Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 juillet 2019 et le 28 octobre 2019, la société Setcor, représentée par Me C... et Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1700332 du tribunal ;
2°) d'annuler la décision ministérielle du 23 janvier 2017 ;
3°) de lui allouer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision a été prise sur une procédure irrégulière dès lors que l'administration a refusé de lui communiquer le contenu de l'avis de la commission consultative nationale consultée sur la demande d'agrément en application de l'article 217 undecies du code général des impôts ; cette communication aurait permis de satisfaire aux exigences du principe du contradictoire ; elle est de plus obligatoire pour l'administration en application de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration ; elle a ainsi été privée d'une garantie ;
- l'administration ne dispose pas d'un pouvoir discrétionnaire pour se prononcer sur la demande d'agrément ; il lui appartient de vérifier que les conditions légales sont satisfaites et si tel est le cas elle doit délivrer l'agrément s'agissant d'un dispositif qui constitue une aide d'Etat au sens du droit communautaire ;
- l'administration ne pouvait lui opposer le motif tiré de ce qu'un des autobus acquis ne fait pas l'objet d'une exploitation parce qu'il est placé en réserve ; ce véhicule a vocation à remplacer les véhicules en panne, ce qui permet de satisfaire à l'exigence de continuité du service public ; en tout état de cause, cet autobus est aussi utilisé pour l'exploitation du service ;
- l'administration ne pouvait estimer que cet investissement ne présentait pas d'intérêt économique pour le département de la Réunion ; elle a créé de nombreux emplois dans le cadre de son activité.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 octobre 2019 et le 13 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... A...,
- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteure publique
Considérant ce qui suit :
1. Par une demande déposée le 6 août 2014, la société des entrepreneurs de transport en commun de la Réunion (Setcor) a sollicité la délivrance de l'agrément prévu à l'article 244 quater W du code général des impôts au titre de ses investissements pour l'acquisition de seize bus destinés au réseau de transports interurbains " Cars Jaunes ", dont elle assure une part du service dans le cadre d'une délégation de service public renouvelée, d'un pont élévateur, d'un portique de lavage et d'un compresseur. Par une décision du 20 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics a délivré cet agrément pour les matériels décrits dans la demande de la société à l'exception toutefois de cinq autobus. Le 23 janvier 2017, après avoir consulté la commission consultative nationale prévue par l'article 217 undecies du code général des impôts, le ministre des finances et des comptes publics a confirmé son refus de délivrer l'agrément pour les cinq autobus restants. La société Setcor a demandé au tribunal administratif de la Réunion d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 janvier 2017. Elle relève appel du jugement rendu le 24 juin 2019 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 217 undecies du code général des impôts : " (...) Lorsque l'administration envisage une décision de refus d'agrément, elle doit en informer le contribuable par un courrier qui interrompt le délai mentionné au premier alinéa et offre la possibilité au contribuable, s'il le sollicite, de saisir (...) une commission consultative (...) ".
3. Par elles-mêmes, ces dispositions ne prévoient pas, s'agissant d'une demande tendant au bénéfice d'un avantage fiscal, que l'avis de la commission consultative sollicité par le contribuable lui soit communiqué avant que l'administration ne prenne sa décision sur l'agrément.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration, relatif au droit d'accès aux documents administratifs : " (...) les avis, prévus par les textes législatifs ou réglementaires, au vu desquels est prise une décision rendue sur une demande tendant à bénéficier d'une décision individuelle créatrice de droits, sont communicables à l'auteur de cette demande dès leur envoi à l'autorité compétente pour statuer sur la demande. Lorsque les motifs de l'avis n'y figurent pas, ceux-ci doivent être également communiqués au demandeur en cas d'avis défavorable (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que c'est seulement le 28 février 2017, soit postérieurement à la décision en litige, que la société Setcor a sollicité la communication de l'avis défavorable à sa demande émis par la commission nationale consultative en application de l'article 217 undecies du code général des impôts. Par suite, la circonstance que l'administration, qui n'était pas tenue de communiquer spontanément l'avis de la commission avant de prendre sa décision, ait, contrairement aux dispositions précitées, refusé le 28 février 2017 de satisfaire à la demande de la société, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige du 23 janvier 2017 dès lors qu'elle lui est postérieure.