Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces, enregistrées le 10 novembre 2019 et le 29 novembre 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 10 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 juin 2019 susmentionné ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un certificat de résidence dans le délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ; à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le refus de séjour est insuffisamment motivé ;
- le préfet a méconnu son droit d'être entendu garanti par le droit de l'Union européenne dès lors qu'il n'a pu faire valoir ses observations avant que soit pris l'arrêté en litige ;
- l'arrêté a été pris en méconnaissance de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- il a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2020, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête, qui n'est pas motivée, est irrecevable ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une décision du 27 février 2020, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant algérien né le 11 juillet 1982, est entré en France le 27 décembre 2018 muni d'un passeport et d'un visa de court séjour " entrées multiples " valable du 27 janvier 2018 au 26 janvier 2019. Il a sollicité le 29 janvier 2019 la délivrance d'un certificat de résidence algérien, sur le fondement de l'article 6 alinéa 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 12 juin 2019 le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. En premier lieu, il ressort des termes de la décision de refus de séjour attaquée qu'elle mentionne les textes applicables et notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention internationale des droits de l'enfant et expose les éléments de la situation personnelle et familiale de M. A... qui ont été pris en compte, notamment qu'il peut rejoindre son pays d'origine avec son épouse et ses deux enfants et qu'il n'est pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, compte tenu qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine et eu égard à l'absence d'obstacle à la poursuite de sa vie familiale hors de France. Dans ces conditions, cette décision contient les motifs de droit et de fait sur lesquels elle se fonde. Par suite, elle est suffisamment motivée.
3. En deuxième lieu, le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
4. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. À l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.
5. Il appartenait à M. A... au cours de l'instruction de sa demande de titre de séjour, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait sollicité en vain un entretien avec les services de la préfecture de Haute-Vienne au cours de l'instruction de sa demande, ni qu'il aurait été empêché de porter spontanément à la connaissance du préfet des éléments de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour et sa situation. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que son droit d'être entendu aurait été méconnu doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. A... fait valoir qu'il vit en France avec son épouse, une compatriote avec laquelle il a eu deux enfants, âgés respectivement de 7 ans et de 4 ans et scolarisés en France et fait état de sa bonne insertion professionnelle et sociale. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'appelant est entré en France en 2018 seulement et qu'il ne démontre pas qu'il serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine dans lequel il a vécu la plus grande partie de sa vie. Alors en outre que son épouse est également en situation irrégulière sur le territoire et que ses deux enfants sont très jeunes, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale, composée de deux enfants et de la compagne de M. A..., puisse se recomposer en Algérie et que ses enfants y poursuivent leur scolarité. Dans ces conditions, l'appelant, quand bien même il démontre avoir fait des efforts d'intégration en France et avoir notamment tissé des liens amicaux sur le territoire, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaîtrait ainsi les stipulations précitées du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. Ainsi qu'il vient d'être dit, les enfants de M. A..., de nationalité algérienne, ne seront pas séparés de leurs parents en cas d'éloignement dès lors que l'épouse de M. A... n'a pas vocation à demeurer sur le territoire et qu'ils pourront poursuivre leur scolarité en Algérie. Par suite, le préfet ne peut être regardé comme ayant porté atteinte aux droits protégés par les stipulations précitées.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de l'appelant à fin d'injonction, d'astreinte et de paiement des frais d'instance ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me C... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
Mme D... E..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.
Le président,
Elisabeth Jayat La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX04361