Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er août 2018 et 5 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 avril 2018 ;
2°) de rétablir la société Etablissements B... à ces cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises avec toutes les conséquences de droit.
Il soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation des faits qui a abouti à une inexacte application de la législation applicable en exigeant que la commission communale soit consultée alors que le service s'est borné à rectifier une erreur commise de longue date par l'administration qui avait appliqué à tort une valeur locative de 10 francs au lieu des 13 francs validés par ladite commission en 1972 ;
- la modification proposée pour les biens donnés en location de M. B... ayant été entérinée par la commission communale, le 10 avril 2015, pour la période postérieure au contrôle, c'est à bon droit que l'administration a mis en recouvrement le 30 avril 2015 les impositions supplémentaires de cotisation foncière des entreprises (CFE) dues au titre des années 2011 à 2014 ; la dualité de la procédure qui a emporté des incidences tant pour le passé que pour l'avenir n'est pas contraire à la lecture de l'article 1505 du code général des impôts ;
- la lettre d'information du 31 octobre 2014 sur les modifications envisagées était suffisamment motivée ;
- la société requérante ne saurait revendiquer l'application du coefficient de pondération de 0,3 retenu pour le bâtiment 1 lors de l'imposition initiale dès lors qu'il n'est pas prévu par le décret du 17 octobre 2011 ;
- l'application du coefficient de 1 au bâtiment 2 est justifiée au regard de sa fonction exclusive de stockage directement liée à l'exploitation ; il en va ainsi d'autant plus pour le local phytosanitaire dont la technicité répond à ses obligations légales ;
- les circonstances invoquées par la société requérante, telles que la surface du local ou son éloignement, ne peuvent être prises en compte par un ajustement, le local à évaluer étant le local-type ;
- les instructions administratives invoquées par la société requérante ne comportent aucune interprétation formelle de la loi, de sorte qu'elles ne peuvent être opposées au service sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
- en tout état de cause, la valeur locative retenue devra nécessairement tenir compte du tarif de 1,98 euros choisi par la commission communale en 1972.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2018, la société Etablissements B..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... D...,
- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est propriétaire d'un local professionnel, cadastré section AH n° 241 situé Moulin de Goudou à Saint-Pompon (Dordogne), donné à bail à la société anonyme Etablissements B... qui exerce une activité de négoce de produits liés à l'agriculture. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2010 au 30 juin 2013, l'administration fiscale a procédé à une nouvelle évaluation des biens de la société passibles de taxe foncière et l'a assujettie à des suppléments de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2011, 2012, 2013 et 2014 pour un montant total de 4 072 euros. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 5 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé la société Etablissements B... des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des 2011, 2012, 2013 et 2014 pour les montants respectifs de 1 012 euros, 1 008 euros, 1 026 euros et 1 014 euros.
2. D'une part, aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. / (...) ". Aux termes de l'article 1415 de ce code : " La taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties et la taxe d'habitation sont établies pour l'année entière d'après les faits existants au 1er janvier de l'année de l'imposition ". Aux termes de l'article 1494 du même code : " La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties (...) est déterminée conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte (...) ". Aux termes de l'article 1498 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : / (...) / 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. / Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; / b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : / Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, / Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; / 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe ". Aux termes de l'article 324 Z de l'annexe III à ce même code dans sa rédaction applicable au litige : " I. L'évaluation par comparaison consiste à attribuer à un immeuble ou à un local donné une valeur locative proportionnelle à celle qui a été adoptée pour d'autres biens de même nature pris comme types. / II. Les types dont il s'agit doivent correspondre aux catégories dans lesquelles peuvent être rangés les biens de la commune visés aux articles 324 Y à 324 AC, au regard de l'affectation de la situation de la nature de la construction de son importance de son état d'entretien et de son aménagement. / Ils sont inscrits au procès-verbal des opérations de la révision ". Il résulte de ces dispositions que seuls les locaux-types régulièrement inscrits aux procès-verbaux des opérations de révision des évaluations foncières des propriétés bâties communales au 1er janvier de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie peuvent être utilisés comme termes de comparaison pour l'application de la méthode d'évaluation de la valeur locative prévue au a du 2° de l'article 1498 du code général des impôts.