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 244 quater du code général des impôts : " I - 1. Les entreprises imposées d'après leur bénéfice réel (...) exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt à raison des investissements productifs neufs qu'elles réalisent dans un département d'outre-mer (...) II. _ 1. Le crédit d'impôt est assis sur le montant (...) des investissements productifs (...) VII. _ Lorsque le montant total par programme d'investissements est supérieur aux seuils mentionnés au II quater et au III de l'article 217 undecies, le bénéfice du crédit d'impôt est conditionné à l'obtention d'un agrément préalable délivré par le ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III du même article. VIII. _ 1. L'investissement ayant ouvert droit au crédit d'impôt doit être affecté, par l'entreprise qui en bénéficie, à sa propre exploitation pendant un délai de cinq ans, décompté à partir de la date de l'acquisition ou de la création du bien (...) ". Aux termes de l'article 217 undecies de ce code : " (...) III. - 1. Pour ouvrir droit à déduction, les investissements (...) réalisés dans les secteurs des transports (...) doivent avoir reçu l'agrément préalable du ministre chargé du budget (...) L'agrément est délivré lorsque l'investissement : a) Présente un intérêt économique pour le département dans lequel il est réalisé (...) b) Poursuit comme l'un de ses buts principaux la création ou le maintien d'emplois dans ce département ; c) S'intègre dans la politique d'aménagement du territoire, de l'environnement et de développement durable ; d) Garantit la protection des investisseurs et des tiers (...) ".
7. Les dispositions précitées instituent, au profit des sociétés qui remplissent les conditions qu'elles fixent, un droit au bénéfice de l'agrément préalable qu'elles prévoient. Elles ne permettent au ministre chargé du budget ni de refuser cet agrément, ni de limiter le montant des investissements productifs pour lesquels il est délivré en se fondant sur d'autres conditions que celles qui sont prévues par la loi.
8. L'agrément sollicité par la société Setcor l'a été dans le cadre du renouvellement de la délégation de service public de transport interurbain des " Cars Jaunes ". Pour refuser de délivrer cet agrément, en tant qu'il portait sur cinq véhicules, le ministre de l'action et des comptes publics s'est fondé sur les circonstances que l'un de ces véhicules devait être mis en réserve et ne pouvait être regardé comme affecté à une exploitation, que l'acquisition des cinq autobus ne présentait pas un intérêt économique pour le département de la Réunion, que la diminution du nombre de véhicules affectés par la société à l'exploitation du service de transport interurbain ne s'intègre pas dans la politique d'aménagement du territoire du département et que l'absence de garantie quant à l'exploitation effective du véhicule mis en réserve n'apporte pas aux tiers la protection attachée à l'agrément fiscal.
9. Il ressort des pièces du dossier que le renouvellement de la délégation de service public de transports interurbains " Cars Jaunes " s'est accompagnée d'une réduction du nombre de lignes exploitées par le délégataire, qui a perdu certains services à l'occasion de ce renouvellement, et d'une diminution d'environ trois quarts des arrêts initialement desservis afin de réduire les temps de trajets. Cette réduction du service proposé s'est aussi traduite du côté du délégataire par une diminution du nombre de véhicules affectés à la desserte des voyageurs. Dans ces circonstances, et alors même que la diminution du service résulte d'une décision de l'autorité délégante, il ne ressort pas des pièces du dossier que les investissements affectés par la société Setcor dans le cadre de la nouvelle délégation de service public présentent un intérêt économique pour le département de la Réunion et s'intègrent dans la politique d'aménagement du territoire de cette collectivité, la société n'apportant aucun élément permettant d'estimer qu'en dépit de la réduction du service, ces mêmes investissements contribueraient par ailleurs à cet intérêt économique et à cette politique d'aménagement. Ainsi, le projet de la société Setcor ne respectait pas au moins deux des conditions prévues à l'article 217 undecies précité du code général des impôts pour la délivrance de l'agrément. Par suite, le ministre, qui a vérifié si le projet remplissait ces conditions sans s'immiscer dans la gestion de l'entreprise, a fait une exacte application de la loi en rejetant la demande d'agrément dont il était saisi et il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ces deux motifs.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Setcor n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 19BX02871 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société des entrepreneurs de transport en commun de la Réunion et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie pour information en sera délivrée au directeur des finances publiques de la Réunion.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. E... A..., président-assesseur,
Mme B... F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2021.
La présidente,
Elisabeth Jayat
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02871