou leurs établissements publics confient à l'entreprise utilisatrice afin qu'elle assure, à ses frais et risques, la gestion du service public qu'ils lui ont déléguée ; 2° Aux immeubles édifiés par les sociétés de construction dont les parts ou actions donnent vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'un immeuble ou d'une fraction d'immeuble. 3. La taxe déductible est celle due ou supportée à raison de l'acquisition ou de la construction du bien, ou de la réalisation des travaux. La mise à disposition ou l'entrée en jouissance du bien, le retrait ou l'interruption dans la jouissance du bien sont assimilés à des transferts de propriété. Les personnes énumérées au 2 délivrent à l'utilisateur une attestation du montant de la taxe qui a grevé le bien. Une copie est adressée au service des impôts. II.-Les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée qui, compte tenu des dispositions du 2° du 1 et du 2° du 4 de l'article 298 du code général des impôts, ne peuvent opérer eux-mêmes les déductions auxquelles ils ont droit sont autorisés à transférer leurs droits à déduction aux redevables de la taxe sur la valeur ajoutée exigible lors de la mise à la consommation des produits pétroliers et assimilés énumérés au tableau B de l'article 256 du code des douanes ".
4. Ainsi que le fait valoir l'administration, la SCI Marguerite, qui a acquis l'usufruit de l'immeuble, n'a pas supporté la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la cession de la nue-propriété du bien. En outre, sa situation n'est pas au nombre de celles régies par les dispositions de l'article 210 de l'annexe II au code général des impôts qui prévoient des hypothèses dans lesquelles l'exploitant peut déduire la taxe ayant grevé un bien constituant une immobilisation et exploité pour des opérations ouvrant droit à déduction de la taxe mais dont il n'a pas la propriété. Par suite, sa demande en décharge ne peut qu'être rejetée sur le terrain de la loi fiscale, sans que la société puisse se prévaloir de la méconnaissance du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée.
En ce qui concerne l'invocation de la doctrine administrative :
5. Aux termes du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) " ;
6. La SCI Marguerite fait valoir qu'elle entre dans les prévisions du paragraphe n° 166 de l'instruction 3 A-9-10 du 29 décembre 2010 commentant les règles, issues de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010, relatives à la taxe sur la valeur ajoutée en matière immobilière.
7. Aux termes de ce paragraphe, lorsque la propriété d'un immeuble donne lieu à un démembrement en raison de la cession à un tiers de 1'usufruit ou de la nue-propriété, la nue-propriété doit être regardée comme n'étant pas affectée à une activité économique imposable. Cette situation est exclusive de 1'exercice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la valeur de ce droit. Toutefois, lorsque ce droit réel constitue une immobilisation chez son propriétaire de même que l'usufruit pour son bénéficiaire, il y lieu d'admettre que, dans des conditions analogues à celles prévues au 3 du III de 1'article 207 de 1'annexe II au code général des impôts, le nu-propriétaire puisse transmettre le droit à déduction dont il est privé au bénéfice de 1'usufruitier dès lors que ce dernier utilise le bien pour des opérations ouvrant droit à déduction.
8. L'instruction administrative, qui est d'interprétation stricte, ne prévoit que deux hypothèses clairement explicitées en deux points au paragraphe 166 : une première situation dans laquelle le démembrement résulte de la cession de l'usufruit, et une seconde situation dans laquelle le propriétaire est amené à céder la nue-propriété en conservant l'usufruit pour continuer à exploiter le bien. Comme le fait observer l'administration, le paragraphe n° 166 fixe une des " règles particulières de régularisation " en matière de droits à déduction de la TVA qui autorise le transfert du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'acquisition de l'immeuble soit au profit du nouvel exploitant, acquéreur de l'usufruit du bien, soit au bénéfice du propriétaire initial qui en conserve l'usufruit et continue de l'exploiter tout en cédant la nue-propriété de l'immobilisation à un tiers lorsque la cession est taxée de plein droit ou sur option. Le dispositif permet ainsi au cédant qui conserve la nue-propriété de l'immobilisation de transférer à l'acquéreur de l'usufruit une partie du droit de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée initialement acquittée, à proportion de la durée de régularisation non encore courue, ou de conserver le droit de déduction de cette taxe s'il continue d'exploiter le bien après la cession de la nue-propriété.
9. Par conséquent cette règle de régularisation est admise par l'administration afin de ne pas entraver les démembrements de la propriété d'un bien constituant une immobilisation opérés par le propriétaire qui l'a initialement acquis en vue de son exploitation par lui-même ou par un tiers, sous le régime de l'usufruit. Elle ne prévoit aucun transfert du droit à déduction dans l'hypothèse où le propriétaire aliène définitivement le bien en en cédant simultanément l'usufruit et la nue-propriété à deux acquéreurs différents dont un seul, l'usufruitier, continue de l'exploiter pour des opérations ouvrant droit à déduction. La SCI Marguerite ne peut donc revendiquer aucun droit supplémentaire à déduction de taxe sur le fondement de cette instruction, même en se prévalant de l'accord de la SCI Duras sur le transfert du droit à déduction de la taxe acquittée par cette dernière société lors de l'acquisition de la nue-propriété. Et ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la SCI Marguerite, en tant qu'opérateur acquéreur en usufruit, n'est privée d'aucun droit à déduction de la taxe qu'elle a elle-même acquittée pour cette acquisition : le fait qu'elle ne puisse pas bénéficier des prévisions de la doctrine susmentionnée ne méconnaît aucunement, en ce qui la concerne, le principe de neutralité de la taxe.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Marguerite n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Les conclusions de la requête, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent ainsi qu'être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête de la SCI Marguerite est rejetée.
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N° 14BX03561