3. D'autre part, aux termes de l'article 1505 du même code : " Le représentant de l'administration et la commission communale des impôts directs procèdent à l'évaluation des propriétés bâties. / Après harmonisation avec les autres communes du département, les évaluations sont arrêtées par le service des impôts. Il en est de même en cas de désaccord entre le représentant de l'administration et la commission ou lorsque celle-ci refuse de prêter son concours (...) ". En vertu des dispositions de l'article 1650 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, la commission comprend le maire de la commune et, selon la taille de celle-ci, six à huit commissaires désignés par le directeur des services fiscaux sur une liste de contribuables. Cet organisme est présidé par le maire. En application des dispositions de l'article 345 de l'annexe III au code général des impôts, la commission se réunit à la demande du directeur des services fiscaux. Il résulte des dispositions de l'article 1505 du code général des impôts que la commission communale des impôts directs doit être saisie lors de chaque modification par l'administration de l'évaluation des propriétés bâties relevant de l'article 1498 de ce code, en dehors du cas où cette modification résulte exclusivement de l'actualisation de la valeur locative par application des coefficients annuels de majoration prévus à l'article 1518 bis de ce code. L'omission par l'administration de la saisine préalable obligatoire de cette commission, qui a pour effet de priver les contribuables d'une garantie, constitue une irrégularité devant conduire le juge de l'impôt à écarter définitivement la valeur locative retenue par l'administration.
4. Le ministre soutient que la valeur locative du local-type n° 9 que constitue le local en litige, avait été fixée par la commission communale le 19 juin 1972 à 13 francs, soit 1,98 euros le m2 au 1er janvier 1970 mais que pour une raison inconnue, le service a appliqué un ajustement de 0,77 ramenant le tarif à 1,5246 euros le m2 et que par suite, le contrôle qui s'est borné à rectifier une erreur commise de longue date, n'impliquait pas la saisine préalable de la commission communale alors en outre que, préalablement à la mise en recouvrement des suppléments de cotisation foncière des entreprises intervenue le 30 avril 2015, ladite commission, saisie le 11 mars 2015, a par son avis du 10 avril 2015 confirmé le tarif de 1,98 euros, compte tenu d'un ajustement de 100 %.
5. Toutefois, en supprimant l'ajustement de 0,77 qu'elle avait retenu à la suite de l'avis de la commission du 19 juin 1972 et en modifiant les coefficients de pondération qui avaient été retenus pour la détermination de la surface imposable, laquelle est passée de 730 m2 à 1137 m2, l'administration fiscale n'a pas procédé à une simple rectification d'erreurs matérielles mais a procédé à une modification de la valeur locative du local-type n° 9 appartenant à M. B..., impliquant la saisine préalable de la commission communale.
6. S'il est constant que le 10 avril 2015, cette commission a implicitement donné son accord sur la révision de la valeur locative du local-type en litige, toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 2, que ne peuvent être utilisés comme terme de comparaison des locaux types figurant sur un procès-verbal arrêté postérieurement au 1er janvier de l'année d'imposition. Par suite, l'administration qui ne pouvait modifier les données inscrites au procès-verbal des opérations de révision des évaluations foncières des propriétés bâties communales postérieurement au 1er janvier des années d'imposition en litige, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que la modification de la valeur locative des locaux était intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière et a écarté pour ce seul motif, la valeur locative retenue par l'administration.
7. Toutefois, la méconnaissance de cette procédure ne saurait avoir pour effet, en raison de la nature d'impôt réel de cette taxe, de libérer le bien de toute imposition. Lorsque le juge de l'impôt constate que la commission n'a pas été consultée en violation des dispositions de l'article 1505 du code, il doit fixer, au vu de l'instruction, une nouvelle valeur locative. D'une part, il lui appartient à ce titre de retenir, si elle n'est pas contestée, la valeur locative ayant servi au calcul de l'imposition de l'année précédente, que cette valeur résulte de cette imposition ou d'une décision juridictionnelle ayant statué sur la contestation de cette imposition. D'autre part, dans le cas où la valeur locative ayant servi au calcul de l'imposition de l'année précédente est contestée, le juge de l'impôt doit statuer sur cette contestation et, s'il y fait droit, déterminer, au vu de l'instruction, la valeur locative du bien au titre de l'année d'imposition en litige.
8. En l'absence de contestation par la société Etablissements B... de la valeur locative ayant servi au calcul de l'imposition de l'année précédant les années en litige, soit l'année 2010, il y a lieu, ainsi que l'ont fait les premiers juges, de retenir cette valeur locative pour la détermination des impositions dues au titre des années 2011 à 2014.
9. Il résulte de tout ce qui précède, que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 5 mars 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé la société Etablissements B... des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 à 2014 inclus pour les montants respectifs de 1 012 euros, 1 008 euros, 1 026 euros et 1014 euros.
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à la société Etablissements B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'économie et des finances est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à la société Etablissements B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société Etablissements B.... Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme A... D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.
Le président,
Elisabeth Jayat
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03038