Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 18 novembre 2019, le 17 avril 2020 et le 10 février 2021, M. F..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1601374 du tribunal administratif de Pau ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 12 février 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de classer ses parcelles en zone bleue du plan de prévention des risques naturels ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement, que :
- le tribunal a omis de se prononcer sur son moyen tiré de l'absence de prise en compte par le commissaire enquêteur des observations émises par certaines autorités consultées sur le projet de plan ;
- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement.
Il soutient, au fond, que :
- le commissaire enquêteur n'a pas pris en compte les observations émises au cours de l'enquête publique ; il a insuffisamment motivé ses conclusions ;
- le plan de prévention des risques naturels en litige a méconnu les dispositions de l'article L. 562-1 du code de l'environnement ; il a ainsi classé certaines parcelles, dont les siennes, en zone rouge inconstructible sans distinguer les parties de ces parcelles soumises à un aléa fort de celles qui ne sont soumises qu'à un aléa moyen ;
- le classement en zone inconstructible de ses parcelles est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; il est fondé sur des éléments anciens, soit un rapport topographique datant de 1997 non réactualisé depuis ; ses parcelles étaient pourtant classées en zone bleue, correspondant à un aléa moyen, par l'ancien plan approuvé en 1993 ; elles sont désormais classées en zone inconstructible sans qu'aucune donnée nouvelle ne le justifie ; des parcelles proches de sa propriété ont été classées en zone blanche constructible ; une note géologique produite au dossier montre que le plan de prévention des risques naturels en litige repose sur une mauvaise interprétation des données recueillies.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2021, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. G... A...,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteure publique,
- et les observations de Me C..., représentant M. F....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 12 février 2016, la préfète des Hautes-Pyrénées a approuvé le plan de prévention des risques naturels prévisibles de la commune d'Ossun. M. F..., dont les parcelles ont été rendues inconstructibles par ce plan, en a demandé le retrait par un recours gracieux du 2 mai 2016 que la préfète a rejeté le 19 mai 2016. M. F... relève appel du jugement rendu le 17 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 12 février 2016 et de la décision rejetant son recours gracieux.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, les premiers juges ont indiqué que le commissaire enquêteur a pris en considération les observations émises au cours de l'enquête publique par les habitants de la commune, dont M. F..., et la direction régionale de l'équipement, de l'aménagement et du logement. Ils ont aussi relevé que le service interministériel de défense et de protection civile et le directeur départemental des territoires n'ont pas émis d'observations sur le projet de plan en précisant que leur consultation n'était pas obligatoire. Par suite les premiers juges, qui ont rappelé qu'il n'y a pas d'obligation pour le commissaire enquêteur de répondre à toutes les observations formulées au cours de l'enquête publique, n'ont pas omis de répondre au moyen tiré de ce que le commissaire enquêteur s'est abstenu de prendre en compte certains des avis et observations exprimés sur le projet.
3. En deuxième lieu, aux points 7 et 8 de leur décision, les premiers juges ont décrit avec une précision suffisante les caractéristiques des parcelles de M. F..., la nature du risque auquel elles sont exposées et les critères du zonage retenus, lesquels prennent en compte le niveau d'aléa identifié et les enjeux existants. Contrairement à ce que soutient M. F..., le tribunal a suffisamment exposé les raisons pour lesquelles le classement en litige n'était pas selon lui entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste. Le moyen tiré du défaut de motivation du jugement doit être écarté.
4. Il résulte de ce qui précède que le jugement n'est pas entaché des irrégularités alléguées.
Sur la légalité de l'arrêté du 12 février 2016 :
5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur (...) établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme (...) une synthèse des observations du public (...) Le commissaire enquêteur (...) consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet (...) ". Ces dispositions obligent le commissaire enquêteur à indiquer, en livrant ses conclusions, les raisons qui déterminent le sens de son avis. En revanche, elles ne lui imposent pas de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique.
6. Si M. F... allègue que le commissaire enquêteur a fondé son opinion sur des études non versées au dossier d'enquête, cette circonstance est sans incidence sur l'obligation formelle de motivation de ses conclusions qui pèse sur le commissaire enquêteur en application des dispositions précitées. Par ailleurs, à la page 7 de son rapport, le commissaire enquêteur a résumé le contenu de la lettre que lui a adressée M. F... au cours de l'enquête et rappelé le souhait de celui-ci que ses parcelles soient reclassées en zone constructible. Ce faisant et conformément aux dispositions précitées, le commissaire enquêteur a examiné les observations de M. F... auxquelles il a d'ailleurs répondu dans son rapport. Enfin, le commissaire enquêteur a justifié son avis favorable au projet de plan après avoir relevé que les études ayant servi à son élaboration ont décrit les risques encourus tant en matière de mouvements de terrains que d'inondations. Il a aussi relevé que les cartes et documents règlementaires prenaient en compte les aléas mais aussi les enjeux existants en séparant les zones non bâties des zones déjà construites. Ce faisant, le commissaire enquêteur doit être regardé comme ayant émis une opinion personnelle et circonstanciée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par le commissaire enquêteur des dispositions de l'article R. 123-19 du code de l'environnement doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I - L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain (...) II. - Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers (...) ". Il résulte de ces dispositions que les plans de prévention des risques naturels prévisibles ont pour objet de définir des zones exposées à des risques naturels à l'intérieur desquelles s'appliquent les interdictions, prescriptions et mesures de prévention, protection et sauvegarde qu'ils définissent.
