Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés le 17 juin 2016, le 21 mars 2017 et le 9 mai 2017, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse daté du 19 avril 2016 ;
2°) de prononcer la réduction demandée ;
3°) à titre subsidiaire, de désigner un expert chargé d'évaluer la part non imposable de l'indemnité en litige ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- l'indemnité transactionnelle de 1 300 539 euros versée par son ancien employeur en application de la transaction conclue le 24 juin 2011 est exonérée d'impôt sur le revenu dès lors qu'elle répare des préjudices autres que la perte de revenus entraînée par le licenciement ;
- le tribunal relève à tort que la somme de 1 300 529 euros n'est pas ventilée en fonction des chefs de préjudice et que la perte de possibilité d'augmenter ses droits à la retraite se rattache à une perte de revenus ; une transaction a pour objet de mettre un terme définitif à toutes les prétentions des parties et suppose donc l'allocation d'une somme forfaitaire, globale et définitive sans qu'il soit nécessaire de ventiler cette somme entre chefs de préjudice ; en se faisant indemniser au titre de la perte des droits à la retraite, il ne se voit pas allouer l'équivalent des pensions de retraite qu'il aurait perçues mais un dédommagement de la perte d'une chance ; il ne s'agit donc pas d'une simple perte de revenus mais bien de la diminution capitalisée d'un patrimoine familial du fait de la privation de ses droits à la retraite ;
- il rapporte la preuve qu'il a subi des préjudices dont l'indemnisation n'est pas imposable, énumérés dans la transaction ;
- le dernier alinéa de l'article 80 du code général des impôts précise que sont imposées comme des salaires les indemnités, au-delà d'un million d'euros, perçues au titre du préjudice moral fixées par décision de justice, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
- il n'est plus salarié de Airbus depuis 2010, les sommes déclarées entre 2012 et 2015 auxquelles l'administration fait référence correspondent à des actions gratuites taxables dans la catégorie des traitements et salaires ; les plans d'attribution d'actions gratuites sont antérieurs à son licenciement et la date d'attribution est d'ailleurs sans incidence sur le litige ;
- le fait que la société Airbus a mentionné l'indemnité en litige sur son bulletin de paie comme une somme imposable est sans incidence sur la qualification de la somme dans le présent litige ;
- contrairement à ce que soutient l'administration fiscale, il a bien été l'objet d'un licenciement abusif et irrégulier pour lequel il a été indemnisé.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 décembre 2016, le 31 mars 2017 et le 12 juin 2017, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'indemnité transactionnelle de 1 300 538 euros est imposable en application de l'article 80 duodecies du code général des impôts ; le requérant n'a pas produit d'éléments susceptibles de démontrer le montant des préjudices qu'il aurait subis et qui auraient justifié le versement d'une indemnité sans rapport avec une perte de revenus ; en outre, la somme perçue contient une indemnité liée à une perte de revenus, telle que la possibilité d'augmenter ses droits à la retraite ;
- les affirmations concernant l'existence d'un préjudice sont d'autant plus surprenantes dès lors que le requérant a déclaré dès 2012 auprès du même employeur des salaires ; il ne présente aucun élément susceptible de confirmer que des actions auraient été acquises durant le moment où il était employé, soit avant son licenciement ;
- son employeur a communiqué à l'administration le montant de ses revenus imposables de l'année 2011 en intégrant à ces derniers le montant en litige ;
- le requérant n'a pas établi que cette indemnité aurait un objet similaire à une de celles limitativement énumérées à l'article 80 duodecies du code général des impôts, notamment celle prévue à l'article L. 1235-3 du code du travail, octroyée par le juge quand le licenciement du salarié survient pour une cause qui n'est ni réelle, ni sérieuse ; il n'a pas démontré avoir subi de préjudices autres que celui lié à la perte de revenus, et n'a jamais été victime d'un licenciement abusif ou irrégulier ;
- le dossier contient tous les éléments utiles à l'examen et au règlement du litige et il n'est pas nécessaire d'ordonner une expertise.
Par ordonnance du 11 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 13 juin 2017 à 12 h 00.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 2018 :
- le rapport de M. Philippe Pouzoulet ;
- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public ;
- et les observations de Me B...représentant MC....
