Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2020, M. D..., représenté par Me J..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 14 octobre 2020 ;
2) d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 14 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Atlantiques de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; à défaut, de réexaminer sa demande de renouvellement de titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur de droit au regard de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Il soutient, en ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble, que :
- il est insuffisamment motivé et ne permet pas de s'assurer que le préfet a procédé à un examen réel et sérieux de sa situation.
Il soutient, en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour, que :
- elle est entachée d'un vice de procédure tiré de la consultation irrégulière du fichier de traitements des antécédents judiciaires dès lors que le préfet s'est basé sur ce fichier pour savoir qu'il était défavorablement connu des services de police et considérer que sa présence en France constituait une menace à l'ordre public ; or ce fichier n'a pas été consulté par une personne dûment habilitée par le représentant de l'Etat, l'administration s'étant contentée de produire un extrait sans mentionner l'identité de la personne qui a procédé à sa consultation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il remplissait les conditions pour obtenir un titre de séjour prévues par l'article L. 313-11-6° du même code en qualité de père d'un enfant français compte tenu des liens qu'il a noués avec sa fille et des versements d'argent qu'il a effectués pour l'entretien de celle-ci ; le préfet ne pouvait pas s'abstenir de saisir la commission du titre de séjour du seul fait qu'il considère que sa présence sur le territoire constituait désormais une menace pour l'ordre public ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard de l'article L. 313-11-6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est père d'un enfant français et contribue effectivement à son entretien et à son éducation ;
- pour établir la menace à l'ordre public que représenterait sa présence en France, le tribunal ne pouvait se fonder sur la condamnation du 22 novembre 2018 qui, à la date de la décision litigieuse, n'était pas définitive ; pour les deux autres condamnations retenues, les faits délictueux de vol avaient été commis plus de deux ans avant l'édiction de l'arrêté dans un contexte de grande précarité économique et sociale ; à la date de l'arrêté litigieux, son casier judiciaire ne mentionnait que ces deux condamnations pour lesquelles les peines avaient été effectuées ; il n'a jamais été poursuivi pour des faits de violence ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; à la date de la décision litigieuse il résidait en France depuis sept ans et n'a plus aucun lien avec le Maroc, sa fille unique vit en France et est de nationalité française ; il a multiplié les efforts d'insertion depuis son arrivée en France et démontré sa volonté de travailler ; sa présence en France ne constitue pas une menace grave et actuelle pour l'ordre public ;
- la décision litigieuse ne mentionne pas son enfant et ne décrit pas sa situation familiale ; à aucun moment le préfet n'a procédé à l'appréciation de l'intérêt supérieur de son enfant ; l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant a donc été méconnu dès lors qu'il été porté atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant ;
Il soutient, en ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français, que :
- elle est dépourvue de base légale dès lors que la décision de refus de titre de séjour est elle-même illégale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Il soutient, en ce qui concerne la décision de refus de délai de départ volontaire, que :
- elle est dépourvue de base légale dès lors que la décision d'obligation de quitter le territoire est elle-même illégale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 511-1-II-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que sa présence en France ne constitue nullement une menace à l'ordre public.
Il soutient, en ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi, que :
- elle est illégale à raison de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français.
Un mémoire a été présenté par le préfet des Pyrénées-Atlantiques le 8 février 2021, soit postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue en application du premier alinéa de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau de l'aide juridictionnelle du 21 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. F... B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant marocain né le 2 janvier 1993, est entré en France au cours de l'année 2012 selon ses déclarations. Après la naissance de sa fille, le 12 novembre 2016 à Bayonne de sa relation avec une ressortissante française avec laquelle il avait conclu un pacte civil de solidarité enregistré au greffe du tribunal de grande instance de Bayonne le 4 février 2016, M. D... a obtenu un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 8 février 2017 au 7 février 2018. En février 2018, M. D... a sollicité le renouvellement de ce titre. Par un arrêté du 14 octobre 2019, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire pendant une durée de deux ans. M. D... relève appel du jugement du 14 octobre 2020 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Pau, après avoir annulé l'interdiction de retour sur le territoire français, a néanmoins rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation du pays de renvoi.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement à ce que soutient M. D... en appel, il ressort de la lecture du jugement attaqué que le tribunal a répondu, aux points 12 et 19 de sa décision, au moyen tiré de la méconnaissance par le refus de séjour de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
3. Au soutien du moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté qui ne permettrait pas de s'assurer que le préfet a procédé à un examen réel et sérieux de sa situation, M. D... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément nouveau par rapport à son argumentation soulevée devant le tribunal. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par le tribunal.