8. Il ressort des pièces du dossier que sous l'empire de la cartographie des zones exposées aux risques naturels d'Ossun approuvée en 1993 en application de l'article R. 111-3 du code de l'urbanisme alors en vigueur, les parcelles de M. F... ont été classées en zone bleue, soit une zone exposée à un aléa moyen de glissement de terrains où les constructions étaient autorisées. L'intensité de l'aléa (faible, moyen, fort) constituait alors l'unique critère servant à délimiter les zones constructibles des zones inconstructibles. Les documents d'identification des zones exposées à des risques naturels ont été remplacés depuis la loi n°95-101 du 2 février 1995, relative au renforcement de la protection de l'environnement, par les plans de prévention des risques naturels dont le contenu, et notamment les interdictions de construire qu'ils peuvent prévoir, résulte du croisement des données relatives aux niveaux d'aléas observés pour un risque naturel défini avec les enjeux existants, qu'ils soient humains, environnementaux ou économiques. Il en résulte que la distinction dans les plans de prévention des risques naturels entre les zones constructibles et les zones inconstructibles n'est pas exclusivement dépendante de l'intensité du risque observé, les dispositions précitées du code de l'environnement ne faisant pas obstacle à ce qu'une même zone regroupe des secteurs soumis aux mêmes interdictions, prescriptions et mesures, sans qu'il soit nécessaire que les motifs différents qui ont pu conduire à les soumettre à des règles identiques soient identifiables par un zonage différencié.
9. Il s'ensuit que la circonstance que les parcelles de M. F... aient été regardées dans le cadre du plan approuvé par l'arrêté en litige du 12 février 2016 comme soumises à un aléa moyen de glissement de terrains ne faisait pas obstacle, par elle-même, à ce qu'elles soient désormais classées en zone inconstructible. Il ressort à cet égard des pièces du dossier que les parcelles de M. F... sont situées dans un secteur naturel où il n'existe pas d'enjeux particuliers qui auraient justifié le maintien de leur classement en zone constructible. Par suite, l'arrêté en litige pouvait, sans erreur de droit, inclure en zone inconstructible rouge non seulement des parcelles soumises à un aléa fort (G1) mais aussi celles sujettes à un aléa moyen (G2).
10. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la commune d'Ossun est le lieu de convergence de plusieurs ensembles structuraux de la chaîne pyrénéenne (piémont molassique du Miocène, zone nord pyrénéenne, Trias du front nord pyrénéen). Pour contester le classement litigieux, M. F... produit une " note géologique du secteur Camp de César ", où se trouvent ses parcelles, établie par le bureau d'études Cetra. Celui-ci relève que la zone rouge inconstructible incluant les parcelles de M. F... " correspond plus ou moins au faciès géologique des poudingues de Palassou. Ce faciès étant habituellement dur, d'où le relief existant du Camp de César, il est surprenant que lesdites parcelles soient inscrites en inconstructible pour des motifs de glissement de terrain ... au premier regard basé sur les documents existants, la première impression qui en ressort est une mauvaise interprétation de la carte géologique dans la réalisation de la cartographie du risque glissement de terrain. La zone rouge n'aurait pas dû exister d'un point de vue géologique d'autant plus que le nouveau document BRGM ... met ce secteur en zone blanche, sans risque. Il semblerait donc ... qu'une vérification des documents existants s'impose sur le terrain ... ". Ces conclusions, eu égard aux termes dans lesquels elles sont rédigées, et qui se fondent uniquement sur l'observation de documents, ne permettent pas d'estimer que le classement en litige, qui ne repose pas uniquement sur le niveau d'aléa, est le résultat de données erronées ou mal interprétées. Le requérant ne produit aucun autre élément permettant de remettre en cause, au moyen d'une méthodologie plus précise, la légalité du zonage retenu pour ses parcelles, laquelle ne peut être remise en cause du seul fait qu'il s'appuie sur des relevés topographiques réalisés en 1992 et 1997.
11. Par ailleurs, il est de la nature des plans de prévention des risques naturels de distinguer et de délimiter, en fonction des degrés d'exposition à ces risques, des zones à l'intérieur desquelles s'appliquent des contraintes d'urbanisme importantes et des zones ne nécessitant pas l'application de telles contraintes. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les parcelles de M. F... présentent les mêmes caractéristiques, notamment géologiques, que les parcelles voisines n°474, 475, 496 lesquelles ont été classées en zone blanche constructible. A cet égard, il ressort des éléments du dossier que ces dernières parcelles sont situées dans un espace plat alors que celles de M. F..., ainsi que l'a d'ailleurs relevé le commissaire enquêteur, se trouvent sur un " petit plateau " en bordure de fortes pentes.
12. Il résulte des points précédents que l'arrêté du 12 février 2016 n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il classe en zone inconstructible les parcelles de M. F....
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 19BX04354 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et au ministre de la transition écologique. Copie pour information en sera délivrée au préfet des Hautes-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. G... A..., président-assesseur,
Mme E... H..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2021.
La présidente,
Elisabeth Jayat
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX04354