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., salarié de la société Airbus SAS, a été licencié à l'initiative de son employeur le 17 décembre 2010. Le 24 juin 2011, M. C...et la société ont conclu un protocole transactionnel mettant fin à tout litige entre les parties, en exécution duquel, outre une indemnité de licenciement fixée selon la convention collective applicable, le solde de primes et salaires restant dus et un remboursement de frais médicaux, la société a versé à M. C... une somme forfaitaire globale de 1 300 539 euros que M. C...a déclarée au titre de ses revenus de l'année 2011. Il a toutefois contesté l'imposition de la somme. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la réduction de l'imposition primitive sollicitée.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
2. Aux termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes. /Ne constituent pas une rémunération imposable : 1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-2, L. 1235-3 et L. 1235-11 à L. 1235-13 du code du travail ; 2° Les indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail ; 3° La fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail, qui n'excède pas : a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités ; b) Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ; 4° La fraction des indemnités de mise à la retraite qui n'excède pas : a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de cinq fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités ; b) Soit le montant de l'indemnité de mise à la retraite prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ; 5° (Abrogé) 6° La fraction des indemnités prévues à l'article L. 1237-13 du code du travail versées à l'occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié lorsqu'il n'est pas en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire, qui n'excède pas : a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date de versement des indemnités ; b) Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi. /2. Constitue également une rémunération imposable toute indemnité versée, à l'occasion de la cessation de leurs fonctions, aux mandataires sociaux, dirigeants et personnes visés à l'article 80 ter. Toutefois, en cas de cessation forcée des fonctions, notamment de révocation, seule la fraction des indemnités qui excède les montants définis aux 3 et 4 du 1 est imposable. "
3. Pour l'application et l'interprétation d'une disposition législative, aussi bien les autorités administratives que le juge sont liés par les réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel, statuant sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, assortit la déclaration de conformité à la Constitution de cette disposition.
4. Il résulte de la réserve d'interprétation dont la décision n° 2013-340 QPC du 20 septembre 2013 du Conseil constitutionnel a assorti la déclaration de conformité à la Constitution du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts que ces dispositions, qui définissent les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail bénéficiant, en raison de leur nature, d'une exonération totale ou partielle d'impôt sur le revenu, ne sauraient, sans instituer une différence de traitement sans rapport avec l'objet de la loi, conduire à ce que le bénéfice de l'exonération varie selon que l'indemnité a été allouée en vertu d'un jugement, d'une sentence arbitrale ou d'une transaction. Il s'ensuit qu'en cas d'indemnité allouée en vertu d'une transaction, l'administration et, lorsqu'il est saisi, le juge de l'impôt doivent rechercher la qualification à donner aux sommes objet de la transaction.
5. A cet égard, les sommes perçues par un salarié en exécution d'une transaction conclue avec son employeur ne sont susceptibles d'être regardées comme des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mentionnées à l'article L. 122-14-4 du code du travail, devenu l'article L. 1235-3 du même code, que s'il résulte de l'instruction que la rupture des relations de travail est assimilable à un tel licenciement. Dans ce cas, l'indemnité accordée au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse est exonérée. La détermination par le juge de la nature de l'indemnité se fait au vu de l'instruction.
6. Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, M. C...a déjà perçu une indemnité de licenciement prévue par la convention collective applicable, non imposable. Il résulte de l'instruction et notamment de la lettre de licenciement reproduite dans le protocole transactionnel conclu le 24 juin 2011 que celui-ci est motivé par son employeur en raison d'un profond désaccord avec M.C..., alors " chief executive officer " de la société Onair, filiale d'Airbus SAS, sur la politique menée au sein du groupe Airbus SAS-EADS qui rendait incompatible son maintien à un poste à haute responsabilité et visibilité. M. C...ne fournit aucun élément précis susceptible d'infirmer ce motif de licenciement faisant d'ailleurs tout autant obstacle au reclassement du requérant à un niveau de responsabilité équivalent au sein du groupe. Dans ces conditions, le licenciement en litige ne peut pas être regardé comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse conformément à une jurisprudence établie par le juge judiciaire. M. C...ne peut donc se prévaloir d'aucun préjudice moral ou financier, y compris au titre de la perte de chance de pouvoir prétendre à une pension de retraite supérieure, justifiant l'exonération de tout ou partie de la somme de 1 300 539 euros qui lui a été versée en plus de l'indemnité conventionnelle et les moyens tirés de ce que l'administration aurait méconnu les dispositions des articles 80 duodecies ou a fortiori 80 du code général des impôts ne peuvent qu'être écartés sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse la somme que M. C...réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Sylvande Perdu, premier conseiller.
M. Romain Roussel, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.
Le premier conseiller,
Sylvande Perdu
Le président- rapporteur,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX01978