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, ainsi que l'a relevé à bon droit le tribunal, il ne ressort pas des motifs de l'arrêté en litige que le préfet se serait fondé sur le fichier de traitement des antécédents judiciaires pour retenir que la présence de M. D... constituait une menace à l'ordre public. Le préfet a pris sa décision en se fondant sur les faits ayant donné lieu aux condamnations pénales prononcées à l'encontre de M. D... et sur les résultats du rapport de l'enquête de moralité diligentée dans le cadre de la demande de renouvellement de son titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure en raison de la consultation irrégulière du fichier de traitement des antécédents judiciaires, au motif que A... consultation aurait été effectuée par une personne non habilitée, ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...). Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant / A... obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est séparé depuis juin 2017 de la mère de son enfant, née en novembre 2016. Une enquête de moralité et de domicile a été engagée par les services de la préfecture le 22 novembre 2018 durant laquelle l'intéressé et son ex-compagne ont été entendus. Le rapport d'enquête du 8 janvier 2019 montre que M. D... a de " simples et rares contacts " avec son ancienne compagne pour pouvoir parler à sa fille qu'il voit une fois par mois. Quant à la contribution financière de M. D... à l'entretien de sa fille, elle s'est limitée pour l'essentiel à un versement de 100 euros dans le mois qui a suivi leur séparation et le don de quelques vêtements. Ces éléments, tout comme les autres pièces du dossier, ne permettent pas d'estimer que M. D... s'est réellement investi dans l'entretien et l'éducation de sa fille. Dans ces circonstances, M. D... ne peut être regardé comme contribuant à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans au sens du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et alors au surplus que la présence de M. D... constitue, ainsi qu'il sera dit ci-après, une menace pour l'ordre public, le préfet a fait une exacte application de ces dispositions en rejetant sa demande de titre de séjour.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que A... ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Il ressort des pièces du dossier que le 12 janvier 2017, M. D... a été pénalement condamné à une peine de prison avec sursis pour un vol commis en août 2016. Par un jugement du 13 octobre 2017, le tribunal correctionnel de Bayonne a révoqué le sursis de M. D... après que celui-ci a commis en récidive plusieurs vols dans une habitation et un entrepôt. Compte tenu de ces infractions récentes et répétées M. D..., qui était incarcéré à la date de la décision attaquée, constituait une menace pour l'ordre public. Par ailleurs, et ainsi qu'il a été dit, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... entretient des liens particuliers avec son enfant mineur. Il a également fait l'objet de deux mesures d'éloignement du 25 mai 2013 et du 23 juin 2015 à l'exécution desquelles il s'est soustrait. Il possède des attaches familiales dans son pays d'origine où résident son père, son frère et sa grand-mère. Compte tenu de ces éléments, et au regard des buts qu'il poursuit, l'arrêté en litige n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité par M. D..., qui n'a pas noué de liens particuliers avec son enfant à l'entretien et à l'éducation de laquelle il ne contribue pas, le préfet aurait méconnu les stipulations précitées.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ".
12. En vertu de ces dispositions, le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Il résulte de tout ce qui a été dit précédemment que M. D... ne peut prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour, de sorte que le préfet des Pyrénées-Atlantiques, qui n'a pas fondé sa décision sur le seul motif que l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public, n'avait pas à saisir la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur la demande de titre. Ainsi, le moyen tiré de l'absence de saisine de A... commission doit être écarté.
En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, si M. D... soutient que la mesure d'éloignement en litige est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour, il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité de A... dernière décision doit être écarté.
14. En deuxième lieu, les moyens tirés par M. D... de l'erreur de droit, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés compte tenu de ce qui précède.
En ce qui concerne la décision de refus de délai de départ volontaire :
15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de la décision de refus de délai de départ volontaire en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
16. En deuxième lieu, les moyens tirés par M. D... de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-1-II-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif allégué qu'il ne présente pas une menace à l'ordre public, doit être écarté compte tenu de ce qui précède.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
17. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de renvoi, en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... D... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.
Délibéré après l'audience du 9 février 2021 à laquelle siégeaient :
Mme I... C..., présidente,
M. F... B..., président assesseur,
Mme E... G..., première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 mars 2021.
La présidente,
Elisabeth C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03591