Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 janvier 2019, le 11 février 2019 et le 22 août 2019, la société Jec Onyx, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 30 octobre 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions, intérêts et pénalités susmentionnés.
Elle soutient que :
- les seuls produits d'exploitation imposables tirés de son activité résultent de la perception des redevances de location-gérance versées par ses quatre entreprises locataires ;
- l'administration n'a pas pris en compte le fait que durant les premiers mois de la mise en location-gérance de ses établissements, les quatre locataires gérants ont effectué des opérations sur ses propres comptes bancaires, le temps que leur soient attribués administrativement leurs propres codes FINESS ; elle devait, compte tenu de ce mode de fonctionnement, procéder au règlement du solde des remboursements " perçus pour compte " de ces sociétés après déduction de la redevance de location-gérance qui lui est due ; l'analyse comptable des comptes " créditeurs et débiteurs divers " et des comptes clients et fournisseurs se rapportant à ces quatre sociétés permettront de corroborer ses dires ; la vérificatrice n'a pas pris en compte le principe de la spécificité des exercices.
Par des mémoires en défense, enregistré le 25 juillet 2019 et le 2 octobre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... D...,
- et les conclusions de Mme F..., rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société Jec Onyx, société à responsabilité limité, qui a pour activité le commerce de détail d'optique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a concerné la période du 30 décembre 2009 au 31 octobre 2012 à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié des rehaussements de son chiffre d'affaires, auxquels elle entendait procéder au titre des exercices clos en 2010 et 2011. Ces rehaussements fixés à 484 816 euros et 125 277 euros au titre de chacun de ces deux exercices, ont été ramenés après recours hiérarchique, respectivement, à 126 163 euros et 71 675 euros. La société a alors sollicité la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, laquelle a émis un avis du 5 janvier 2016 favorable au maintien des rectifications. Des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés ont été mises à la charge de la société Jec Onyx pour un montant total de 89 227 euros, majoration et intérêts de retard compris, au titre des exercices clos en 2010 et 2011. La société Jec Onyx relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Guadeloupe a rejeté sa demande en décharge de ces impositions et pénalités.
2. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge ".
3. Les impositions en litige en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2010 et 2011 soumis à procédure contradictoire ayant été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il appartient ainsi à la société requérante, en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales et compte tenu des graves irrégularités non contestées entachant sa comptabilité, d'apporter la preuve de l'exagération de ces impositions.
4. Aux termes des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ".
5. La société Jec Onyx soutient qu'à compter de septembre 2009, à la suite de la dégradation de l'état de santé de son gérant, l'exploitation de chacun de ses quatre établissements, situés respectivement à Pointe-à-Pitre, au Moule, à Morne-à-l'Eau et à Basse-Terre, a été confiée en location-gérance à ses salariés principaux, que ces derniers ont, à cette occasion, constitué quatre sociétés distinctes et conclu un contrat de location-gérance avec elle, et que dans l'attente de l'attribution d'un code FINESS (fichier national des établissements sanitaires et sociaux) propre à chacune d'elles, elle a elle-même procédé à des encaissements en tiers payant sur le propre compte de ses locataires gérants, les sommes perçues ayant ensuite été rétrocédées à chaque locataire gérant sous déduction des redevances et loyers qui lui étaient dus, de sorte que son propre chiffre d'affaires est constitué de ces seuls redevances et loyers et non des encaissements constatés sur ses comptes bancaires et ensuite rétrocédés.
6. Il résulte toutefois de l'instruction que la comptabilité de la société Jec Onyx a été regardée comme non probante par l'administration sans que la société appelante ne le conteste et la société n'apporte aucun élément de preuve de nature à corroborer ses affirmations concernant les sommes qui, selon elle, auraient seulement transité par ses comptes. Plus précisément, elle ne produit pas, comme elle l'annonce dans ses écritures, les comptes " créditeurs et débiteurs divers " et les comptes " clients et fournisseurs " se rapportant à ces quatre sociétés ni aucun autre document permettant de retracer les modalités et les montants des reversements qu'elle aurait effectués en faveur de ses quatre locataires. Si elle produit les états financiers des entreprises locataires au titre de 2010 et la méthode de comptabilisation utilisée par ses locataires, en l'absence de tout rapprochement chiffré avec les opérations enregistrées sur ses comptes bancaires, ces éléments ne permettent pas à eux seuls de démontrer le caractère non imposable des sommes en litige.
7. De même si la société soutient que le principe de spécificité des exercices aurait été méconnu par le service, il résulte de l'instruction que la discordance révélée par l'analyse des crédits bancaires correspond à des encaissements qui ne sont appuyés d'aucune facture ou d'inscription en comptabilité. En l'absence de document comptable, ni d'ailleurs d'élément plus précis apporté par la société requérante, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que les sommes en litige auraient dû être rattachées à un exercice antérieur à celui auquel elles ont été rattachées par le service.
8. Dans ces conditions, la société Jec Onyx n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération des impositions litigieuses. Par suite, elle n'est pas fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011 ainsi que des pénalités afférentes.
9. Il résulte de ce qui précède que la société Jec Onyx n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Jec Onyx est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Jec Onyx et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera délivrée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 9 février 2021 à laquelle siégeaient :
Mme E... A..., présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme C... D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2021.
La présidente,
Elisabeth A...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00400